Syndical
Une administration pointilleuse ne fait pas bon ménage avec l’agriculture de demain
Une bonne partie des récriminations formulées au préfet a porté sur la sur-administration et la disproportion entre les infractions et les pénalités lors des contrôles.
C’est aux Grandes Vergnées, sur la commune de Vasles que Pierre Lambert, préfet avait rendez-vous avec les éleveurs, Guillaume et Arnaud Parnaudeau, mais aussi avec le conseil d’administration de la Fdsea, qui pour l’occasion avait également invité les maires des environs. Deux heures durant, les syndicalistes ont exposé les difficultés du moment particulièrement celles du monde de l’élevage. « On a obtenu des avancées dans certaines productions, en terme de prix, mais aujourd’hui on a besoin de l’État notamment au travers de la loi de consommation pour transformer l’essai, pour que nos prix de vente soient en rapport avec nos coûts de production », a résumé Alain Chabauty, président de la Fnsea 79, mettant ainsi l’accent sur « le défi du renouvellement des générations quand la rentabilité des exploitations qui n’y est pas ».
Mais se battre sur les prix n’est qu’un des aspects de cette défense syndicale. Aujourd’hui la pomme de discorde porte sur la place prise par les tracas administratifs dont les contrôles sont un des aspects les plus criants. Les deux cousins Parnaudeau en ont fait l’expérience. Une mauvaise interprétation des textes s’est traduite par une pénalité de 1 % sur l’ensemble des aides de l’exploitation. « Toujours pas régularisée ; pas de courrier non plus de la part de l’administration », déplorait Guillaume, alors que tout le monde s’accorde sur le fait que nées avant 2008, les 200 brebis objet du litige, n’étaient pas concernées par la nouvelle norme sur le bien-être animal. « Si on n’avait pas embauché un salarié trois mois avant, elles seraient parties », insiste Guillaume, dénonçant l’absurdité d’une procédure « qui décourage ». Pour Jacques Ingremeau, président de la section ovine, « la pénalité pour seule pédagogie n’est pas compréhensible ». Il ne s’étonne donc pas, qu’avec un revenu annuel de 15 000 euros par UMO, le nombre de brebis soit passé de 220 000 à 175 000 dans le département.
« La mise aux normes de la porcherie va nous coûter 20 000 euros », a estimé pour sa part Arnaud, responsable des 150 truies de l’atelier de sélection à haut statut sanitaire. La réglementation sur le bien-être des animaux impose des espaces de 2 mètres de large, là où l’usage, il y a dix ans, consistait à construire à 1,5 mètre pour une même surface de 6 m2 par animal. « Refaire des travaux ne passe pas financièrement. On va donc réduire le nombre de truies de 20 ou 30 », a-t-il expliqué, avant d’en tirer la conclusion que la nouvelle réglementation « diminue la productivité », et d’assurer que, même si le prix de l’aliment et les cours se sont améliorés depuis sept à huit mois, « les protéines restent chères ».
Ce qu’ont confirmé les représentants de sections animales confrontés à la hausse générale du prix de l’aliment. Mais Alexis Baillargeau, président de la section avicole, va plus loin quand il pointe le peu d’empressement des fabricants à répercuter à la baisse du prix de l’aliment alors que celui des céréales a amorcé la tendance.
Pierre Lambert, s’est voulu rassurant. Le préfet du département a expliqué que « pour peser sur les prix, la loi sur la consommation et d’avenir de l’agriculture » en préparation devrait donner des perspectives aux agriculteurs. Ce qui n’est pas de l’avis d’Alain Chabauty. « Je crains que nous n’en parlions pas le même langage. Jamais un agriculteur n’a dit qu’il ne voulait pas d’identification. Nous vous demandons simplement un peu de tolérance, pour une ou deux boucles dans un troupeau de 900 brebis. Matériellement, on ne peut pas faire autrement ».
Ils ont dit
Guy Parnaudeau
- « Les aides de l’Union européenne ont toutes profité aux entreprises et au consommateur. Les agriculteurs ont alors augmenté la productivité pour compenser la baisse des prix ».
- « Les petites retraites resteront de très petites retraites, inférieures au seuil de pauvreté ».
Alain Chabauty : « Nous avons besoin de réserves d’eau, pour utiliser 1 % à 3 % seulement de celle qui tombe chaque année, pour l’élevage et les cultures de vente dont une partie sert à
l’alimentation animale ».
François Chauveau : « Implanter des Cipan au 15 septembre quand le sol est sec comme cette année va coûter très cher.
On demande de pouvoir utiliser les repousses pour le couvert végétal ».
Alain Noirtault : « Le prix du lait à la production est la variable d’ajustement pour une inflation faible. Nous demandons une répartition des marges en adéquation avec le travail fourni ». « Ce n’est pas l’herbe seule qui fera vivre l’élevage, mais la bonne combinaison avec le maïs ensilage ».
Samuel Hérault : « Les éleveurs de chèvres vont continuer la pression sur les GMS et les transformateurs qui ont peur d’aller chercher la valeur ajoutée dans le GMS ».
Thierry Bernier : « Il faut que l’administration, les banques, les OPA se mettent autour de la table pour mettre en place un plan de transmission des élevages de bovins ».
Guillaume Parnaudeau : « On a des résultats techniques, on s’en tire. Mais on n’a aucune marge de manœuvre en cas de crise sanitaire. On est très jueste en main-d’œuvre. Nos élevages font vivre 4,5 UTH. 2 seraient suffisants avec seulement des céréales, mais dans ce cas il faudrait trouver des terres pour s’agrandir, et ça, on n’en veut pas. »
Loi d’avenir : « Un maigre contenu »
Le contenu est maigre », lançait le président de la Fnsea, Xavier Beulin, réagissant à la présentation du projet de loi d’avenir agricole présenté le 17 septembre par Stéphane Le Foll. Un projet qui, selon lui, « manque de souffle et d'ambition ». « Il y a un décalage entre les aspirations qu’on partage pour l’agriculture et ce qui est proposé dans ce projet » dit-il.
Concernant le statut des agriculteurs, « peut-être faudrait-il commencer par le définir. Le projet passe à côté de l’essentiel », insiste-t-il, en faisant de cette question du statut un élément fort sur lequel il voudrait voit le projet évoluer. De même sur la question de l’agriculture sociétaire et de son avenir. Par ailleurs, « on n'a rien vu ni entendu sur le couple recherche/innovation alors que certaines solutions ne pourront venir que de la recherche, quand on parle d'avenir ». « La question aujourd'hui est de savoir si ce projet de loi est de nature à infléchir la courbe déclinante sur laquelle se trouve l'agriculture française, alors qu'on a perdu trois places sur le podium en une quinzaine d'années. »