" Avec la revalorisation des tarifs de rachat, le gaz vert a le vent en poupe "
Pour Sylvain Ruelleux, technico-commercial Agrikomp, la période est propice au lancement de projets de méthanisation. Les avancées techniques ainsi que la hausse du prix de rachat l'été dernier ont créé de nouvelles opportunités.
Pour Sylvain Ruelleux, technico-commercial Agrikomp, la période est propice au lancement de projets de méthanisation. Les avancées techniques ainsi que la hausse du prix de rachat l'été dernier ont créé de nouvelles opportunités.
Ces dernières années, il semble que la méthanisation se soit plus développée vers la voie de l'injection directe de biométhane que vers la cogénération d'électricité. Qu'est-ce qui explique cette tendance ?
En effet, en dehors de quelques projets, nos clients se dirigent majoritairement vers le biométhane. Pourtant, les débuts de la méthanisation en France étaient au contraire orientés uniquement vers la cogénération. Cependant, les premières années ont été difficiles, car au tarif de base de rachat d'électricité était affectée une prime de valorisation de la chaleur, que nous avions du mal à mettre en place.
Ce n'est qu'en 2016 que la cogénération a pris son envol, lorsque les pouvoirs publics ont décidé de basculer de cette prime " chaleur " vers une prime aux effluents d'élevage, ce qui a boosté le marché en permettant à des plus petites exploitations agricoles d'accéder à la méthanisation à la ferme.
L'apogée de la cogénération se situe en 2019, avant la diminution des tarifs de rachat d'électricité. En parallèle, l'injection de biométhane a connu un envol. Sur cette voie-là, l'État n'avait au départ pas fixé d'obligation minimum d'effluents d'élevage, ce qui a encouragé le développement de grosses unités collectives basées sur du 100 % Cive.
Une autre raison au développement du biométhane est l'efficacité de la valorisation énergétique : quasiment 100 % du méthane produit est valorisé et injecté en gaz, alors qu'en cogénération, 40 % du biogaz brut est vendu sous forme d'électricité, 40 % sous forme de chaleur et 20 % de perte mécanique (moteur).
Pourtant toutes les exploitations ne sont pas proches d'un réseau de gaz ?
C'est d'ailleurs ce qui a longtemps bloqué l'injection. Mais depuis quelques années, l'objectif défini par l'État est d'atteindre les 100 % d'autonomie en production de gaz à horizon 2050. Pour cela, il compte à la fois sur une baisse de la consommation, mais aussi sur le développement de la production interne. Les pouvoirs publics développent donc de nouveaux réseaux de gaz.
De plus, l'État a défini le concept de " droit à l'injection ", qui permet la mutualisation des réseaux de gaz entre les producteurs pour réduire les coûts de raccordement, ainsi que la prise en charge jusqu'à 60 % de ces coûts, dans une limite de 600 000 €.
Vos coûts de construction ont eux aussi subi l'inflation ?
Jusqu'à il y a six mois, on peinait même à trouver de la rentabilité. Mais cela a changé en juin 2023, lorsque l'État a acté une revalorisation des tarifs de rachat du biogaz de près de 18 %. Aujourd'hui, le gaz vert a de nouveau le vent en poupe en France. Pour les agriculteurs, c'est clairement le moment de se renseigner.
Quel est le ticket d'entrée moyen pour une méthanisation à la ferme ?
Pour une méthanisation individuelle à la ferme, on est sur un investissement moyen de l'ordre de 3,50 M€. En général, les banques demandent un apport personnel de 10 à 15 %, avec des durées de prêt sur 10 ou 15 ans. Le retour sur investissement brut, lui, se situe plutôt autour de six à sept ans.
Combien de temps faut-il compter pour mettre en place un projet ?
En individuel, il faut compter deux ans et demi. Et contrairement à ce qu'on pourrait croire, la partie la plus longue est souvent la partie financement. Pour les projets collectifs, c'est en général plus long, car on bascule souvent en régime d'installations classées en enregistrement, ce qui implique une enquête publique.
Que répondez-vous aux détracteurs, qui voient un risque supplémentaire d'accélération de la disparition de l'élevage ?
Nos clients qui ont investi dans la méthanisation depuis plusieurs années nous disent plutôt le contraire. Pour eux, cela a permis de maintenir l'élevage, là où dans certains cas, il aurait peut-être disparu. C'est une arme supplémentaire pour faire face aux fluctuations des marchés agricoles. Et cela peut aussi attirer des jeunes.
Quelles évolutions technologiques un constructeur comme Agrikomp va-t-il proposer à ses clients dans les années à venir ?
Il y a plusieurs voies d'avenir à des stades plus ou moins avancés. Nous commençons à proposer à certains clients la récupération du CO2, qui représente 40 à 45 % du biogaz produit. Nous avons la possibilité de le reliquéfier, pour le vendre par exemple aux producteurs de tomates sous serre. Bien sûr, le modèle ne fonctionne que si on a une utilisation à proximité.
L'autre développement important est l'évapoconcentration, qui va nous permettre, pour les digestats liquides, de séparer l'eau des éléments fertilisants, que l'on va ensuite pouvoir utiliser comme de l'engrais uréique. Et nous travaillons toujours sur l'amélioration de nos rendements moteurs et sur la récupération de chaleur.