Un inventaire, fruit de la mémoire paysanne
L’association Prom’haies s’attelle à un recensement des anciennes variétés de fruits. Un premier inventaire verra le jour en mai 2015.
Et au commencement il y avait la pomme. C’est en tout cas la version biblique. Et si elle fut fruit défendu dans le jardin d’Eden, elle est aujourd’hui le fruit le plus consommé en France*.
Plus de 1900 ans après, il y a eu 14-18. Et toujours la pomme. Un greffon a même été rapporté par un rescapé de la bataille du Chemin des dames. «Il n’y a à ma connaissance qu’un seul arbre, à Lorigné. L’arbre est intéressant, la pomme est bonne», explique Samuel Fichet, de l’association Prom’haies.
Et pour que demain, il y ait toujours la pomme, mais la pomme sous ses variétés les plus confidentielles, celles qui n’emplissent pas les étals des supermarchés, il faut faire appel à la mémoire des anciens. «Il y a urgence car nous avons besoin de témoignages de personnes qui ont aujourd’hui entre 80 et 95 ans», souligne Samuel Fichet. Et il ne s’agit pas seulement de pommes. Châtaignes, cerises, pêches, nèfles et poires ne comptent pas pour des prunes et feront partie de l’inventaire initié par Prom’haies en mai dernier. Et Samuel Fichet de poursuivre : «Un gros travail sur les pommes a déjà été effectué par les Croqueurs de pommes, il est poursuivi dans le cadre de cet inventaire des arbres fruitiers anciens des Deux-Sèvres et pour les autres fruits il y a beaucoup à faire».
«le génie paysan»
Les variétés anciennes réveillent parfois une certaine nostalgie chez les anciens. «C’est le cas du poirillon, une petite poire aux allures de pêche de vigne.» Même si le fruit à la queue courte, est juteux et de saveur sucrée, il peut laisser un goût amer dans la mémoire de certains : «Pour ceux qui en ont trop mangé, quand la nourriture manquait».
Les fruits, ces sortes de Madeleine de Proust à double tranchant, parlent également du «génie paysan». Et Samuel Fichet de rappeler une évidence : «Il n’y avait pas de fruits l’hiver, il fallait alors trouver des solutions pour les conserver. Ils sélectionnaient les pommes de garde comme la clochard, ils fabriquaient des pruneaux en faisant sécher dans le four à pain les prunes d’amour, sainte Catherine ou de Tours».
Un travail de patience
«En juin 2015, je pense que l’on pourra conclure au moins sur une quinzaine de variétés. S’en suivra la publication d’un livret», détaille-t-il. Le poirillon courte-queue, la prune d’amour, la prune sucre vert, la pomme «gote», la prune Damas, la pomme «quiaboussière», la poire « chirette »... sont quelques variétés déjà recensées. «Pour nombre de ces variétés l’orthographe est incertaine, il faudra que l’on se rapproche de personnes qui maîtrisent le patois.»
Passé juin 2015 (période jusqu’à laquelle l’opération est financée par la fondation Liséa-Biodiversité), l’inventaire sera de toute évidence poursuivi par une autre association. «L’objectif, à terme, est d’organiser la conservation de ces arbres dans plusieurs vergers, sur des parcelles communales ou appartenant à des particuliers», conclut Samuel Fichet.
Aussi, pour préserver cette mémoire fruitière, pour que demain existe encore la prune ou la pomme d’hier, l’association Prom’haies encourage chacun à regarder de plus près les arbres, à les photographier ou encore à solliciter les anciens de son voisinage.
(*) Par an et par ménage acheteur soit 2,3 personnes selon l’Insee : 18,6 kg selon l’Association nationale Pommes Poires.
Pour participer à l’inventaire : 05 49 07 64 02 ou contact@promhaies.net