Ukraine: «Je me suis dit, et si c’était nous?»
Infirmière de nuit à l’hôpital de Montmorillon, Nathalie Fillon habite Verrières. La solidarité internationale, elle l’a éprouvée de nombreuses fois à travers l’association Les enfants du Monde de la Vienne dont elle est présidente. Au déclenchement de la guerre en Ukraine, elle s’est très vite mobilisée, et est rentrée de son convoi humanitaire en fin de semaine dernière, avec 16 familles.
Infirmière de nuit à l’hôpital de Montmorillon, Nathalie Fillon habite Verrières. La solidarité internationale, elle l’a éprouvée de nombreuses fois à travers l’association Les enfants du Monde de la Vienne dont elle est présidente. Au déclenchement de la guerre en Ukraine, elle s’est très vite mobilisée, et est rentrée de son convoi humanitaire en fin de semaine dernière, avec 16 familles.
Vous œuvrez depuis de nombreuses années dans les associations humanitaires. Pourquoi la situation en Ukraine vous a touché?
Moi et mon mari avons des attaches en Ukraine car nous y avons adopté notre fille. Quand elle avait 5 ans, nous avons d’abord accueilli Mariya pendant des vacances. Puis elle a perdu ses parents et son frère. Elle est venue vivre ici quand elle avait 16 ans et qu’elle était enceinte. Quand elle a eu 19 ans nous l’avons adoptée. Elle a aujourd’hui 24 ans et travaille dans un restaurant de Chauvigny. Son passé très sombre en Ukraine, elle voulait plutôt l’oublier. Mais au déclenchement de la guerre, elle m’a demandé si on pouvait faire quelque chose. Avec mon mari, nous y pensions depuis plusieurs jours. Ce n’était pas possible de ne rien faire.
Comment est née l’idée du convoi humanitaire?
Nous avons d’abord engagé une collecte de médicaments, de nourriture, de produits d’hygiène. Mais nous ne voulions pas tout envoyer à la frontière. On s’est rendus compte une fois sur place que tout s’entasse à la frontière. Les contacts de Maryia en Ukraine nous ont permis de mobiliser un camion à Kiev pour être sûr que notre collecte serait récupérée. Et puis on s’est dit que si on pouvait ramener des réfugiés, ce serait vraiment super.
Comment avez-vous fait?
Avec l’association Les enfants du Monde, mais aussi le groupe facebook Une nuit au chaud Poitou, nous avons d’abord recensé les familles de la Vienne prêtes à accueillir les réfugiés. Pas question pour nous de les loger dans des centres. Cela ne nous paraît pas de bonnes conditions pour eux qui arrivent d’une situation dramatique. D’autant que des familles françaises sont volontaires pour les aider. Au total, nous avons recensé 160 solutions d’accueil dans des familles. Il nous fallait alors un véhicule pour emmener notre collecte et pouvoir rentrer avec des réfugiés. De fil en aiguille et surtout au gré des contacts, l’entreprise de transport deux-sévrienne Avenir Atlantique a mis un bus à notre disposition, avec 4 chauffeurs et offert les frais de carburants. Sans eux rien n’était possible. Leur proposition nous a fait chaud au cœur, tout comme celles des familles d’accueillir des réfugiés ou encore les dons faits par les habitants de la Vienne. C’est incroyable toute cette solidarité et chaleur humaine autour de l’Ukraine.
Vous êtes partis le lundi à 3h du matin. Un long voyage jusqu’à Korczowa en Pologne. Quelles sont les images en arrivant à la frontière?
Des réfugiés dans des hangars, des gens apeurés, des collectes de médicaments, produits alimentaires et d’hygiène bloquées. Le camion qui devait récupérer notre collecte n’est jamais arrivé. Nous avons appris plus tard qu’il avait eu un accident et quant aux réfugiés que nous devions récupérer, leur car s’était fait pilonner par les russes et ils avaient dû faire demi-tour. Avec des bénévoles sur place nous avons pu récupérer d’autres réfugiés qui n’avaient pas encore quitté l’Ukraine, ne souhaitant pas rester à la frontière. Il y avait au total 16 familles et nous étions à Poitiers jeudi en début de nuit.
Comment s’est passé le retour?
Les femmes, les quelques hommes, blessés ou père de plus de trois enfants et réformés de guerre et les enfants étaient forcément très fatigués, traumatisés... hébétés. On n’a pas beaucoup parlé. Ils ont beaucoup pleuré. Ils nous demandaient où ils allaient. Les sourires ont commencé à revenir au fil du voyage.
Et maintenant?
Les familles réfugiées ont été réparties dans les familles volontaires. À Verrières, il y a trois familles. La solidarité est forte. Nous avons eu un bel accueil du maire mais il y a aussi la boulangère et l’épicière qui nous offrent leurs invendus, le comité des fêtes qui nous a dit que nous pouvions faire appel à eux. Nous avons lancé une cagnotte sur kisskissbankbank et nous avons récolté plus de 3000€ qui ont déjà servi à payer certains frais du convoi. Il y a pas mal de démarches administratives à faire: les autorisations de séjour, l’aide médicale d’État, parfois des rendez-vous chez des médecins. Il y aura aussi l’apprentissage du français. Il faudra un temps d’adaptation. Toutes les familles vont bien. Leurs accueillants sont chaleureux et magnifiques d’empathie. C’est la meilleure solution pour ces familles ukrainiennes qui sont surtout épuisées et ont d’abord besoin de se poser.
Et chez vous?
Nous accueillons une famille de 6 personnes. Le papa, la maman et leurs quatre enfants de 1, 2, 4 et 7 ans. Le papa est réformé de la guerre du Donbass. Ils ne veulent pas nous déranger ni abuser de notre hospitalité et disent merci 100 fois par jour. Au bout de presqu’une semaine ensemble, les sourires reviennent. Les enfants jouent. Les deux plus âgées vont à l’école du village. Mais le traumatisme est bien présent et le moindre passage d’un avion leur fait très peur. Le papa va chercher du travail. Ils sont conscients que ça va être long mais ils veulent rentrer chez eux. Dépôt de dons à la boutique solidaire des enfants du monde, ouverte du mercredi au vendredi de 14h30 à 18h et le samedi de 10h à 18h au 71 rue de Peuron à Chauvigny.