Lettre à Cédric
Ce matin du dimanche 4 décembre, la vie de Cédric Vigneron s’est arrêtée, victime d’un accident de la route.
Je prends la plume pour t’écrire ce que nous n’avons pas eu le temps de nous dire, parti bien trop tôt, il te restait tant de choses à accomplir et concrétiser.
Tu es entré par la petite porte dans le syndicalisme chez JA en t’inscrivant à notre concours de labour. Le ton était donné dès la première année, après quelques boulons et baguettes de soudure, ta charrue se voyait dotée de tous les artifices nécessaires à un travail de qualité.
Puis de manifestations en réunions, tu t’es rapproché du conseil d’administration puis du bureau pour finalement être nommé secrétaire général des jeunes agriculteurs de Charente Maritime. A croire que la tâche n’était pas assez difficile puisque tu t’associais dans le même temps pour réaliser ton rêve : devenir entrepreneur.
On aurait pu croire qu’à vouloir tout faire, on ne fait rien de bien. Mais c’était mal te connaître. Tu menais de front tes deux responsabilités, sans en délaisser aucune.
Travailleur acharné et perfectionniste, tu nous impressionnais davantage chaque jour en réussissant à développer de manière fulgurante ton entreprise avec ton associé, tout en suivant avec ferveur les dossiers syndicaux. Téléphone toujours collé à ton oreille. Défenseur du plus petit intérêt particulier, en étant à l’écoute des adhérents, jusqu’à la gestion de grosses crises nationales comme le blocage du pont de l’ile d’Oléron. Nous gardons tous en tête l’image où tu dominais la manifestation du haut d’une remorque de palettes ou encore celle où assis en tailleur au milieu de la route, tu empêchais les voitures d’avancer. Ces actes sont le reflet de ta détermination penchant parfois vers l’obstination, t’attirant occasionnellement quelques foudres. Mais quel plaisir d’avoir un meneur avec des convictions saines donnant une vraie identité à notre syndicat.
JA porte bien sa réputation d’école de responsables. Tu as appris à nos côtés à prendre la parole en public. D’abord la voix tremblotante comme nous tous à nos débuts, mais sans jamais aucune hésitation. Soit avec l’aide de quelques lignes griffonnées sur un brouillon. Juste avant une intervention. Soit avec un discours rédigé, jusque tard dans la nuit, après une longue journée de travail. Le sommeil étant pour toi une perte de temps ! Le résultat était le même : une prise de parole vindicative et cinglante toujours pertinente.
Je garde un souvenir tout particulier du recrutement de Juliette, notre animatrice. Nous avions passé des heures à discuter ensemble les candidatures pour être sûr de choisir la bonne personne. Tu l’avais même rappelée en étant au volant de ton élagueuse parce que : «comme ça, on verra bien si on se comprend !». Elle n’avait pourtant pas compris la moitié de ce que tu lui avais dit ; mais c’est elle qui prenait le poste quelque temps après !
Puis la complicité professionnelle s’est transformée en complicité affective, puisque Juliette est devenue ta petite amie, quelque temps après avoir cédé ta place de secrétaire général. A ce moment-là, nous avons dû continuer avec un élément fort de notre syndicat en moins, mais avec le sentiment de t’avoir libéré d’une responsabilité qui aurait pu devenir préjudiciable à ton entreprise.
Tes collègues et amis des Jeunes Agriculteurs se joignent à moi pour te remercier de ton engagement qui a permis à notre syndicat de continuer d’avancer.
J’ai passé une journée à écrire cette lettre par petits bouts, une journée à me remémorer tous ces moments, une journée sans arriver à croire qu’il faut maintenant parler de toi au passé. Cette journée est terminée, elle laisse place à l’avenir qui se construira sans oublier tes éclats de rires communicatifs et ta convivialité.
On dit souvent que le monde continue de tourner malgré la perte d’un proche. Et c’est vrai, mais crois-moi, notre monde a bien ralenti avec la perte du moteur que tu étais pour nous.
Repose en paix, nos pensées vont à ta famille, à Juliette et à ton associé, Pierre Baptiste.