Vins charentais, par passion
À Épargnes, Florian et Ophélie Benassy ont repris l'exploitation de leur père Jean-Claude, fin 2016. Ils mènent de concert l'exploitation pour faire perdurer le savoir-faire en apportant « leurs touches ».
S'il y a une famille pionnière des vins charentais, en Charente-Maritime, c'est bien le Domaine Poncereau du Haut, à Épargnes, ou, plus exactement, la famille Benassy. Et les enfants, Ophélie et Florian, qui ont repris l'exploitation familiale, fin 2016, comptent bien poursuivre le travail de leur père, Jean-Claude. «Il a débuté dans les années 1970-1980. La crise du cognac était là. Le terroir et les possibilités de cépage permettaient de faire de belles choses en vin charentais. Il a directement débuté en vente directe, bénéficiant de la clientèle que ses parents avaient en tant que volaillers. Il a aussi collaboré très tôt avec les cavistes, les restaurateurs locaux Un précurseur qui n'avait peu de concurrence. Il ne voulait pas travailler avec la GMS eu égard à la politique de prix. Et puis, sa philosophie est fondée sur les relations humaines» explique Denis Martin Benassy, le mari d'Ophélie qui travaille aussi sur l'exploitation.
Diversité avec les cépages
Au fil des ans, l'exploitation est passée de 6 ha à 36 ha, (dont 12 cépages), 21 ha sont dédiés aux vins de pays et 15 au cognac. «On ne distille pas, on le vend au négoce, contrairement aux vins charentais que l'on produit, transforme et vend sur l'exploitation » précise Florian Benassy qui a en charge les vignes et la gestion de l'entreprise.
Pour les vins charentais, on trouve du Gamay, du Merlot, du Cabernet Franc, Cabernet Sauvignon, du Malbec,... «autant de cépages qui apportent une diversité dans l'élaboration des vins. Notre père s'est beaucoup inspiré de ses rencontres avec d'autres vignerons en France. C'est un passionné de vins» souligne Ophélie Martin-Benassy qui définit son poste comme «polyvalente» avec la vinification, la vente directe, l'administratif et la gestion de l'entreprise.
Prolixes sur les cépages, le frère et la soeur expliquent que «le Malbec est valorisé en jus de raisin. Pour le Gamay, nous avons réalisé un joli essai mais on ne fera jamais de rouge. Sur notre terroir, cela ne donne pas grand-chose. Ce n'est pas satisfaisant. Cela donne des notes trop épicées, trop poivrées pour nous» tout en reconnaissant que «ce n'était peut-être pas l'année idéale pour le faire. Il avait gelé, c'était l'année de notre installation». En rosé, le Gamay est productif, facile à conduire «si on le raisonne bien. Il donne de la fraîcheur» précise Ophélie Martin Benassy. Ils ont eu de la Folle Blanche, mais ils l'ont «sorti» : «on n'arrivait jamais à la mener à son terme. Le Chenin, on a du mal à le valoriser. Une année sur cinq, on arrive à réaliser quelque chose. Il est en sursis. Lorsqu'on se trouve face à ce type de cépages, nous essayons plusieurs techniques de taille, on vendange en vert.»
Des actions durables
La densité de la vigne est de 2,20 x 1 m, une singularité qu'ils veulent garder car «on a une stabilité dans le rendement». En Ugni blanc, pour le cognac, cela permet d'avoir des vieilles vignes de 80 ans, très productives, «et il ne manque pas de pied». Les vignes sont sur des terres sablo-limoneuses offrant «des terrains faciles». Les vignes sont enherbées un rang sur deux. En hiver, de la féverole est semée. À travers ce choix, ils voient plusieurs aspects positifs d'un point de vue agronomique, financier et d'image, eu égard à la vente directe sur leur exploitation. «Pour le désherbage, nous essayons de diminuer les doses. L'achat d'un intercep est envisagé, afin de réduire les produits phyto. Nous avons investi dans un pulvé avec panneaux récupérateurs. C'est le plus bel investissement de ma carrière !» lance avec humour Florian Benassy. Il y voit les économies réalisées sur l'achat des produits, le côté écologique, l'aspect santé même si «les salariés ne pulvérisent pas». «On s'achète une conduite vis-à-vis du voisinage» estime-t-il.
Pour la taille, «on pratique la taille Guyot Poussard, excepté pour le Sauvignon blanc, c'est en Guyot double, pour une question de rendement». La production est de 60 hl/ha «les bonnes années», sinon c'est 40 hl/ha. Ils collaborent avec François Mornet, oenologue à Boutenac Touvent. «On a choisi de traiter de petits volumes pour privilégier la qualité» concède Florian Benassy
Régulièrement, dans leurs propos, les enfants rendent hommage à leur père, qui leur a beaucoup appris. «Il a beaucoup de savoir à partager. On a toujours voulu travailler sur le domaine familial. La transmission s'est faite avec, bien évidemment quelques divergences sur certains aspects» mais toujours dans le respect et la bienveillance. La jeunesse arrivant, la vision n'est plus tout à fait la même, les méthodes non plus, notamment pour le travail dans le chai. «On n'a pas tout changé pour changer» tient à préciser Florian Benassy. Ophélie donne en exemple, le schéma de vinification sur une cuvée sur les rouges et un blanc «qui est beaucoup plus abouti qu'avant». Les températures de fermentation ont été descendues. L'organisation du travail n'est plus la même : «Pour les vendanges, nous débutons tôt, vers 5 h pour terminer vers 21 h-22 h. Lui, c'était le contraire, cela ne le dérange pas de finir tard». Tous lui rendent hommage : « ce que nous faisons à trois, lui, le faisait tout seul. Il s'occupait de la vigne, du chai, de la commercialisation. Certes, il y avait moins d'exigence que maintenant, mais il fallait être là.»
Quand on demande à Jean-Claude Benassy, ce qu'est un bon vin charentais, ces yeux pétillent pour répondre qu'il doit «être agréable à boire et être en adéquation pour accompagner la gastronomie de la région.» L'évolution de la qualité a passé pour lui, par une maîtrise du travail du chai, avec des méthodes de débourbage, de maîtrise de températures. C'était le point le plus important.
Pour son fils, la qualité est au rendez-vous, car ceux qui réalisent des vins de pays charentais sont des passionnés. Et à les écouter parler de leur savoir-faire, de leurs pratiques, avec enthousiasme, engouement, ils en font partie.