Elevage
Un plan de soutien à l’élevage de 300 millions d’euros
Bruno Le Maire a annoncé un plan de 300 millions d’euros sur trois ans pour restaurer la compétitivité de l’élevage bovin viande, porc et lait.
Alors que la crise frappe la plupart des productions de l’élevage, l’intervention du ministre de l’Agriculture lors de l’inauguration du Space à Rennes, le 14 septembre, était très attendue. Les filières animales bénéficieront d’un plan de développement sur trois ans de 300 millions d’euros. « Ces plans sont une nécessité absolue car je le redis : je ne laisserai tomber aucune filière, aucune exploitation, aucun paysan », a assuré le ministre à plusieurs reprises considérant que les difficultés que traverse actuellement l’élevage n’étaient pas fatales.
Pour la filière viande bovine qui connaît une crise structurelle depuis de nombreuses années, le ministre a dressé plusieurs pistes à laquelle il entend associer les structures professionnelles. Ainsi a-t-il souhaité que des discussions s’ouvrent au sein de l’interprofession Interbev avec la transformation et la grande distribution pour mieux rémunérer le travail des producteurs. « Il n’est pas normal que depuis quinze ans le prix payé par le consommateur ne cesse d’augmenter quand le prix payé au producteur ne cesse de stagner », a-t-il observé. L’observatoire des prix et des marges qui a été renforcé par la loi de modernisation agricole sera mis à contribution.
La présidence qui a été confiée à l’économiste Philippe Chalmin devra « disposer des moyens nécessaires pour faire toute la transparence sur les prix et les marges dans cette filière, comme dans toutes les autres », a déclaré le ministre de l’Agriculture. Il a également appelé l’interprofession à modifier la grille de cotations qui date des années soixante et qui valorise les animaux trop lourds alors que « ces animaux ne correspondent plus aux attentes des consommateurs ».
Après un couplet sur la nécessaire modernisation des outils d’abattage, le ministre s’est prononcé sur la nécessaire valorisation de l’origine française des viandes bovines avec le logo VBF. Autre priorité du ministre, le développement de l’engraissement en France, plutôt qu’en Italie et en Espagne. Son objectif : faire en sorte que 100 000 bovins supplémentaires puissent être engraissés en France « pour que la valeur ajoutée reste dans notre pays ».
Porc : doublement de l’aide
Sur le porc, Bruno Le Maire a exprimé le même volontarisme. Il faut que la France cesse de perdre des parts de marché au profit de l’Allemagne. Ici aussi il compte sur la valorisation de l’origine française VPF dans les circuits de distribution pour augmenter le prix à la production. Mais le ministre était surtout attendu sur les questions relatives à l’environnement. Sur les délais d’instruction des installations classées ? « Je veillerai au respect des nouveaux délais d’instruction des dossiers fixés dans la loi de modernisation », c'est-à-dire un an. Sur le décret installations classées attendu ? « Je me battrai au sein du gouvernement pour que le nouveau décret (…) favorise le regroupement des installations porcines dans le respect des règles européennes et de leur seuil ». Surtout en matière de mise aux normes sur le bien-être animal, et à défaut de reporter la date de 2013, Bruno Le Maire a annoncé une revalorisation du soutien de l’Etat. L’aide à la truie gestante sera portée de 100 à 200 € et le plafond de subvention par élevage de 15 000 à 50 000 euros. Soit un engagement total de 60 millions d’euros.
Sur la filière laitière, le ministre a surtout insisté sur la mise en place des contrats pour sécuriser le revenu des éleveurs. « Le dispositif devra être prêt pour la fin de l’année pour qu’ils soient mis en œuvre au début de la prochaine campagne laitière, en avril 2011 », a-t-il exigé. Sinon « l’Etat prendra ses responsabilités si un accord interprofessionnel n’est pas possible ». Et Bruno Le Maire n’a pas caché qu’il souhaitait que l’interprofession « soit ouverte au dialogue » avec les minoritaires (Confédération paysanne, Coordination rurale) « dans le cadre du collège des producteurs » pour mettre un terme aux conflits actuels, même « si les interprofessions sont de droit privé ».
30 millions d’euros
Dans la filière laitière toujours, le ministre s’est également prononcé pour l’abandon de la gestion des quotas par département au profit d’une approche par bassin qui devrait être plus opérationnelle. Le plan de développement annoncé sera affecté quant à lui à la modernisation des exploitations et au soutien aux investissements d’innovation dans l’industrie laitière.
Voilà pour le moyen terme. Pour le court terme, le ministre a annoncé le déblocage d’une enveloppe de 30 millions d’euros dans le cadre du Dacs Agri pour répondre aux difficultés des éleveurs les plus fragiles. Ainsi que le versement immédiat de l’indemnité compensatrice de handicap plus le versement anticipé de la PMTVA à partir du 16 octobre. Ce qui représente une avance de 3 milliards d’euros pour soulager les trésoreries des exploitations.
Quelques instants auparavant, le président du Space, Jean-Michel Lemétayer avait interpellé le ministre sur les difficultés des éleveurs confrontés à la hausse des coûts de production qu’ils ne peuvent répercuter à l’aval. Il avait dénoncé également la volatilité des prix et les comportements spéculatifs alors que les éleveurs ont besoin « de lisibilité et de stabilité ». Sans oublier les distorsions de concurrence, réglementations diverses et variées, qui « génèrent des surcoûts » et qui pénalisent l’élevage français, au profit de nos concurrents européens, les Allemands notamment.
Jean-Michel Lemétayer : « Des événements inacceptables »
« JAMAIS, on a vu des paysans casser ainsi des paysans » a lancé Jean-Michel Lemétayer, en réagissant aux saccages de stands du Cniel, de la FNSEA et du ministère de l’Agriculture, au Space le 14 septembre. Dans le monde des syndicats salariés, cela ne se passe pas ainsi a-t-il expliqué. « Il y a une énorme confusion sur le pluralisme. Lorsque des réunions sont organisées à l'initiative de l'État […], personne ne peut contester le pluralisme et je n'ai moi-même aucun problème à siéger au côté des syndicalistes minoritaires mais les interprofessions sont de droit privé », a-t-il rappelé. « Tout comme le Space est un lieu privé ». Les manifestants « se sont trompés d'endroit : le Space est la mauvaise cible » a-t-il ajouté. « Cela ne grandit pas le monde de l'élevage » a-t-il regretté. « On a été tolérant trop longtemps », estime-t-il. « Nous allons faire en sorte que les exposants puissent travailler normalement », a-t-il indiqué sans donner plus de précision sur la méthode employée.