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Arboriculture bio : des systèmes de production bio diversifiés

Le mois de la Bio a mis en avant deux arboriculteurs charentais-maritimes qui ont présenté à une vingtaine de participants leur modèle de production et leur système économique.

Volume et production biologique ne sont pas incompatibles. C'est en tout cas ce qu'ont cherché à démontrer les organisateurs du mois de la Bio à travers la découverte de deux vergers du département. Plantés selon un schéma conventionnel, plutôt que dans un mode extensif, et bénéficiant de l'irrigation, ils ont permis à une vingtaine de participants (en reconversion professionnelle, ou envisageant une conversion) de découvrir un modèle respectant les critères de la bio tout en restant productif.
Premier hôte du jour, Alexandre Mourozeau a présenté son exploitation, la ferme d'Alhena, située à Écoyeux. Sur ses 60 ha, la majorité est cultivée en grandes cultures et en viticulture ; mais il a planté, depuis son installation en 2009, un verger de 4,7 ha, en pommes et en poires. Avant de se lancer dans l'arboriculture, il a exploré plusieurs pistes de diversification, à l'instar du maraîchage. « À l'origine, je voulais faire des petits fruits », explique-t-il. Mais la culture n'était pas vraiment compatible avec son activité viticole (20 ha à l'époque, 22 ha aujourd'hui), au niveau des périodes de récolte. Et même si « ne pas faire de framboises reste un de mes crève-coeur », il s'est finalement pris au jeu de la culture des pommes et des poires.

Le choix d'une variété ''club''

Le passage en bio étant l'un de ses objectifs à la reprise de l'exploitation, Alexandre Mourozeau a dû trouver des variétés de pommes résistantes à la tavelure pour limiter le nombre de traitements nécessaires. Il a fait le choix de s'appuyer sur une variété ''club'' (gérée par une association, de la production des plants à la commercialisation) bio, nommée Juliet. Un choix pratique pour lui (« Je récolte, je mets dans des paddocks de 400 kg et elles partent ! ») et rémunérateur, puisqu'il vend ses pommes 90 cts/kg, contre 30 à 40 cts/kg pour un équivalent conventionnel. Le système lui permet en outre de se passer des frais de stockage, et de ne pas s'occuper du marketing, pour lequel l'association dispose d'un budget de plus de 300 000 EUR, explique-t-il.
La variété Juliet représente aujourd'hui environ 3 ha de surface dans son verger. Les autres variétés de pommes (Pixie, Dalirun, Anise et Crimson crisp) et de poires, ainsi que les Juliet non calibrées, sont destinées à des AMAP et magasins bio, ainsi qu'à quelques écoles.

Un verger financé grâce aux vignes

L'utilisation de variétés résistantes à la tavelure a permis de limiter le nombre de traitements, mais ceux-ci restent néanmoins nécessaires. Le verger requiert chaque année 7 passages au sulfate de cuivre, auxquels s'ajoutent 3 à 5 autres passages pour lutter contre le chancre et les autres maladies (avec du gluconate de cuivre et du bicarbonate de potassium) et ponctuellement des applications de soufre contre l'oïdium. Par ailleurs, des traitements insecticides en biocontrôle ou des protections à base de produits naturels sont appliqués sur les arbres pour lutter contre les menaces que peuvent représenter les carpocaspes ou les pucerons cendrés. En tout, explique Alexandre Mourozeau, « je fais entre 30 et 40 traitements par an ».
Dans sa configuration actuelle, l'exploitation produit 40 t de fruits en moyenne (soit 35 000 à 40 000 euros de chiffre d'affaires) par hectare. Pour en financer les débuts, Alexandre Mourozeau s'est appuyé sur ses vignes (toujours cultivées en conventionnel, dans le cadre d'un contrat avec la maison Courvoisier) pour financer ses plantations. « Ce verger a été créé uniquement parce que le cognac marche », s'amuse-t-il. Il a aussi permis de répondre à l'un des objectifs qu'il s'était fixé lors de la reprise de l'exploitation : le recrutement d'un salarié. Pour l'heure, il ne s'agit que d'un temps partiel, mais cela lui a permis d'améliorer son confort de travail. Pour l'agriculteur d'Écoyeux, la création de ce verger bio est donc une bonne expérience qu'il entend poursuivre, avec la plantation de nouveaux arbres sur une parcelle adjacente au verger actuel. Ce volume supplémentaire lui permettra de renforcer sa présence dans les magasins et les collectivités du secteur, tout comme la création de deux nouvelles chambres de stockage sur son exploitation. Pour autant, isolé par rapport aux axes principaux, Alexandre Mourozeau ne compte pas ouvrir de point de vente sur son exploitation. « Je suis paysan, pas vendeur. C'est un autre métier. »

« Il faut toujours anticiper »

La visite du Gaec La Ferme fruitière, à Romegoux, a permis de découvrir d'autres enjeux que ceux rencontrés par Alexandre Mourozeau. Yohann, Jean-Christophe et Olivier Aubert ont passé leur verger de 21 ha (majoritairement pommes, mais aussi 1 ha de poires et 1,5 ha de noix) en bio en 2017. Ils ont donc dû adapter à ce mode de production des variétés non résistantes à la tavelure, dont l'emblématique Belchard qui représente plus de 5 ha à elle seule. S'il est encore trop tôt pour parler des avantages économiques (la première récolte bio date de 2020), Yohann Aubert tire déjà un premier bilan très favorable sur la biodiversité. Les insectes sont plus présents, notamment les prédateurs qui doivent aider à la régulation des ravageurs ; des fleurs ont d'ailleurs été plantées à proximité du verger pour les attirer. Il pointe également quelques difficultés. « Sur l'éclaircissage, on n'a pas de produits en bio », souligne-t-il. D'où un recours accru à la main-d'oeuvre (l'exploitation de 83 ha emploie 10 UTH), avec l'acquisition d'une troisième plateforme cette année pour le travail en hauteur. Les passages de traitements sont aussi un peu plus nombreux, avec des solutions moins performantes qu'en conventionnel et qui doivent donc être appliquées le plus judicieusement possible. Des contraintes et des charges en plus, mais, au final, les trois frères s'y retrouvent. « En moyenne, on peut considérer que nous sommes passés de 60 t/ha à 40 t/ha pour un prix moyen au kg de 0,85 à 1 EUR (contre 0,55 en conversion et 0,25 en conventionnel) », expliquent-ils. Des prix plus rémunérateurs obtenus avec le distributeur saintais Aquamara, qui est devenu le client exclusif de l'exploitation. Yohann Aubert conseille à ceux qui veulent se lancer dans l'agriculture biologique à faire évoluer leur logique de travail. « En bio, il faut être toujours devant, jamais derrière. Il faut toujours anticiper. » Sur l'exploitation, l'arboriculture est le premier atelier passé en bio. Les grandes cultures (environ 45 ha) sont en conversion et devraient être vendues à un négociant bio dès 2022. Pour la vigne (10 ha, vendus au négoce), rien n'est encore prévu, « mais on y passera un jour », assure Yohann Aubert.

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