Bien penser ses aménagements pour la biodiversité
Planter des haies et des bandes enherbées devient une pratique répandue, poussée par la réglementation. Mais au-delà de l’aspect impératif, la cohérence de leur composition permet un véritable apport aux cultures.
Planter des haies et des bandes enherbées devient une pratique répandue, poussée par la réglementation. Mais au-delà de l’aspect impératif, la cohérence de leur composition permet un véritable apport aux cultures.
Pour de nombreux agriculteurs, la biodiversité se décline en une série de mesures plus ou moins contraignantes à mettre en place afin de respecter la réglementation. Il est facile d’oublier que cette biodiversité rend de grands services à l’agriculture et ne correspond pas qu’à des cases cochées sur ses demandes d’aides Pac. « Dans le monde, 300 000 espèces non domestiques sont impliquées dans la production agricole. On ne s’aperçoit véritablement de leur rôle qu’une fois qu’ils ne sont plus là », pose Véronique Sarthou, agronome spécialisée dans l’agro-écologie, venue donner une conférence sur les apports de la nature en agriculture à la commanderie des Antonins, vendredi 16 septembre, lors du septième anniversaire de la réserve naturelle du même nom à l’invitation de DSNE.
En Europe, 84 % des plantes cultivées sont dépendantes des pollinisateurs. Les services rendus par ces insectes ont été estimés à 14,6 milliards d’euros par an sur l’ancien continent. « De 1989 à 2010, en France, une étude a montré que l’intensification des pratiques ne parvenait plus à améliorer les rendements de 54 cultures entomophiles (dont la fécondation se fait par les insectes qui transportent le pollen) ».
Des auxiliaires fondamentaux
Les cultures ont grand besoin de protection. L’ingénieure prend l’exemple du puceron cendré du chou. Alors qu’une femelle pèse 0,35 g, elle peut engendrer en l’espace de cinq mois douze générations de pucerons. Un chiffre qui démontre de façon implacable l’importance de ses prédateurs. « Les auxiliaires sont fondamentaux pour éviter ces proliférations néfastes. Dans le monde, ils tuent plus de ravageurs par an que les pesticides », assure celle qui possède également une quarantaine d’hectares de grandes cultures en agriculture de conservation des sols avec son mari.
Des fleurs le plus longtemps possible
Comment amener les auxiliaires sur les parcelles ? « La gestion de la biodiversité est fondamentale. La plantation d’une bande enherbée ou d’une haie ne fait pas tout », alerte Véronique Sarthou.En ce qui concerne les bandes fleuries, l’agronome recommande la présence de plantes à fleurs pour attirer les auxiliaires de protection. « Le mieux est d’avoir un mélange fleuri des fleurs de la région », souligne-t-elle, sans pour autant nier le principal handicap de cette solution : son coût, autour de 1 000 euros par hectare.
L’exploitante en Haute-Garonne apprécie particulièrement le bleuet, qui produit beaucoup de nectar et qui attire des pucerons spécifiques, qui peuvent établir leur nurserie dans la plante et créer ainsi plusieurs générations de protecteurs. La chicorée est aussi intéressante car elle fleurit pendant l’été. « L’objectif est d’avoir des fleurs le plus longtemps possible ». De plus, alors que les fleurs horticoles accueillent une cinquantaine d’insectes d’une dizaine d’espèces différentes, il y en a dix fois plus pour les fleurs sauvages. En période de floraison, le broyage doit être banni et la bande doit être fauchée tard dans la saison pour laisser les plantes germer.
Des haies variées et perméables
Pour ce qui est des haies, la vigilance est également de mise. Il faut veiller à leur apporter de la diversité (en taille, en forme et en largeur) pour accueillir le plus d’auxiliaires diverses. « La haie n’est pas une clôture de jardin bien taillée », rappelle la consultante en agroécologie.
À l’image de la bande enherbée, le mélange d’espèces est de mise pour compléter les apports. Elle cite le noisetier, qui fleurit très tôt et qui fournit ainsi du pollen tôt dans la saison ; le lierre, qui est plutôt abondant en fin de saison ; le sureau, qui a une floraison très importante. Lieu de restauration, ce sont également des lieux pour abriter les auxiliaires, qui en ont plus besoin que les ravageurs. « 10 % des auxiliaires peuvent vivre dans les parcelles contre 50 % pour les ravageurs », avance-t-elle.
Une haie perméable est également un prérequis pour s’assurer de son efficacité. « Si la haie est trop compacte, le vent passe par-dessus et augmente son effet en créant un tourbillon ». Elle rappelle aussi qu’il est recommandé de faire le moins d’interventions possibles, tous les deux à trois ans en période hivernale, et à l’aide d’un lamier plutôt qu’une épareuse.
Selon une expérimentation menée en 2015 en Grande-Bretagne sur des parcelles de 50-60 ha, la création d’habitats favorables en bord de champ a augmenté les rendements à l’intérieur des terres et a compensé, voire surpassé la perte des bords de cultures. « On se rend bien compte de l’impact de la conduire biologique des cultures sur la rentabilité. Mais plutôt que de multiplier les aménagements, l’objectif est de constituer des réseaux cohérents et complémentaires », assure l’agronome.