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Faire un portrait de « l’agriculture alternative »

Sociologue à l’Inrae et à AgroParisTech, Stéphane Sachet travaille depuis de nombreuses années sur les politiques agricoles et les parcours de transition des agriculteurs. Qui sont ces agriculteurs et agricultrices engagés  dans des collectifs ? C’est la question qu’il pose dans le cadre son post-doctorat.

© Stéphane Sachet

Dans votre travail sur la transition agroécologique de l’agriculture, et après une thèse sur l’agroforesterie, vous avez décidé de dresser un portrait plutôt sociologique de ces agriculteurs. Que cherchez-vous à démontrer ?
Ces agriculteurs et agricultrices sont 25 000, engagés dans des collectifs agroécologiques: GIEE, Groupe 30 000, Réseaux Dephy. Ils et elles développent des systèmes de production plus autonomes et des pratiques innovantes. L’agroforesterie est un bon exemple, et c’était notamment mon sujet de thèse, mais il y a aussi évidemment l’agriculture de conservation. Mon idée n’est pas de décliner ces pratiques mais plutôt de dresser un portrait sociologique de ces agriculteurs et agricultrices. Est-ce qu’ils sont plutôt jeunes ? Est-ce qu’ils sont plutôt dans des fermes qui se portent bien financièrement ? Est-ce qu’on a une diversité représentée ou non ?

Ces groupes sont-ils nombreux ?
Non, car seulement 3 à 4 % des agriculteurs y sont engagés, mais ils sont aujourd’hui en position d’influence. Leurs pratiques innovantes sont mises sur le devant de la scène par les groupes qui ont la vocation d’accompagner les agriculteurs qui le souhaitent, et portent, en quelque sorte, la vision du progrès promue dans les politiques agricoles à l’instar de la Pac et surtout depuis 2012 à travers un virage agroécologique. Pendant les années 60 dans les campagnes, ces groupes portaient déjà la vision d’une agriculture moderne, et étaient représentés au sein des chambres d’agriculture, avaient une influence importante, en parallèle des problématiques environnementales des années 70 et avec une reconnaissance politique depuis 2010. Aujourd’hui, l’ancien modèle est encore fragilisé et doit s’adapter aux nouvelles contraintes. Ces groupes se retrouvent dans des positions normatives dominantes.

L’idée de cette étude c’est quoi ?
Dresser une photographie des exploitants et exploitantes engagés sur ces questions mais aussi comprendre les potentielles inégalités induites par les réglementations agro-environnementales et peut-être aussi cerner comment ces réglementations, et notamment leurs nombreuses évolutions, induisent peut-être des freins et en tout cas des difficultés.

Pourquoi rencontrez-vous dans le courant du mois de septembre des conseillers chargés de ces politiques au ministère de l’Agriculture ?
Cette étude sera l’opportunité de réfléchir aux dispositifs de soutien qui pourront être mis en œuvre à l’attention des agriculteurs qu’on retrouve moins dans ces groupes. Voir comment il est possible de lever des éventuels freins et permettre à tous les agriculteurs de s’engager s’ils ont l’envie. C’est une ambition de mon étude, très modeste évidemment, mais qui peut sans doute servir à permettre à un plus grand nombre de participer à cette transition.

Justement, avez-vous des premiers résultats et que démontrent-ils ?
Il est évident que l’étude aura de la valeur au regard du nombre de répondants et j’ai pour le moment collecté une petite centaine de questionnaires, ce qui est déjà très bien mais j’en attends d’autres évidemment d’ici septembre. Justement, sur l’interprétation d’éventuelles difficultés, il s’avère que pour le moment, il y a une surreprésentation d’hommes. Il s’agira peut-être d’étudier des dispositifs spécifiques aux agricultrices à mettre en place. Ce sont plutôt des fermes entre 70 et 150 hectares (NDLR : la moyenne nationale est autour de 60 ha). 18 % des répondants exploitent entre 20 et 70 ha et les répondants sont pour le moment plutôt en Gaec (70 %) ce qui sous-entend qu’il semble plus facile de participer aux formations, réunions et essais quand les agriculteurs sont plusieurs sur l’exploitation. Là encore, des dispositifs peuvent sans doute permettre à un plus grand nombre de participer. Pour le moment, il semble ressortir que les répondants ont plutôt plus de 40 ans… On peut faire l’hypothèse que l’amortissement est réalisé sur ces exploitations et que cette « respiration économique » permet de tester des façons alternatives de produire. Il faut noter qu’après un travail quantitatif, je mènerai aussi un travail qualitatif, à partir d’entretiens individualisés pour aller plus loin dans la compréhension de la démarche.
Le lien vers le questionnaire : https://docs.google.com/forms/d/e/1FAIpQLSeS_PmGCEXg_iUU0FMQdu2JpM201AR4AuDEXZ0CjMCGMLOvQg/viewform. Réservé à ceux qui font partie d’un GIEE, Groupe 30 000 et réseaux Dephy.

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