150 chevriers réclament 4 centimes de plus pour faire le bon compte
Près de 150 éleveurs caprins du Poitou-Charentes, de la Vendée et de la Dordogne sont venus demander des comptes à la Scachap, centrale d’achat des centres Leclerc à Ruffec, jeudi 18 décembre. La Fresyca, qui appelait à manifester, a réussi le tour de force de réunir, sous sa bannière, tous les syndicats agricoles.
La Fresyca (fédération régionale des syndicats caprins Charentes-Poitou-Vendée) espérait au moins 200 manifestants pour sa manifestation devant la Scachap jeudi 18 décembre. Si ce nombre n’a pas été totalement atteint, la Fresyca a au moins réussi à fédérer tous les syndicats agricoles autour de son action du jour. Sur place, les drapeaux de la FNSEA 16 et des Jeunes Agriculteurs se sont donc mêlés à ceux de la Confédération paysanne et de la Coordination rurale. « C’est vrai que cette unité syndicale est rare à obtenir, mais notre revendication et notre avertissement aujourd’hui à l’égard de la GMS vaut aussi pour bien des filières agricoles » confie François Bonnet, président de la Fresyca. Pour ce qui est des éleveurs caprins présents, il s’agissait de réclamer une revalorisation du prix du lait de chèvre de 4 centimes d’euro par litre. Et « 4 cents, franchement, ce n’est pas grand chose pour que tout le monde puisse vivre » revendique Stéphanie Kaminski, présidente du Syndicat caprin de Dordogne, venue avec une dizaine d’éleveurs. Notre département, où la laiterie H. Triballat (Rians) et la coopérative Terra Lacta collectent, s’aligne sur les prix pratiqués en Poitou-Charentes ; d’où la raison de notre participation aujourd’hui ». D’autres éleveurs sont venus d’encore plus loin : de Vendée. Aux côtés de Mickaël Blanchard, président du Syndicat caprin de Vendée, Claude Sacré, vice-président, évoque la difficulté des reprises d’exploitation par des jeunes. Un communiqué diffusé par les Jeunes Agriculteurs fait état de cet empêchement à « s’installer dans des conditions pérennes. La sortie de crise devrait être accompagnée par les banques, mais les porteurs de projets ont du mal à trouver des financements. Nous voulons conforter les installations nouvelles en attribuant des aides et des garanties spécifiques pour les jeunes. Il ne s’agit pas seulement de développer les volumes, il faut créer un contexte favorable pour les candidats à l’installation ». On en est encore loin, puisque François Bonnet témoigne de « 200 arrêts d’activité recensés en Poitou-Charentes, ces trois à quatre dernières années ».Entouré par une dizaine de représentants des différents syndicats et départements, l’éleveur deux-sévrien a décroché une entrevue de près d’une heure avec Bruno Valladon, directeur de la Scachap, en début d’après-midi. Si François Bonnet est sans illusions sur le discours servi sur place par le directeur de la Scachap, celui-ci s’est toutefois engagé sur « une transparence des prix », pointant du doigt les intermédiaires, et notamment les laiteries : « Mais ça, c’est l’éternel débat et nous, éleveurs, sommes ballottés entre laiteries et GMS qui se renvoient la balle ». D’autant que Gilles Pape, président du Syndicat caprin de la Vienne, ne cache pas que « les laiteries nous font aussi des misères ». Dans la ligne de mire : la coopérative Poitouraine, qui aurait alourdi les barèmes concernant le taux de matière grasse et de matière azotée, sans attendre l’accord de l’Anicap. « Il faudrait aussi que les laiteries arrêtent d’indexer le prix du lait de chèvre sur celui du lait de vache et qu’à chaque fois que l’un descend, l’autre suive la même pente », demande Jean-Pierre Monthubert, le représentant des éleveurs charentais. Et ce, alors que les producteurs pointent les 40 millions de litres de lait qui manquent en France. « Les GMS en sont même rendues à réduire leur rayon de fromages de chèvre », reprend François Bonnet. L’éleveur plaide pour une gestion interprofessionnelle et pérenne des volumes produits, et pour des systèmes de production plus autonomes.
Rendez-vous à la Draaf, le 15 janvier
Tout cela, les représentants des éleveurs caprins se promettent de le mettre sur la table le 15 janvier lors d’une rencontre avec la préfète de Région et la Draaf à Poitiers. Seront aussi présents laiteries et distributeurs. L’occasion d’enfoncer le clou sur cette hausse « vitale » du prix du lait de chèvre, avant le début des négociations commerciales, qui vont se tenir jusqu’en février. Pour sa part, le directeur de la Scachap à Ruffec s’est engagé à « faire remonter le message jusqu’aux acheteurs de Leclerc ». Et si les manifestants ont finalement renoncé à enflammer les bottes de paille empilées devant l’entrée de la centrale d’achat, François Bonnet prévient : « S’il faut poursuivre notre action pour nous faire entendre, on le fera ». Il y a urgence, car, à Ruffec, des producteurs charentais récemment reconvertis en élevage caprin, ne cachaient pas leur lassitude devant cette interminable sortie de crise, à laquelle ils ajoutent, comme mauvaise note, « un bouclage électronique défaillant » et « l’augmentation de la contribution pour l’équarrissage (lire en P.10) ».