« Ce ne sont pas les consommateurs qui m'importent, mais l'alimentation qu'ils consomment »
L'alimentation de demain : tel était le thème du débat auquel a participé Didier Guillaume à l'issue de sa journée en Charente-Maritime début juillet.
Après une journée consacrée à l'agriculture puis aux produits de la mer, c'est à une autre de ses attributions, intimement liée à ces deux-là, que s'est attaqué Didier Guillaume. Sa visite en Charente-Maritime s'est achevée au Musée maritime de La Rochelle, où était organisé un ''débat citoyen'' autour d'une question centrale : « Quelle alimentation pour demain ? ». « Aujourd'hui, s'alimenter, se nourrir, que ce soit en marché, en grande surface, ce n'est plus un acte comme on pouvait le faire il y a seulement dix ou quinze ans », a rappelé le ministre.
Si les sujets du véganisme ou de la consommation de viande ont pu poindre à certains moments du débat, le ministre les a rapidement balayés. « Ce ne sont pas les consommateurs qui m'importent, a-t-il déclaré, mais l'alimentation qu'ils consomment. » De manière générale, Didier Guillaume s'est échiné pendant une heure et demie à écarter au mieux les sujets de division pour insister sur le consensus. « Nous n'opposons absolument pas le bio et le conventionnel, a-t-il ainsi assuré, ce serait une erreur phénoménale. Aujourd'hui, nous avons besoin de réconcilier plutôt que de diviser. Nous avons besoin d'apaiser plutôt que d'hystériser. Le problème que nous avons, bien souvent, c'est qu'il y a une opposition assez frontale, assez brutale entre l'urbain et le rural, entre l'agriculture et la société, entre l'agriculteur et le citoyen. Je pense qu'il faut passer là-dessus. L'agriculteur ce n'est pas un affreux pollueur, un affreux empoisonneur, et le riverain n'est pas un affreux emmerdeur. Il faut que les gens puissent se parler. »
La crainte d'une « uniformisation de l'alimentation »
Paniers locaux, AMAP étaient évidemment au menu de ce débat où des lanceurs d'initiatives sont intervenus. Didier Guillaume a plaidé pour des initiatives locales et multiples en la matière. « Ma grand-mère disait : ''faites des petits'', c'est-à-dire essaimez, faites d'autres associations, d'autres plateformes, et c'est comme ça que les choses vont marcher. De plus en plus, Internet va être dans nos habitudes, mais je ne voudrais pas que demain nos concitoyens se nourrissent en achetant sur Amazon. Je pense qu'avant d'aller là on a d'autres lieux d'achats, et notamment les circuits courts. Internet, c'est sans doute l'avenir, mais pas forcément celui qu'on voudrait avoir en matière d'alimentation. » Le modèle qu'il redoute, c'est bien celui d'une « uniformisation de l'alimentation ». Défendre l'agriculture locale et vanter les exportations, n'est-ce pas contradictoire ? Si, assume le ministre. « C'est ça, l'agriculture française. Il y a les circuits courts, le bio, et puis il y a une agriculture exportatrice qui fait vivre le pays aujourd'hui. »
Au-delà de la qualité intrinsèque de l'alimentation, c'est aussi son impact sur l'environnement qui a été discuté. « L'agriculture française est dans le monde la plus saine, la plus sûre, la plus durable, a assuré Didier Guillaume, qui souhaiterait 50 000 certifications HVE supplémentaires d'ici dix ans. Le Haut conseil pour le climat a montré la France comme étant en retard sur ses objectifs fixés mais a donné un satisfecit à l'agriculture qui, elle, tient le rythme. L'agriculture française n'est pas un handicap contre le réchauffement climatique, mais au contraire est une des solutions. » Interpellé par Greenpeace sur les importations de soja et les fermes-usines, le ministre a réaffirmé son attachement au modèle extensif. « La ferme des Mille vaches, ce n'est pas la politique de ce gouvernement. » Il s'est également prononcé en faveur d'une autonomie européenne pour les protéines végétales. Au niveau de la réduction des pesticides, toutefois, « on est à la bourre », a-t-il admis. « On n'est pas allés assez vite, on va accélérer. »
À l'issue du débat, au cours duquel sont intervenus plusieurs élus locaux du secteur de La Rochelle, le ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation a tenu à revenir sur un point lui tenant particulièrement à coeur : le gaspillage alimentaire. « Aujourd'hui, c'est un vrai problème qui coûte très cher au pays. Ce sont des millions et des millions d'euros de nourriture jetée, alors qu'elle pourrait servir à d'autres. » Étrangement, pas une remarque de consommateurs n'avait porté sur ce sujet, qui est pourtant davantage de leur responsabilité que de celle des agriculteurs.