Grippe aviaire
Questions de survie, pour les éleveurs et la filière
Près de 350 aviculteurs et acteurs des filières avicoles ont convergé vers la salle Alauna de Secondigny lundi 4 avril, pour assister à une réunion de crise sur l’Influenza aviaire, en présence des services de l’État. Un temps d’échanges nécessaire.
Près de 350 aviculteurs et acteurs des filières avicoles ont convergé vers la salle Alauna de Secondigny lundi 4 avril, pour assister à une réunion de crise sur l’Influenza aviaire, en présence des services de l’État. Un temps d’échanges nécessaire.
La file d’attente à l’entrée de la salle en disait long sur la pertinence de ce rendez-vous initié par la Fnsea 79, la chambre d’agriculture des Deux-Sèvres et JA79 : des centaines d’éleveurs et membres de groupements sont venus prendre de l’information, poser leurs questions, et déposer leur détresse face à la crise inédite d’IAHP qui frappe les départements de l’ouest de la France depuis plusieurs semaines maintenant.
« Il y a un sentiment d’inexpliqué, voire d’injustice entre les traitements », livre Alain Chabauty (éleveurs de cailles), rejoint par Eric Auzanneau (poules pondeuses de plein air) qui ne peut pas livrer ses œufs à Bordeaux alors qu’ils sont acceptés en Vienne, ou encore par Dorothée Ingremeau (pigeons), qui paye chaque semaine 800 € d’écouvillons (analyses sanitaires) pour des lots pourtant bien moindres que les volailles classiques.
Jean-Paul Godin et Aurélie Piot (tous les deux en volailles de chair plein-air) déplorent quant à eux ne plus pouvoir faire leur métier si on claustre chaque année les animaux. Il y a aussi Emmanuel Merceron (poules pondeuses qui feront l’objet du dépeuplement car à côté d’un couvoir) qui s’inquiète d’un vide sanitaire à venir de près de 18 mois : toutes les situations de ceux qui prennent le micro expriment l’angoisse de l’avenir, mais aussi des difficultés terribles au quotidien, tant financières qu’humaines.
Rendre l’épidémie gérable
Sur l’estrade qui leur fait face, Emmanuelle Dubée, préfète des Deux-Sèvres, et Christophe Adamus, directeur de la DDETS-PP79, exposent de façon transparente les positions qui ont été retenues par les pouvoirs publics, « peut-être pas complètes ni parfaites mais avec trois objectifs clairs : le traitement sanitaire des foyers (désinfection, gestion des cadavres), la protection des sites sensibles, et le soutien aux éleveurs pour qu’ils puissent passer la crise et qu’on redémarre ensuite au plus vite », liste la préfète.
Il y a un sentiment d’inexpliqué, voire d’injustice entre les traitements, livre l'éleveur de cailles Alain Chabauty
Face à une assistance tendue, démunie, mais calme et soudée, les instances évoquent le difficile équilibre à tenir entre intérêt collectif et situation propre à chaque ferme. Les abattages préventifs, par exemple, visent à diminuer les densités de façon à rendre l’épidémie gérable.
La claustration, elle, chez les professionnels comme les particuliers, est une solution de bon sens. « Elle est temporaire, rappelle la préfète. Le modèle plein-air restera viable, et les éleveurs qui ne font pas de plein-air n’en aiment pas moins leurs animaux. On ne joue pas à un modèle contre l’autre ».
Les chiffres de l'épidémie
La région aux œufs d’or
Ce qui rend les Deux-Sèvres et la Vendée d’autant plus fragiles pendant cette crise, c’est leur diversité de profils d’élevage, l’aspect « multi-
espèces » : « Ce soir, on a 350 situations individuelles », a résumé Jean-Pierre Raynaud, vice-président de la région, en charge de l’agriculture. La zone concentre surtout un grand nombre des sites stratégiques pour la filière française, d’accouvage, de transformation et d’abattage.
« On a près de 100 % des sites parentaux et grands-parentaux. Les Landes dépendent de nous pour les œufs de canetons. Pour les œufs de consommation, les brioches Pasquier nous appellent en nous demandant s’ils en auront encore cette semaine », liste Joël Limouzin, président de la CA85.
Emmanuel Talon (reproducteurs) prend alors le micro pour alerter les services publics sur le scenario de reprise post-crise : « C’est simple : il faut que les poussins puissent circuler, sinon ça ne reprendra pas ». À l’écoute des points techniques remontés par les éleveurs, la préfète indique : « Nous repartons avec notre liste de courses ». À voir maintenant si cette liste donnera lieu à des mesures concrètes.
« « Ne soyez pas coupables de quoi que ce soit »
« Et comment on fait maintenant » ?
Comment faire face aux banques ? Comment faire bouillir la marmite ? Comment ne pas revivre l’année prochaine la même situation sanitaire ? Voici les trois principales questions que se posent les éleveurs. La réunion du 4 avril a été l’occasion d’un échange nourri de questions-réponses. Si les mesures ne satisfont pas pleinement les attentes et besoins, elles existent néanmoins.
Les partenaires alertés
En plus des dispositifs d’activité partielle de l’État et des procédures d’indemnités (en fin d'article), les acteurs de la filière se mobilisent pour coconstruire des solutions avec les partenaires agricoles. « Pour l’activité partielle, souvenez-vous que nous ne nous sommes pas arrêtés pendant la Covid-19, a rappelé Jérôme Caillé, administrateur Terrena et président du groupement d’éleveurs Bodin (la possibilité de réaliser des prestations hors Gaec est encore à l’étude pour les associés).
Nous travaillons depuis trois semaines avec les banques. Certaines vont bientôt accorder des prêts à courts termes sans garantie et sans frais de dossiers. Nous œuvrons aussi pour que les filières courtes soient prises en compte. Pour les prêts de long terme, des reports en fin de tableau d’investissement pourraient être accordés, avec taux d’intérêt à 1 %. Nous avons aussi exposé la situation à Séolis, Véolia, aux syndicats d’eau : ils sont prêts à arrêter la mensualisation. Les assureurs peuvent aussi proposer de rembourser la part de la perte d’exploitation sur les animaux. Appelez-les, ça peut diminuer la pression ».
Apprendre des épisodes précédents
D’un point de vue plus large, les éleveurs ne veulent pas « massacrer » leurs bêtes un quatrième hiver de suite et demandent des solutions scientifiques pérennes. Même si elle ne sera pas effective dès l’hiver prochain, la vaccination pourrait être une piste. La biosécurité en reste une autre, ainsi que la recherche sur la génétique. En attendant, les éleveurs, qui génèrent quatre emplois indirects en moyenne, restent ébranlés, durablement affectés par cette crise aigüe.
Procédures d'indemnisations