Budget
Un budget au régime minceur se prépare pour 2011
Le ministère de l’Agriculture n’échappera pas à la réduction des dépenses, a confirmé Bruno Le Maire. Plusieurs pistes sont explorées.
«Il faudra faire plus d’économies que ce que pensent tous les ministres !». Voilà une sorte d’avertissement à ses confrères lancé par la ministre de l’Economie Christine Lagarde. Le Premier ministre lui-même avait donné le signal en indiquant l’objectif : 45 milliards d’économies sur les dépenses, 5 milliards de réduction des niches fiscales. L’Allemagne avait donné le « la » sur une telle politique ; la Grande Bretagne vient de faire de même. La France n’y échappera pas.
L’agriculture est comme les autres secteurs d’action gouvernementale, largement concernée. Pour l’instant, peu de choses filtrent. Mais les discussions entre Bercy et la rue de Varenne n’en demeurent pas moins intenses. Elles portent d’abord sur les dépenses et les économies qui peuvent être réalisées. Le 6 juillet devant les députés a eu lieu une
« déclaration du gouvernement sur les orientations des finances publiques pour 2011 ». Dans un second temps, courant juillet, ce sont les niches fiscales et leurs remises en cause qui seront évoquées.
« On commence à voir la tête du bébé », dit un haut fonctionnaire à propos du budget de l’agriculture pour l’an prochain. Pour discuter entre eux, les fonctionnaires des finances et de l’agriculture ont une base : un mini-rapport rédigé par Daniel Perrin. Un document très synthétique mais très explosif aussi. Rédigé il y a près d’un an pour tirer les conséquences des coûts engendrés par le bilan de santé de la PAC, ce rapport reste la « boîte à idées » de ceux qui veulent faire adopter un régime minceur aux dépenses du ministère de l’Agriculture.
Daniel Perrin passe au crible bien des dépenses dont les missions pourraient être transférées aux… interprofessions. Il s’agit du financement de certaines recherches et expérimentations (12,7 millions d’euros) et des actions de promotion et communication (22 millions d’euros). L’ancien DG de l’ONIC va même plus loin. Constatant que certaines dépenses de FranceAgriMer sont destinées à disparaître, (service public de l’équarrissage), que d’autres échappent, pour leur orientation, à la responsabilité de l’office, que d’autres (aides anticrises) sont directement décidées par le politique (ministère) et que certaines (contrats de plan Etat-région) ne laissent pas vraiment de marge de manœuvre à l’office, c’est toute la question de son rôle qui est posée.
« La mise en question de certaines aides gérées par FranceAgriMer pose en fait le problème de l’existence même de cet office d’intervention agricole », remarque Daniel Perrin. Selon le rapporteur, la gestion des aides pourrait être effectuée directement par l’Agence de service et de paiement (ASP) tandis que les interprofessions pourraient se voir chargées des études relatives aux marchés, des actions de promotion, de recherche et d’expérimentation, de génétique, etc.
La taxation des produits pétroliers
« On en est aux réflexions, pas aux décisions radicales sur cette question », confie toutefois un haut fonctionnaire. Il n’empêche : certains professionnels font le lien entre cette réflexion sur FranceAgriMer et le contenu de la loi de modernisation agricole actuellement en discussion au Parlement. « Tous les amendements qui pouvaient conforter le rôle de FranceAgriMer ont été retoqués », dit l’un d’entre eux, remarquant aussi que la loi veut renforcer les interprofessions.
Ce qui est vrai de FranceAgriMer l’est aussi d’autres dispositifs permettant de faire des économies ou au contraire de supprimer des « niches fiscales ». Parmi elles, la taxation des produits pétroliers. Dans les bureaux de Bercy, on est sensible à certaines propositions du rapport Perrin concernant les carburants. D’une part, Daniel Perrin évoque la suppression du remboursement partiel de la TIC (taxe intérieure de consommation des carburants). Un allégement qui avait été accordé pour 2005 et qui a été prolongé ensuite. De quoi dégager un supplément de ressources de 165 millions d’euros pour l’Etat, payé par les agriculteurs. Plus radicale, l’idée de réduire la défiscalisation du gazole utilisée pour les machines agricoles. Alors que la fiscalité actuelle normale est de 42,79 euros par hectolitres, la taxe payée par les agriculteurs est de 5,66 euros par hl. De quoi apporter une marge de hausse fiscale appréciable, sachant que toute augmentation de la taxe de 1 euro par hl en rapporterait 10 millions à l’Etat.
Le rapport contient bien d’autres dispositifs :
- la suppression du financement du Ficia (Fonds d’incitation et de communication pour l’installation en agriculture), ce fonds qui permet d’accompagner les installations par de la formation ;
- en revanche, les dotations et prêts aux JA ne seraient pas remis en cause ;
- la fin du financement des Adasea dont les missions seraient reprises par les chambres d’agriculture, voire par des centres de gestion ou des services dépendant des organisations professionnelles (économie : 10 millions) ;
- la remise en cause de la ligne budgétaire destinée aux actions de génétique animale, sachant qu’une part de ces actions est déjà financée par le Casdar (développement agricole) ou des interprofessions ;
- la mise à niveau des redevances sanitaires ; la direction de l’alimentation du ministère de l’Agriculture suggère d’ajuster ces redevances et de les étendre au secteur laitier, à l’alimentation animale et au contrôle d’origine des produits ;
- la remise en cause de l’exonération générale de la taxe sur le foncier non bâti.
Rien n’est encore arrêté définitivement et certains de ces outils, s’ils sont utilisés, le seront peut-être dans les années ultérieures. A cela s’ajoutent les efforts de réduction de coûts portant sur les budgets de fonctionnement. Ils ne seront pas épargnés. 650 postes en moins d’ici trois ans, le ministère que dirige Bruno Le Maire ne sera épargné par le régime minceur décidé par le gouvernement.
- 5,6% sur trois ans
Le ministère de l'Agriculture verra ses crédits baisser, passant de 4,46 milliards d'euros en 2010 à 4,35 milliards en 2011, 4,29 en 2012 et 4,21 milliards en 2013. En 2011, 650 emplois seront supprimés sur ce ministère. C'est ce qu'indique le document budgétaire transmis à l'Assemblée nationale le 6 juillet par le ministre du Budget François Baroin. Les crédits de la mission Ecologie vont aussi nettement diminuer dès 2011, passant de 9,24 milliards en 2010 à 8,82 milliards en 2011. L'effort de réduction des effectifs est « plus élevé que la moyenne » aux ministères du Budget, des Affaires étrangères, de l'Agriculture, de la Défense, de l'Ecologie, de la Santé et des Sports.