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Découverte
Zoom sur les lieutenants de louveterie

Bien que la traque des loups ait cessé d'être une activité courante, les lieutenants de louveterie jouent toujours un rôle important dans le monde cynégétique. Ils sont aujourd'hui dix-neuf en activité en Charente-Maritime.

Qu'est-ce qu'un lieutenant de louveterie ? « En France, un lieutenant de louveterie ou louvetier est une personne privée exerçant à titre bénévole une fonction civique d'auxiliaire de l'État auprès des services publics de la commune dans laquelle ils sont domiciliés en matière de faune sauvage, y compris sur le plan sanitaire. » Telle est la définition vue par Wikipédia.

L'appellation remonte à Louis XI en 1471, même si son origine daterait de l'époque de Charlemagne. Ce dernier aurait généralisé la louveterie en l'an 813 pour protéger ses sujets et leurs élevages de loups présents en nombre. À l'époque, les louvetiers étaient payés en « mesure de grains » et jouissaient d'un droit de gîte chez l'habitant. En revanche, pour preuve de leurs actions, ils devaient fournir les peaux des loups capturés.

Les louvetiers (loutiers, louviers ou chasseleurs) ont bien failli disparaître lorsque que Louis XVI, par soucis d'économie, décida de les supprimer en 1787. Il faudra attendre dix ans et l'arrivée de Napoléon Ier pour les voir réhabilités en raison de nombreux problèmes liés aux loups, avec notamment la prise de lois légiférant leurs statuts.

De façon plus contemporaine, les louvetiers dépendent d'une loi de 1971 dont l'essentiel des textes ont cours actuellement.

Les louvetiers aujourd'hui

Depuis 1930, le loup n'est quasiment plus présent en France. Pour autant, les louvetiers n'ont cessé d'être actifs en orientant leurs missions vers les renards, corvidés, sangliers, parfois animaux domestiques et par moments espèces protégées.

En 2022, la France comptabilisait 1727 louvetiers dont 27 femmes. Pour prétendre à la fonction, plusieurs critères sont obligatoires : être détenteur du permis de chasser, de nationalité française, âgé de moins de 75 ans, être du département, jouir de tous ses droits et de n'avoir fait l'objet d'aucune condamnation en matière de police de la chasse, de la pêche et de l'environnement. Il faut aussi détenir au moins quatre chiens pour la chasse du sanglier, ou deux pour celle du renard, et avoir de sérieuses connaissances cynégétiques et environnementales. Les louvetiers disposent de compétences cynégétiques affirmées et des capacités nécessaires pour organiser et encadrer les actions de terrain.

Une fois nommé par le préfet et établi sur une circonscription, plusieurs formations leurs sont dispensées par les services de l'État, notamment la police de la chasse pour laquelle ils sont compétents. Bien que n'étant pas une mission prioritaire, ils peuvent le cas échéant dresser un procès-verbal sur leur secteur. 

Ils sont les seuls fonctionnaires de l'État bénévoles et ne perçoivent pas d'indemnités.

En Charente-Maritime, 19 louvetiers sont répartis sur le département et adhérents à l'association des louvetiers, présidée par Thierry Landré depuis 2022. La Fédération départementale des chasseurs de Charente-Maritime a récemment échangé avec lui dans ses locaux et a découvert un homme passionné de nature, de chasse et fier d'arborer les couleurs de la louveterie. Thierry Landré possède 80 chiens courants (Français tricolores), 3 chiens d'arrêt (2 setters anglais et 1 braque d'Ariège) et 3 chevaux.

 

"Le sanglier est devenu notre mission prioritaire"

Thierry Landré est chasseur depuis 1976 et louvetier depuis 1998. Cet ancien entrepreneur agricole de 64 ans est un amoureux inconditionnel de la chasse, du chien courant et de la pêche à la truite en particulier.

Pourquoi êtes-vous devenu louvetier ?

Par amour du chien courant. La fonction me permettait de sortir mes chiens toute la saison. En 1986, j'ai créancé mes chiens sur le renard. J'étais aussi garde-chasse particulier. La fonction de louvetier correspond à mes valeurs, " respect des règles et de la loi ".

Quel est votre regard sur l'évolution de la louveterie depuis votre première prise de fonction en 1998 ?

