Méthanisation : Comment développer la production régionale ?
La Convention d'affaires biogaz et méthanisation, qui s'est déroulée les 6 et 7 novembre à la Rochelle, a été l'occasion de faire un état des lieux de cette technique en Poitou-Charentes.
Avec la méthanisation, deux considérations techniques doivent être prises en compte. D’abord, il y a le principe en lui-même : utiliser des effluents et des déchets verts des exploitations pour les mettre dans un digesteur et produire ainsi du gaz, du méthane, que l’on réinjecte dans un réseau de chaleur, dans le réseau de gaz national ou que l’on transforme en électricité. Ensuite, viennent les quantités : celles nécessaire à la bonne marche du digesteur, celles pour que le projet devient viable. Lors de la dernière convention biogaz de La Rochelle, début novembre, les exemples ne manquaient pas, pas plus que les porteurs de projets ou les intervenants de cette filière d’énergies renouvelables.
9 % injecté dans le réseau de gaz
Selon des chiffres rendus publics lors de la convention d’affaires biogaz, la méthanisation représente 0,6 % des énergies renouvelables en Nouvelle-Aquitaine. La biomasse électrique constitue pour sa part 3,1 % de ces mêmes énergies ; elle est majoritairement produite à partir de la cogénération bois, des UVE (Unités de valorisation énergétique, qui incinèrent des déchets)... et du biogaz. La région comporte en tout 60 méthaniseurs, dont la moitié sont agricoles. Un tiers des sites sont en valorisation de chaleur, 58 % en cogénération et 8 % en injection réseau. En tout, 18,8 MW électriques installés, selon les chiffres de BioGazVallée. La capacité maximum de production en injection se situe actuellement à 1 MWh.
Selon ces mêmes chiffres, la «matière première» de ces unités de méthanisation (645 Kt) est constituée pour un tiers d’effluents agricoles, permettant de produire 19 % des GWh. 10 % vient des industries agroalimentaires. Fin 2016, la région produisait 1,2 Mt de matières potentiellement exploitables, dont la moitié étaient des effluents viti-vinicoles. Quant aux investissements, ils se situent dans la région à 9 000 € par KW d’électricité en cogénération, et à 27 800 € par Nm3CH4 (unité de mesure du biogaz). La Nouvelle Aquitaine est donc en quatrième position parmi les régions françaises ayant investi dans ces technologies, mais la puissance est plus élevée par projet : la moyenne se situe à 350 Nm3CH4/h, alors que dans les autres régions elle est plutôt entre 150 et 200. Par ailleurs, de nombreux projets en injection sont en cours, pour une puissance d’1 TWh (térawatts/heure) au total. La méthanisation en injection devrait donc, à l’horizon 2030, représenter un tiers de la consommation de gaz régionale ; à titre de comparaison, ce taux n’est que de 4,2 % à l’échelle de la France entière aujourd’hui. Au hit-parade des départements qui ont le plus fort potentiel, la Creuse, où la méthanisation pourrait connaître une croissance de... 238 %, contre par exemple 107 % dans les Deux-Sèvres ou 49 % en Charente-Maritime.
La région produit 1/4 de l’énergie qu’elle consomme
Dans le détail, 102 projets sont en cours d’élaboration dans la région, dont 62 d’origine agricole, mais seulement 19 ont reçu pour l’heure un financement public. La moitié de ces projets se concrétiseront en injection directe dans le réseau. D’ici 5 à 7 ans, la production pourrait atteindre 688 GW/h PCI (Pouvoir calorifique inférieur, une unité de consommation d’énergie) par an avec un «rendement moyen» de 168 Nm3CH4/h. Actuellement, la région Nouvelle Aquitaine produit un quart de l’énergie (toutes confondues) qu’elle consomme : les énergies renouvelables couvrent 17 % des besoins en énergie thermique, 18 % de ceux en électricité, 6 % des besoins pour la mobilité. L’objectif affiché (690 GWh dans 7 ans) est donc ambitieux, mais on annonce que la production atteindra déjà 177 GWh à mi-avril. La croissance s’annonce donc forte, d’autant que Françoise Coutant, vice-présidente du Conseil régional en charge du climat, estime qu’il n’y a pas de «tension identifiée sur la ressource agricole mobilisable pour la méthanisation». Pour la favoriser davantage, il existe un AMI (Appel à manifestation d’intérêt) pour la production innovante de gaz verts, avec des sessions tous les 5 mois. L’idée est de financer (via la région et le Feder, Fonds européen de développement régional) jusqu’à 60 % du coût total des investissements. D’autres projets existent, notamment pour l’avitaillement (fourniture de carburant) en BioGNV, qui devrait à terme utiliser des biogaz. La feuille de route est en tout cas prévue pour juin prochain, et devrait permettre de se projeter aux horizons 2023, 2030 et 2050.
Pendant la convention, les rendez-vous ont pris la forme de speed-datings chronométrés ; des affaires ont donc été tramées, mais il est difficile de savoir combien se sont réellement conclues. Les tables rondes, elles, ont permis de présenter des solutions, des mécanismes suivis par les proteurs de projets, ou des témoignages de gestionnaires d’unités de méthanisation. La seconde était axée davantage sur la faisabilité, avec l’exemple de l’unité de méthanisation de Vienne Agri Métha. Le message était clair : «allez-y !», à condition de soigner d’abord la communication. Quitte à le faire très en amont, pour donner toutes ses chances aux projets. Les porteurs de projets, qui ont par la suite enchaîné les rendez-vous dans la même salle, se montraient toutefois plus circonspects, tant est ténue «l’acceptabilité» des voisinages.