Stockage de l'eau : les uns avancent, les autres demandent à rejouer la partie
La radicalisation des opposants aux projets de stockage de l’eau laisse peu d’espoir que naissent des compromis. Le 6 novembre, à Mauzé-sur-le-Mignon, la dégradation d’une nouvelle réserve de substitution a fait monter la tension.
La radicalisation des opposants aux projets de stockage de l’eau laisse peu d’espoir que naissent des compromis. Le 6 novembre, à Mauzé-sur-le-Mignon, la dégradation d’une nouvelle réserve de substitution a fait monter la tension.
«L’eau est un bien commun ». Qu’ils soient mobilisés sur le site de construction de la première réserve du projet de substitution en développement sur le bassin de la Sèvre niortaise ou bien place du champ de foire, les militants réunis samedi 6 novembre à Mauzé-sur-le-Mignon ont entendu leurs porte-parole prononcer cette même affirmation. Ce point est assurément le seul qui, au cours de cette journée d’actions, a réuni deux camps aux positions chaque jour plus éloignées sur la manière de gérer ce bien commun.
Au lieu-dit Mallet, sur la digue de ce qui semblait être l’ouvrage à défendre ce jour de mobilisation annoncée par les opposants, 500 agriculteurs et riverains solidaires se sont retrouvés pour soutenir le projet de stockage d’eau. Ils répondaient à un appel à mobilisation lancé deux jours plus tôt par la Fnsea 79 , les JA 79 et la Coordination rurale. Venus des quatre coins de Nouvelle-Aquitaine, mais également de Bretagne et des Pays de la Loire, les exploitants invités par les orateurs à relever la tête, à être fiers de leur quotidien, de leur métier, de leur travail, se sont imprégné de l’histoire d’un projet aux premières lignes écrites en 2008. La directive-cadre sur l’eau imposait un retour au bon fonctionnement des milieux. « L’idée de stockage hivernal est née dans cet objectif, retrace Philippe Charles, responsable de la Coop de l’eau 79 à l’époque. La gestion aux volumes, dont le stockage est un outil, devait permettre de prioriser le bon état du milieu tout en réservant une ressource à la quantité contrainte pour l’activité économique ».
Une gestion collectivement réfléchie
Au fil des ans, le projet a évolué. Parce que l’eau est un commun, la société, à travers différentes associations, a négocié pour que la sécurisation des volumes encourage le développement de pratiques agricoles durables. Le projet de territoire que formalise le protocole d’accord pour une agriculture durable a été signé en 2018. « Un commun est une ressource partagée dont le projet de gestion est collectivement réfléchi », précise Thierry Boudaud, actuel président de la Coop de l’eau 79.
Dans le sud Deux-Sèvres, pour les porteurs du projet de stockage dont la gouvernance est entre les mains de l’établissement public du Marais poitevin, toutes les cases ont été cochées au fil des ans. « Y compris la légalité de ces ouvrages, contrairement à ce qui est dit ». « Merci, merci, merci d’être présents, adressait Thierry Boudaud à tous les soutiens qui s’exprimaient. Dans une prise de parole aux intonations trahissant une émotion difficilement contenue, le leader, habité par l’espoir que le dialogue et le droit, « notre credo », l’emporteront, veut continuer d’avancer pour l’environnement et la dynamique économique des territoires.
« Personne ne peut s’accaparer le combat pour l’environnement. Les agriculteurs vivent tous les jours les conséquences du changement climatique. Croire que l’on investirait lourdement dans des outils aux conséquences contraires à nos intérêts est un non-sens », exprimait à ses côtés Thomas Gaillard, le président de JA Deux-Sèvres. À l’adresse de ceux qui « dénoncent un déni de démocratie », les agriculteurs renvoient aux longues années de concertations et d’études validées. « Quels scores les leaders du mouvement d’opposition ont-ils fait aux élections locales cette année ? », questionnait l’un des participants, exaspéré par l’enjeu politique que prend le sujet.
Dégradation : unanime condamnation
Ministres de l’agriculture, de l’intérieur, préfet : samedi soir, l’État condamnait les actes de dégradation. Dans un tweet, Julien Denormandie affirmait que « justice devra être rendue. Rien ne justifie de telles dégradations ».
Au terme de la journée de mobilisation, Emmanuel Aubry, le préfet des Deux-Sèvres, relevait « des actes violents sur les forces de l’ordre afin de contourner les dispositifs mis en place, occasionnant trois blessés chez les gendarmes, avant de dégrader une retenue de substitution située sur la commune de Cramchaban (17) ».
Par communiqué de presse, la Fnsea 17 regrettait « un dispositif d’ordre inadapté. L’État va-t-il laisser s’installer une zone de non-droit et les actions de destruction face caméra ? », questionnait le syndicat.
La Fnsea des Deux-Sèvres dénonce « le sentiment d’impunité face aux lois de la République ». Elle attend « la plus grande sévérité dans la condamnation des auteurs de ces actes immondes ». Et s’interroge : « À quoi joue la Confédération paysanne ?
Comment un syndicat d’agriculteurs peut se vanter d’avoir démantelé un outil de travail ? Tout ça au nom d’une idéologie défendue avec des méthodes de terroristes ».
En réaction au saccage de la réserve de substitution de Cramchaban samedi, les membres de la CDOA, représentants de la Fnsea 79, de JA 79, du Crédit agricole, de la MSA, de la Coopération et de la chambre d’agriculture des Deux-Sèvres ont refusé de siéger au côté des adhérents d’une « Confédération paysanne qui a organisé, participé, encouragé les dégradations ». Ces déclarations ont été suivies d’effet. Avant que les travaux de la commission départementale d’orientation agricole ne soient ouverts, le 9 novembre, les membres de ces institutions ont demandé aux représentants de la Confédération paysanne de sortir. Face à leur refus, ils ont quitté l’instance. La CDOA, faute d’atteindre le quorum, a été reportée.