Table ronde MSA : Ces phytosanitaires, si utiles mais incidents sur la santé
L’exposition professionnelle doit se doubler des mille précautions et de bonnes pratiques. Facile à dire, plus difficile à faire entrer dans les mœurs agricoles.
Les phytosanitaires, on en parle souvent sur le plan environnemental. Pourtant. Selon le récent rapport parlementaire sur les pesticides, «l’établissement d’un lien de causalité entre la survenue d’une pathologie et l’exposition aux produits phytopharmaceutiques est délicat.» Cette «exposition professionnelle», Elisabeth Marcotullio, directrice de l’institut national de médecine en agriculture, l’a explicitée, étalée, chiffrée : elle est réelle. Par ailleurs, le Gouvernement a engagé des travaux sur la reconnaissance des maladies professionnelles liés aux pesticides, selon Agnés Buzyn. Notamment sur de nouveaux «tableaux» et des recommandations à destination des comités régionaux de reconnaissance.
Même les utilisateurs, les agriculteurs et leurs salariés en sont conscients. «Ce sont des produits chimiques que vous manipulez.» Si telle molécule, même agréée dans une homologation, est connue, son «effet cocktail» l’est moins. «Des associations positives ont été constatées entre l’exposition professionnelle à des pesticides et certaines pathologies, comme la maladie de Parkinson, le cancer de la prostate et des cancers hématopoïdiques (lymphome non hodgkinien, myélomes multiples)» écrivait en 2013 une étude de l’Inserm. Selon le professeur Roger Barouki il y a 80 % de certitude qu’il existe un lien de causalité entre certains cancers et l’exposition aux produits phytopharmaceutiques pour les professionnels. La messe est donc dite. Pas tout à fait selon la table ronde qu’organisait la MSA des Charentes pour son assemblée générale. Le décor, Elisabeth Marcotullio l’a bel et bien présenté comme étant celui-là. Exposition directe, indirecte… elle est réelle. Voilà 10 ans que Phyt’attitude cible, note, éduque. «Les choses évoluent» soulignait Philippe Guérin, médecin chef du service santé sécurité au Travail à la caisse de MSA Charentes, «la pratique face à ces produits change.» Sur les 220 demandes à la caisse de maladies professionnelles, moins de 10 seraient imputables à ces produits «selon les tableaux et les nomenclatures» soulignait Laurence Ladrière-Lizet, médecin chef du contrôle médical à la MSA des Charentes Pour ne pas regarder par le seul indicateur de la maladie professionnelle, la table ronde s’est refusée à choisir entre les différentes agricultures. Volontairement. Ce n’était pas le lieu.
Avoir de bonnes pratiques
La table ronde s’est faite pragmatique. Laurent Carayol, viticulteur en Charente échangeait notamment sur sa pratique «au-delà de la réduction des IFT, peut-être trop tournés vers l’environnement.» Il interrogeait sur les mécaniques d’inscription, sur les étiquettes peu informatives sur la santé, les molécules présentes, les perturbateurs endocriniens : «Il manque un maillon.» Un site, une référence «indépendante» où les produits seraient classés, répertoriés. Philippe Guérin renchérissait : «un système où il n’est plus besoin d’être ingénieur chimiste pour utiliser les produits.» Elisabeth Marcotullio acquiesçait : « il faut aussi être dans la vraie vie !» Celle des usages, des matins pressés, des exploitations où salariés et employeurs discutent peu, où les chantiers sont plus urgents, pris par le temps que les consignes de sécurité sont absentes. Ce que le salarié Jérémy Tallon, venu du monde du BTP, confirmait. Sans compter l’image d’agriculteurs épandant casqués, gantés, habillés… ainsi engoncés auprès du voisinage. Le thème «protégeons nos cultures, préservons la santé des actifs agricoles» avait tout son sens. Alors même si les chiffres viennent minimiser l’impact des produits phytopharmaceutiques sur la santé (5 % du coût des maladies professionnelles), la table ronde préparait en fait demain. Celui où les pratiques nouvelles des actifs agricoles encourageaient un demain meilleur en santé publique. «Je ne vois pas des chiffres, mais des visages» déclarait Elisabeth Marcotullio. Manière de dire (ou de redire) que des «bonnes pratiques» devaient d’être entreprises, que la prévention, l’information étaient la clé, associés à des réglementations, des connaissances techniques. Le rapport parlementaire soulignait l’écueil : la difficulté de sensibiliser le milieu agricole à une «nouvelle culture sanitaire» dans la manipulation et le respect des consignes. Un tiers des «traitants» n’ont encore… aucun équipement.