Deux ans qu’ils attendent que leur bâtiment se construise...
Ils ont investi 6 600 euros et pensaient voir un hangar recouvert de panneaux photovoltaïques se construire dans les 15 mois.Plus de 2 ans après avoir signé un protocole avec une entreprise de Gradignan (Gironde), quatre agriculteurs du secteur de Vivonne sont aujourd’hui inquiets et craignent d’avoir été abusés...
Tout a débuté en 2014. À l’époque, Jean-Noël Thibault, entrepreneur agricole basé à Vivonne, commence à réfléchir à la construction d’un nouveau hangar pour abriter son matériel. Il entend parler d’une société qui propose des constructions intéressantes avec des panneaux photovoltaïques. Le concept est assez simple : l’entreprise construit le hangar sur un terrain de l’agriculteur, l’équipe de panneaux photovoltaïques et vend l’électricité. L’agriculteur dispose, lui, comme il le souhaite de ce hangar. Un bail emphytéotique est signé entre les deux parties et après 25 ans, le bâtiment est rétrocédé à l’agriculteur. Le protocole prévoit un investissement de l’agriculteur lors de la signature, de moins de 10 000 euros. « J’ai tout de suite été séduit », se souvient Jean-Noël Thibault.
Après quelques échanges avec l’entreprise, Inovia Concept Développement (depuis devenue Sunergis), il parle du principe à trois autres agriculteurs du secteur : Damien Plateau, de Coulombiers, Benoit Berthomé de Vivonne et Didier Vergnaud de Vivonne. Pour chacun de ces projets, il est convenu de construire des hangars d’une taille approximative de 750 m2 et d’équiper la toiture avec des panneaux qui produiront 99 kW au maximum. Les quatre agriculteurs signent leur protocole début 2015, et versent les 6 600 ¤ TTC prévus. Très rapidement, trois des quatre agriculteurs reçoivent le permis de construire qui correspond au projet. « J’ai même reçu le panneau qui doit être affiché devant le terrain, et qui permet aux voisins d’être informés du projet », se souvient Damien Plateau.
Le céréalier de Coulombiers procède au terrassement du terrain où doit être implanté le hangar. Mais plus rien ne se passe. Ni chez Damien Plateau, ni chez Jean-Noël Thibault et Didier Vergnaud, qui n’ont eux jamais reçu ce panneau. « On nous avait parlé d’un délai de 10 à 15 mois, et d’un début de travaux en juin 2016. Passée cette date, c’est le mois de septembre 2016 qui nous a été annoncé », explique Jean-Noël Thibault. À l’automne, des évolutions lui ont été expliquées. « On nous a dit que le projet n’était pas rentable, et qu’il fallait donc augmenter la taille des projets, et dépasser les 100 kW ». Dépassé ce seuil, il faut passer par un appel d’offres de la Commission de régulation des énergies (CRE), qui permet un tarif de rachat différent. Un appel d’offres auquel le dossier de Damien Plateau devait être présenté début mars. « Il ne nous a pas retourné la mise à disposition de son permis de construire », explique le cabinet conseil de Sunergis.
Damien Plateau assure que ce document ne lui a jamais été demandé. « Cela me donne vraiment l’impression qu’on nous mène en bateau, et que c’est une façon de gagner du temps », lance l’agriculteur. Lui comme ses confrères s’étonnent en effet des difficultés qu’ils ont à obtenir des informations. « J’ai envoyé des mails, demandé au service client d’être rappelé, et envoyé des courriers… sans réponse pendant des mois », assure Jean-Noël Thibault.
Sur les conseils d’un avocat, il a donc fini par demander l’annulation du protocole, et le remboursement de la somme engagée. « Je sais que tout ne sera pas remboursé, puisque le permis de construire a bien été instruit et obtenu, mais peu importe », explique-t-il. Le cabinet conseil de Sunergis assure quant à lui avoir fait deux propositions : passer en autofinancement ou augmenter la surface des panneaux. « Car il faut bien que le projet soit rentable. Lorsque nous avons un dossier, nous le présentons à notre investisseur (NDLR : un opérateur chinois), qui sélectionne les projets qui l’intéressent », explique la chargée de communication. Autrement dit, lorsque le protocole est signé, rien n’assure que le projet ira à son terme. Et finalement, la somme demandée à l’exploitant correspond plus ou moins aux frais que représentent l’instruction du permis de construire et l’étude de faisabilité.
Mais ce n’est pas tout à fait comme cela que les choses ont été présentées, et comprises par les agriculteurs, qui n’avaient eux aucun doute sur le fait qu’un bâtiment allait être construit. Quand on demande ce qui arrive si l’étude de faisabilité montre que le projet n’a pas une rentabilité suffisante pour l’investisseur, le cabinet convient que la somme est effectivement perdue pour l’agriculteur, si aucune autre solution ne peut être trouvée. « Nous avons fait évoluer le libellé du protocole », lâche un des conseillers de l’entreprise. Ce qui laisse entendre que dans les anciens protocoles n’étaient peut-être pas assez explicites. Alors certes, il ne s’agit peut-être pas d’une arnaque. Mais d’un montage tout de même assez risqué pour les agriculteurs, et qui fait l’objet d’une présentation peu claire. D’autant que l’installation de panneaux photovoltaïques répond à une réglementation particulièrement compliquée, que ne peuvent évidemment maîtriser que les professionnels de la filière…
GARE AUX DEMARCHAGES
Interpellé sur le sujet, Dominique Marchand rappelle que les agriculteurs doivent se méfier des démarchages dont ils font l'objet. Le président de la Chambre d'agriculture de la Vienne évoque autant le photovoltaïque que l'éolien et la méthanisation. "Dans ces cas, la valeur ajoutée revient peu souvent aux agriculteurs". Dominique Marchand ajoute que la chambre d'agriculture a participé à la mise en place, il y a quelques années, de Vienne AgriSoleil. "on a des compétences dans la Vienne. Il faut s'en servir. Et ne pas hésiter à les interpeller quand on a un doute"
La version de l'entreprise
Interrogée par la rédaction, l'entreprise Sunergis a répondu sans difficulté. Après un contact avec la chargée de communication, c'est le cabinet conseil qui a donné eds explications sur les dossiers. Des juristes qui expriment la bonne foi de l'entreprise, expliquant que ce sont des soucis de rentabilité, suite aux évolutions tarifaires, et que les services de l'entreprise restent à la disposition des agriculteurs pour répondre à leurs questions. Les agriculteurs contactés assurent eux que les contacts directs sont difficiles à établir.