Xylella fastidiosa : vers un nouveau phylloxera ?
La bactérie, responsable de la maladie de Pierce, inquiète notamment les pépiniéristes viticoles et les viticulteurs.
Le Ministère de l'Agriculture a annoncé le 6 septembre l'identification de deux oliviers d'ornements porteurs de Xylella fastidiosa par les services de la DRAAF des Alpes-Maritimes. Les deux arbres, situés à Menton et à Antibes,« ne sont pas deux nouveaux cas. Ce sont deux cas connus depuis 2015 », a indiqué à Agra presse Laurent Belorgey, président de l'Afidol (Association française interprofessionelle de l'olive). « Depuis ils ont été suivis avec des analyses régulières » dont les plus récentes se sont révelées positives, après plusieurs résultats négatifs. « Pour l'instant nous sommes toujours sur les mêmes oliviers et il n'y a pas d'extension de la bactérie », ajoute-t-il, précisant qu'il n'y a pas « d'inquiétude supplémentaire » pour l'interprofession à ce stade. « Une surveillance renforcée de tous les végétaux dans un rayon de 5 kilomètres » devrait également être mise en œuvre.
Vignes, oliviers, arbres fruitiers, agrumes, chênes, luzerne... Autant de cibles pour la bactérie Xylella fastidiosa, transmise et véhiculée par des insectes vecteurs. Elle n'est pas nouvelle, puisqu'on l'a trouvée à la fin du XIXème siècle, aux USA, touchant le vignoble californien. Plus récemment, en 2013, Xylella fastidiosa, sous espèce pauca, une sous-espèce différente, s'est attaquée aux oliviers, en Italie (c'est cette espèce qui a été identifiée sur l'olivier de Menton). Deux ans plus tard, la bactérie a été signalée en Corse (Xyllela fastidiosa multiplex), en Paca dans des polygales à feuilles de myrte, mais aussi en Espagne (en 2017) et au Portugal. La gravité de ses impacts varie selon la souche, le végétal et l'écosystème concerné.
La bactérie peut se transmettre de différentes façons : par la multiplication, l'exportation et la plantation plants contaminés ; par tout insecte-piqueur ; par les outils de taille ou tout autre outil provoquant des blessures sont suspectés de participer à la dispersion de la maladie de plante à plante.
Symptômes de la maladie
Bactérie du xylème, Xylella fastidiosa empêche la plante de s'alimenter en gênant les mouvements de la sève brute.
« L'un des signes de contaminations est le dessèchement rapide et soudain d'une partie des feuilles, qui se nécrosent tant que les tissus adjacents deviennent jaunes ou rouges », indique la DRAAF d'Occitanie, dans une fiche technique.
Mais les symptômes de brûlures foliaires ne sont pas véritablement spécifiques de la maladie de Pierce. Cette maladie peut ainsi être confondue avec d'autres causes biotiques (Esca, Botrytis cinerea, nécrose bactérienne...), ou abiotiques (chloroses). Des symptômes peuvent également parfois évoquer l'Esca ou le Black Dead Arm.
Cependant, quelques symptômes sont « typiques » de la maladie de Pierce rappelle la Draaf : le dessèchement se propage sur toute la feuille, qui finit par se détacher et tomber, laissant le pétiole accroché au sarment. Les tiges contaminées évoluent de façon irrégulière avec des plages cellulaires lignifiées ou non.
La bactérie Xylella fastidiosa est un organisme nuisible de quarantaine, réglementé à l'échelle européenne. Son introduction et sa dissémination sont interdites sur le territoire européen.
Tous les insectes vecteurs de Xylella fastidiosa n'ont pas encore été identifiés. On parle du Cercope des prés. On estime à 51 (48 en France métropolitaine et 12 en Corse) le nombre d'espèces potentiellement vectrices.
Actuellement, il n'existe pas de moyens curatifs pour lutter contre cette bactérie. La décision européenne, visant à empêcher l'introduction et la propagation de la bactérie sur le territoire, préconise l'arrachage et la destruction des plants contaminés La vigilance s'impose car la probabilité que la bactérie arrive en Nouvelle-Aquitaine est là. À ce jour, aucun symptôme de la maladie n'a été détecté dans le vignoble de Cognac. Les agents du SRAL surveillent de près.
Vigilance chez les pépiniéristes...
Du côté du syndicat des pépiniéristes viticoles des deux Charentes, on se dit « inquiet face à cette maladie émergente ». « Par rapport à la flavescence dorée, elle est plus insidieuse. Elle s'installe sur une multitude d'espèces de végétaux différents contrairement à la flavescence dorée qui touche que la vigne. De plus, les symptômes sont difficiles à appréhender », explique François Bodin, son président. Au syndicat, des formations sont organisées deux fois par an, pour apprendre à détecter cette maladie. « Avec la marque collective viticole Vitipep's, nous avons une garantie sanitaire au niveau français, en termes de sélection, de culture de vigne mères, c'est-à-dire les greffons, les porte-greffe ainsi que le suivi de pépinières. Nous sommes prospectés chaque année par notre organisme FranceAgriMer », précise-t-il.
...et chez les viticulteurs aussi
La vigilance est de mise au syndicat mais, reconnaît François Bodin : « le gros risque est d'avoir des plants qui viendraient de régions où potentiellement la bactérie est présente ». Il invite aussi les viticulteurs à être partie prenante dans cette veille, en ayant un rôle de suivi mais également d'attention. « Ils doivent bien lire le passeport phytosanitaire européen que l'on trouve sur les plants de vigne. On y trouve l'origine du pays, du producteur, l'origine des greffons et des porte-greffes. La première chose à faire est de regarder l'origine du plant. Tout est tracé. » Acheter charentais serait un bon moyen de lutte.