«On ne nous écoute pas, nous les agriculteurs !»
Prendre en compte les «données» du monde agricole, et trouver les moyens de faire passer le message, ce n’est pas si simple... Rencontre avec Jean-Louis Pierrois.
On ne peut pas le taxer d’opportunisme. Jean-Louis Pierrois défendait le monde agricole bien avant de s’installer dans l’Aunis avec ses vaches laitières. Par conviction, par passion même, mais surtout pas par corporatisme ou par sectarisme.
Lorsqu’on demande l’avis d’un territoire sur les projets structurants de réserves de substitution, il monte au créneau, notamment pour déplorer le manque de possibilités d’expression sur ce même territoire. «On ne dit pas assez pourquoi nous voulons ces investissements, indique-t-il. Pour nous, pour les jeunes, pour d’autres générations.» Proche de la FNSEA 17, Jean-Louis Pierrois mène «ses» combats. Fort documenté, il étaye son argumentation : «le refus des réserves de substitution par une minorité de la population va provoquer la disparition des exploitations familales, de type polycultures/élevage, et de fait accélérer la constitution des grands domaines agricoles». Sans vouloir jouer le pot de terre contre le pot de fer, il se dit atterré par le manque de dialogue. «Comme s’il était impossible... Comme si les uns ne pouvaient pas écouter les idées des autres.» Sans jouer les naïfs, Jean-Louis Pierrois fourmille d’exemples où développement de l’agriculture, environnement et monde rural cohabitent «en bonne intelligence».
«C’est l’arrêt de l’irrigation»
L’éleveur laitier, tout juste parti à la retraite au début de l’été, a démontré sur son exploitation de Saint-Sauveur d’Aunis que les cultures irriguées pouvaient être source de profits. Il produisait annuellement 470 000 litres de lait avec ses 80 ha de SAU, dont 30 ha de cultures fourragères (16 ha de maïs, 4 ha de betteraves, 10 ha de luzerne et autant de métiel) et des terres à faible réserve utile. Ses quotas d’irrigation montaient auparavant à 74 000 m3 ; mais depuis quelques années, la chute drastique des quantités d’eau, en Aunis comme ailleurs, a fait tomber le quota à 16 000 m3. «C’est l’arrêt de l’irrigation», constate-t-il. Et s’ajoutent à cela des surfaces amputées... «Mon cas n’est pas représentatif, mais peut-être exemplaire de ce qui arrive quand on réduit l’agriculture.»Avec humour, il décrit les néo-ruraux, les «écolos» qui plantent des murs au lieu des haies et lui font la leçon, à lui, qui a replanté le double des haies autrefois arrachées. «Dans le secteur, l’absence d’irrigation, donc de cultures d’été, comme dans d’autres parties de la commune, pourrait à court terme provoquer une catastrophe», explique-t-il. Car si l’agriculture occupe l’espace, elle l’entretient aussi. «Un incendie, c’est consternant à la fois pour la faune et la flore. Il faut une gestion, un stockage, une utilisation raisonnée et nécessaire pour le maintien des exploitations de polycultures/élevage, de cultures légumières, de production de semences.» Il ne nie pas les problèmes de gestion actuels, ou les griefs infondés faits au drainage dans les terres basses du marais. «Toutes les formes d’agriculture doivent pouvoir cohabiter sur le territoire de l’Aunis.»
Au-delà de la problématique de l’usage de l’eau, il élargit sa réflexion au foncier, où installation des jeunes, infrastructures routières, aménagements de zones diverses sont «en concurrence». À mots couverts, il décrit une situation non apaisée, de petites luttes d’intérêts et d’influences. Gentiment, lui, le défenseur agricole, cherche un espace d’expression où dire, expliquer, argumenter, prouver. Mais le lieu n’existe pas, ou plus. «Où est-il pour l’agriculture dans la plaine d’Aunis ?» Mais il veut quand même faire connaître «aux autres» les réalités de l’activité agricole. «Et pas seulement dans de beaux marchés fermiers. Non, là, en suscitant le dialogue dans nos fermes.» Selon lui, l’agriculture pâtit d’un manque de communication. L’exercice est difficile, en raison des «mauvaises images» véhiculées. Il évoque un «aménagement du territoire concerté», pour «ceux qui y vivent, y travaillent». Selon lui, il faut «professionnaliser» au maximum tous les secteurs du territoire. «Qu’ils laissent les agriculteurs s’expliquer !»
Dans les années 1980, l’irrigation était vécue en Aunis comme un «progrès». Aujourd’hui, selon lui, on veut la faire passer pour un «handicap». Alors Jean-Louis Pierrois rame en sens inverse et veut faire entendre sa voix. L’agriculture doit être plurielle, et pas «seulement circuits courts et bio»... «Que veut-on faire de l’autre agriculture ? Quelle recherche de valeurs ajoutées ?» Dès que la discussion se prolonge, Jean-Louis Pierrois s’enflamme. «Le dialogue est dur... Même dans notre microrégion.»