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Justice
Déboutés dans leur procès contre Enedis, les éleveurs vont faire appel

À l’issue du procès qui oppose le Gaec Moncabri à Enedis, les éleveurs n’ont pas obtenu gain de cause. Ils comptent poursuivre en cour d’appel pour démontrer la responsabilité du gestionnaire de réseau dans la mauvaise santé de leur troupeau pendant huit ans.

Les éleveurs entrent maintenant dans le bâtiment sans la crainte de découvrir une hécatombe chaque matin.
© Léa Calleau

À la table familiale des Monsarat, le procès contre Enedis est au cœur des discussions. Trois jours après l’annonce du délibéré, Joël et Martine, avec leur fils Lionel, retrouvent un peu d’espoir. « Quand on a appris qu’on était déboutés, le coup a été dur, reconnaît Joël, mais nous n’allons pas en rester là. » Soutenus par l’association Animaux sous tension (Anast), les éleveurs ont un mois pour faire appel.

Associés au sein du Gaec Moncabri, ils ont connu un enfer long de huit années. La santé de leur troupeau de 400 chèvres a commencé à se dégrader en 2011, sans qu’ils comprennent pourquoi, et s’est enfin améliorée à partir de 2019. Grâce à leur vétérinaire, ils avaient identifié la présence de courants électriques parasites dans le bâtiment, mais leur origine demeurait inconnue.

Trois jours après le changement du transformateur, le poil des chèvres était lisse à nouveau. Au bout d’une semaine, le nombre de cellules dans le lait avait chuté. »

En 2019, Enedis a changé le transformateur, situé en haut d’un poteau à quelques mètres de la stabulation, pour en mettre un plus puissant afin d’absorber l’électricité produite par des panneaux photovoltaïques, installés sur un bâtiment de stockage. « Ils ont changé le transformateur le 8 avril, rappelle Martine. Trois jours après, le poil des chèvres était lisse à nouveau. Au bout d’une semaine, le nombre de cellules dans le lait avait chuté. »

Pour eux, il n’y a plus de doute aujourd’hui : « Le changement a été tellement évident après l’installation du nouveau transformateur. L’ancien avait 25 ans et on l’entendait souvent grésiller. Enedis nous a traité d’incapables et nous a fait comprendre que ça venait de notre installation électrique ! » s’indigne Joël.

Pot de terre contre pot de fer

Malgré les tentatives de leur entourage de les dissuader, les éleveurs ont décidé de porter l’affaire devant un juge

en 2020 : « Beaucoup de personnes nous ont dit de ne pas attaquer Enedis en justice, qu’ils étaient trop puissants, rapporte Martine. Pour toutes nos chèvres qui sont mortes, on ne ferait rien ? Elles ont vécu tout ça pour quoi ? »

Le dossier instruit, la famille a attendu pendant de longs mois. « D’un coup, on apprend que l’audience a lieu dans une semaine. Le 14 juin, à 14 heures ! » a retenu Joël. Les dates restent gravées dans leur mémoire, comme le déroulement du procès et les moindres signes qui pouvaient leur donner une piste sur son issue.

 

Pour toutes nos chèvres qui sont mortes, on ne ferait rien ?"

Défendus par l’avocat Me François Lafforgue, connu pour son implication dans des dossiers sanitaires et environnementaux, les éleveurs pensent faire appel. « Déjà, il a été reconnu qu’il y avait un problème électrique et que nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir comme éleveurs, mais il n’y avait pas suffisamment de preuve que le transformateur était à l’origine du problème », retranscrit Joël.

Des séquelles à long terme

Quand Martine entre dans le bâtiment chaque matin, elle n’a plus le ventre noué, bien que les mauvais souvenirs ne s’effacent pas facilement : « Tous les jours, on trouvait des chèvres mortes. On a acheté trois lots de chevrettes. Dans le premier lot, sur 40 chevrettes, une seule a survécu. » Mycoplasmes, tumeurs et autres malformations ont disparu depuis 2019. La santé du troupeau s’est nettement améliorée, mais la famille Monsarat n’est pas au bout de ses peines pour redresser la barre de l’exploitation. « Juste avant le changement du transformateur, on a songé à tout arrêter… Arrêter, ça voulait dire qu’on perdait tout », lâche Joël.

Le Gaec a été mis en redressement judiciaire en 2015. « Nous avons encore trois ans de redressement. Depuis tout ce temps, nous ne pouvons pas acheter des terres, ni investir. On a dû reconstituer le cheptel plusieurs fois. » Lionel, leur fils, n’avait pas encore trente ans quand il s’est installé, juste avant que les difficultés apparaissent. « Il a perdu sa jeunesse », soupire sa mère. Grâce à la retraite d’ancien militaire de Joël, la famille a tenu bon jusque-là. À 69 ans, il ne peut toujours pas prendre sa retraite en tant qu’agriculteur.

Arrêter, ça voulait dire qu’on perdait tout ».

Leurs difficultés, les Monsarat en parlent sans se cacher. Ils souhaitent briser les tabous autour de ces problèmes que d’autres éleveurs rencontrent : « Ce n’est pas facile, on nous a pointés du doigt. Certains éleveurs n’osent pas en parler. » Le point de blocage vient souvent de l’absence de reconnaissance de la géobiologie, une discipline qui étudie les influences du terrain sur les êtres vivants et met en évidence la présence de courants électriques parasites dans les bâtiments d’élevage. « De plus en plus de géobiologues sont sollicités pour savoir où implanter un nouveau bâtiment, s’il y a des courants parasites dans la salle de traite… Pourtant, ils ne sont pas reconnus par l’État », déplore Joël. L’éleveur espère une évolution sur ce sujet pour avancer des preuves dans ce type de dossiers.

 

« Agriculteurs sous tension », un documentaire pour dénoncer l’omerta

La journaliste Nathalie Barbe a enquêté pendant près de deux ans sur les effets électromagnétiques générés par

les lignes haute tension, les éoliennes et antennes relais sur les exploitations de l’ouest de la France. En 2020, son documentaire Agriculteurs sous tension, diffusé sur France 3, relate le combat du lanceur d’alerte Serge Provost, éleveur de vaches laitières dans la Manche et décédé en 2021. Il s’est battu pendant trente ans pour faire reconnaitre les préjudices subis par les éleveurs et a cofondé l’Anast (association Animaux sous tension).

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