Une rencontre entre cultures
En Afrique aussi, l’agriculture se décline aujourd’hui au féminin. L’ONG agricole a accueilli une agricultrice et une animatrice, venues du sud du Tchad pour découvrir l’agriculture et la ruralité de Charente-Maritime.
D’un côté, Mila Nekarnadji et Justine Boukanri, respectivement présidente et animatrice de l’association agricole Atekor, qui agit en faveur des agricultrices de la région du Logone Oriental, près de la ville de Doba, au sud-ouest du Tchad. De l’autre, Philippe Neau, maire de Nuaillé-d’Aunis, commune rurale à proximité de La Rochelle. Deux mondes très différents, et qui se sont pourtant rencontrés le 14 octobre pour un échange de points de vue, de cultures, d’expériences très enrichissant.
Si Nuaillé-d’Aunis a été retenu pour ce rendez-vous, ce n’est pas par hasard : la commune est la première à subventionner l’Afdi 17, à hauteur de 300 euros. Un coup de pouce apprécié pour cette association, « ONG agricole constituée d’agriculteurs et d’agricultrices », comme l’a rappelé son président, Michel Amblard, qui a salué « un grand geste, un geste novateur ». « Lorsqu’on a évoqué ce don, ça n’a soulevé aucune difficulté », a souligné de son côté Philippe Neau, qui s’est dit « ravi d’accueillir l’Afdi et vous mesdames, Tchadiennes », et a salué les efforts des agriculteurs au niveau associatif : « en dépit de leurs difficultés, ils savent tendre la main ».
« Chez nous, une grande ville n’a pas ça ! »
Atekor, « ça signifie ‘‘ce qui va se développer’’ », indique Justine Boukanri. Créée en 2002, reconnue en 2004 avec le soutien de l’Afdi (qui œuvre au Tchad depuis 1988), l’association exclusivement féminine regroupe aujourd’hui 1800 adhérentes. Son objectif, c’est la formation, à commencer par l’alphabétisation. Une action essentielle dans ce pays de près de 12 millions d’habitants, où en 2010 seules 24 % des femmes adultes savaient lire et écrire. L’association forme également au maraîchage, à l’élevage et à la transformation des produits. « On a pour activité rémunératrice la fabrication de farines nourissantes pour les enfants victimes de malnutrition », souvent des réfugiés des pays voisins du Cameroun ou de la République Centrafricaine, explique Justine Boukanri. Pendant l’échange, les deux femmes parlent de leurs cultures de karité, d’arachides, de sésame, de mangues ou de sorgho, leurs élevages de poules, moutons, chèvres ou zébus, et des contraintes de la saison sèche, qui entrave l’activité sept mois par an, même si les progrès techniques leur permettent aujourd’hui d’assurer une alimentation vivrière pendant ces longues périodes.
En retour, Philippe Neau leur parle de Nuaillé-d’Aunis, ce « village rural », de ses enjeux de développement, du commerce de proximité, des classes à maintenir ou du pôle santé avec ses trois médecins. Autant de choses qui arrachent un sourire à Mila Nekarnadji : « tout ce dont vous parlez, monsieur le Maire, chez nous une grande ville n’a pas ça ! On est à plus de cent élèves par classe. » Et d’évoquer son expérience personnelle, celle de son fils, élève dans ces conditions au lycée, et qui s’est élevé à la première place de sa classe parce qu’il était motivé par la promesse... d’un téléphone. Un accessoire courant ici, encore rare là-bas.
La visite des deux Tchadiennes à Nuaillé-d’Aunis n’était que l’aboutissement d’un séjour de deux semaines à la découverte de l’agriculture de Charente-Maritime. Hébergées par Joseph Renaud à St-Jean-d’Angély, elles ont visité des exploitations, notamment celle de Véronique Laprée. « Elle nous a expliqué comment l’exploitation a débuté », a ainsi indiqué Justine Boukanri qui retient notamment de son séjour la découverte d’une distillerie de cognac. Ce mardi, elles ont achevé leur visite en Charente-Maritime chez Colombe Mandin, à Dœuil-sur-le-Mignon. Plus tôt ce lundi, les deux Tchadiennes étaient à St-Germain-de-Marencennes, auprès des élèves de bac professionnel de la MFR, pour visionner le film Elles sèment la terre et échanger avec eux. Un moment correspondant parfaitement à l’esprit porté par l’association depuis ses débuts, bien résumé par Michel Amblard : « contrairement à ce qu’on pourrait croire, on a autant à apprendre d’eux que nous avons à leur apporter. »