Nous sommes passés du renard au sanglier. L'administration nous soutient plus dans nos missions que par le passé ; dorénavant, nous sommes les yeux et les oreilles de la DDTM. Sur le terrain, de nouveaux outils techniques et réglementaires sont à notre disposition (pièges, tir de nuit, lunette thermique...). Bien que certaines missions concernent la régulation des ESOD (corbeaux, ragondins, renards...), le sanglier est devenu notre mission prioritaire. Une autre espèce nous prend du temps : le blaireau, qui est prélevé à des fins sanitaires pour analyse dans le cadre de l'opération Sylvatub pilotée par la DDPP pour permettre la détection et le suivi de la présence de la tuberculose bovine sur le territoire afin de préserver au maximum la contamination des troupeaux.

Nous sommes les premiers interlocuteurs locaux. Dorénavant, nous devons aussi faire preuve de diplomatie et savoir expliquer nos missions auprès du grand public et en particulier les néo-ruraux. De nombreux secteurs sont de plus en plus délicats et nous ne pouvons plus procéder avec de grosses meutes de chiens courants, nous sommes obligés de déployer d'autres moyens (affûts, approche, de nuit...). Nous avons passé des conventions avec les autoroutes (A10).

Comment sont définis les secteurs des louvetiers ? C'est de votre initiative ?

Non ! C'est M. le Préfet et les services de la DDTM qui nous octroient un secteur. Le louvetier émet simplement un souhait. En revanche, lors d'un renouvellement nous conservons souvent notre ancien secteur. Personnellement, je suis sur le secteur de Benon.

Quelle est la mission du président des louvetiers ?

C'est simple, représenter le corps des louvetiers auprès des différentes instances (OFB, DDTM, FDC...). Je tiens à remercier mes collègues du bureau de l'association et je rappelle que je ne suis pas le patron des louvetiers, le patron, c'est M. le Préfet !

Y'a-t-il des coutumes ?

Oui, le respect de la tenue et de la fonction, notamment lors des cérémonies. J'y suis très attaché ! Les tenues sont à notre charge, tout comme les frais liés à la fonction (essence, frais vétérinaire...). En revanche, l'État nous donne une enveloppe pour l'achat de matériel (carabine, lunette de tir...).

La louveterie est, comme les chasseurs, victime de la mauvaise image véhiculée par nos opposants. Comment y remédier ?

Tout doit passer par le dialogue et la communication. Expliquer pourquoi nous sommes là, tant aux chasseurs qu'au grand public. Nous devons faire preuve de pédagogie. Il faut échanger, se former dans la gestion des conflits. Le dialogue vaut mieux que l'affrontement, même s'il faut avoir " une main de fer, dans un gant de velours " ! Respecter les gens, c'est mon mot d'ordre.

Quelles sont les relations avec le monde agricole ?

Les louvetiers ont un grand respect pour l'agriculture. Nous devons faire l'entre deux, entre les chasseurs et l'agriculteur. Nous devons répondre présent à chacune des sollicitations et nous avons à rendre des comptes auprès de notre organisme de tutelle, la DDTM.

À quoi correspond une journée type de louvetier ?

Quand nous sommes sollicités par la DDTM ou une demande locale, nous devons en premier lieu faire une analyse de la situation, puis la DDTM nous envoie un arrêté définissant notre mission, en fonction de celle-ci, nous définissons les moyens (chiens courants, piège, nombre de personnes à solliciter...), nous informons le territoire concerné, la mairie, les services de gendarmerie et à l'issue nous intervenons en espérant être efficace. Les jours suivants nous rendons compte à la DDTM du résultat de l'action.

Quelles sont vos relations avec la FDC17 ?

Elles sont très bonnes. Nous travaillons ensemble, pour l'intérêt commun et celui de la chasse. La FDC17 n'est pas notre organisme de tutelle mais c'est un acteur incontournable du monde rural !

Pour finir, depuis près de 25 ans, des anecdotes, il y en a bien quelques-unes ?

Bien sûr ! Lors d'une battue aux lapins en zone urbaine, un habitant est venu discuter avec nous. Peu de temps après, son épouse est venue nous invectiver... Elle s'est calmée et elle est devenue presque agréable quand je lui ai expliqué ma mission et que je dépendais du Préfet ! J'ai conduit récemment un décantonnement avec 3 sociétés de chasses (plus de 40 chasseurs) qui a permis de prélever 10 sangliers et de limiter les dégâts sur les cultures. Une dernière, ma surprise quand j'ai dû intervenir sur arrêté d'un maire d'une commune sur des chèvres ou des cochons chinois, on est loin du gibier là !

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