De la diversité des porte-greffes
Sébastien Julliard, directeur du Conservatoire du vignoble charentais, présente les enjeux de la journée technique du 7 décembre à l’institut de formation de Richemont sur le thème des portes-greffes. Il nous parle en particulier du travail réalisé sur le site de Saint-Trojan à l’Île-d’Oleron.
La 10e journée technique du Conservatoire du vignoble charentais va traiter du thème des porte-greffes et de leur diversité à explorer. Pourquoi vous a-t-il semblé important de développer ce sujet ?
Sébastien Julliard : C’est un thème que l’on travaille au conservatoire, pas spécialement sur de l’expérimentation mais sur de la conservation et de la sauvegarde d’accessions. On a déjà en collection 32 porte-greffes différents. Il y a ceux de Jean-Louis Vidal qu’on a gardé en serre et d’autres. On intensifie cet aspect sauvegarde. Par ailleurs, c’est un sujet qui nous semble pas suffisamment traité. C’est important, notamment dans le cadre du changement climatique où les problèmes d’alimentation hydrique sont importants comme on a pu le voir cette année. D’autre part, chez nous, nous sommes sur une exigence de porte-greffes résistants au calcaire et vigoureux. L’offre n’est pas énorme en termes de variétés. On en a 4 ou 5 qui peuvent correspondre.
Quel risque existe-t-il pour le vignoble à avoir si peu de porte-greffes inscrits ?
S-J : Disons que l’offre serait plus large, on pourrait avoir une meilleure adaptation et un peu moins de problèmes, notamment les années de stress hydrique. Il y a aussi un autre point qui a déclenché l’organisation de cette journée. On a travaillé sur une ancienne pépinière de vignes américaines sur l’Île d’Oleron. Il s’agit d’une pépinière mise en place dans les années 1880, juste après l’apparition du phylloxera où il fallait alimenter le vignoble en bois de vignes américaines. L’État avait mis en place des parcelles de multiplication. Il y avait notamment ce site de Saint-Trojan qui s’est ensauvagé tout en restant assez protégé. Nous sommes allés prospecter cette ancienne pépinière de 2 hectares les 8 et 9 septembre dernier.
Comment avez-vous découvert ce site ?
S-J : Les habitants nous ont signalé un site qui s’appelle la Passe de la vigne américaine. Nos recherches historiques et biographiques nous ont montré que ce site avait de l’intérêt. Nous avons fait un premier passage en 2014 pour voir si cela valait vraiment le coup. Ce site est d’autant plus intéressant qu’on est sur des sables et qu’il n’y a pas de virose. On a décidé de mettre en place une prospection de grande ampleur cette année sur 2 jours avec 8 personnes du conservatoire, de l’Inra de Montpellier…. On a même fait venir quelqu’un avec un drone pour repérer les zones les plus difficiles d’accès. C’est une petite forêt vierge. On a fait le repérage des pieds, la description ampélographique, les prélèvements pour faire des herbiers. Le génotypage a été fait à l’Inra de Montpellier. On a sorti 45 individus, dont 35 se sont révélés originaux. On a prélevé les bois le 2 décembre dernier. Notre idée maintenant consiste à mettre ces accessions en collection. On va les répartir sur 3 sites : au domaine de Vassal à Montpellier, à l’Inra de Bordeaux et chez nous au conservatoire.
À qui appartient ce site ?
S-J : A l’ONF. Nous allons travailler pour signer une convention avec eux. Dans l’idée, il faudrait essayer de conserver ce site en état car parfois sur la forêt domaniale des coupes sont faites. On souhaiterait que cela reste en état et entretenu de manière à conserver ce patrimoine.
Cette problématique de la disponibilité des porte-greffes concerne tous les vignobles en France ?
S-J : Tout à fait. D’ailleurs la dernière intervention de la journée portera sur la mise en place de parcelles VATE (Valeur agronomique, technologique et environnementale). C’est la démarche officielle pour faire inscrire une variété au catalogue officiel, que ce soit un cépage ou un porte-greffe. Notre souhait est maintenant de tester une dizaine de porte-greffes de Saint-Trojan dans ce protocole VATE et en faire inscrire de nouveaux pour que la viticulture en ait davantage à disposition. Différentes régions sont intéressées. Quand on met en place des parcelles VATE, il faut un site septentrional, un site méridional et un site océanique qui sera celui du conservatoire. C’est un programme qu’on est en train de développer pour les prochaines années.
Il faut beaucoup de temps pour inscrire un porte-greffe ?
S-J : Ce n’est pas le plus long. Entre la plantation de la parcelle et le retour d’évaluation, cela peut être fait en 6 ans. C’est plus long pour les cépages car il faut ajouter l’étape de l’entrée au cahier des charges d’une appellation. Par contre ce qui va prendre du temps, c’est que les porte-greffes que l’on va tester sont présents uniquement en collection. Il n’existe que quelques pieds qu’il faut démultiplier.
Quelles sont les principales caractéristiques recherchées pour notre vignoble ?
S-J : La tolérance à la sécheresse et au calcaire, et de la vigueur. Bien sûr, il faut aussi un bon comportement en pépinières. On peut espérer avoir 2 ou 3 porte-greffes supplémentaires même si c’est difficile à dire. Dans l’idéal plus on en a, mieux c’est, même s’il faut rester raisonnable au niveau de la pépinière.
Vous avez évoqué l’actualité du conservatoire lors de cette journée. Quelle est-elle ?
S-J : Deux points me paraissent importants. D’abord, tout le travail que l’on mène avec l’Ireo pour que la formation de responsable technique pépinière viticole devienne une certification. L’autre actualité de 2016 aura été la sortie commerciale des premières bouteilles de chauché.