Fertiliser au semis, pourquoi pas ?
Apporter l’engrais au semis présente de multiples intérêts agronomiques, économiques et logistiques.
Largement démocratisée sur des cultures à fort inter-rang comme le maïs ou la betterave, la fertilisation lors du semis peut également trouver son intérêt auprès de cultures en lignes comme les céréales. Les constructeurs vont d’ailleurs dans ce sens en proposant de plus en plus de semoirs dotés d’une double trémie et d’une distribution spécifique pour l’engrais. Si les appareils de semis direct ont été les premiers, les semoirs pour TCS ont suivi et une demande croissante concerne les semoirs en lignes traditionnels.
De multiples intérêts
«Lorsque l’on parle d’engrais, il faut distinguer l’azote, très mobile dans la solution du sol, du phosphore et du potassium, peu mobiles», explique Jean-Pierre Cohan, ingénieur en fertilisation chez Arvalis. Au premier abord, il peut paraître peu utile de localiser l’azote, ce dernier migrant au fur et à mesure vers les racines. Cependant, sous sa forme ammonium, l’azote se volatilise facilement dans l’atmosphère. L’enfouissement avec un semoir équipé ou un déchaumeur réduit fortement cette volatilisation, notamment par conditions sèches ou venteuses, pouvant engendrer une économie d’engrais. «En conditions difficiles, la fertilisation azotée localisée peut profiter à la plante et engendrer des gains de rendements», poursuit Jean- Pierre Cohan.
Pour ce qui est des engrais phosphorés et potassiques, leur faible mobilité justifie la localisation à proximité de la plantule. «Plus la situation est délicate, plus la localisation est valorisée, développe Jean-Pierre Cohan. Par situation délicate, j’entends l’exigence de la culture ou la disponibilité des éléments dans le sol. La pomme de terre, le colza ou encore la betterave font partie des cultures les plus exigeantes, par exemple. Par ailleurs, la disponibilité en phosphore et potasse dans le sol dépend de sa nature, mais aussi de conditions climatiques (semis en conditions très humides ou froides, par exemple) ou sanitaires : l’attaque de parasites (nématodes, piétin échaudage, etc.) peut handicaper l’enracinement et provoquer une carence provisoire induite.»
L’équipement de fertilisation localisée représente un surcoût à pondérer avec la surface sur laquelle il sera réellement rentabilisé. Mais Jean-Pierre Cohan fait remarquer que, même si la fertilisation localisée complique un peu la logistique au moment du semis, il génère bien souvent l’économie d’un passage avec l’épandeur d’engrais.
Cinq positionnements de l’engrais
Sans distinguer les systèmes d’implantation, les ingénieurs d’Arvalis ont classé les semoirs du marché en cinq catégories selon le positionnement de l’engrais. Une large majorité de semoirs proposent un positionnement de l’engrais dans la ligne de semis. Cette solution est la plus simple et parmi les moins coûteuses : elle présente cependant le risque de toxicité (brûlure des graines) avec certains engrais très agressifs comme l’urée. «Cette toxicité n’a toutefois été montrée qu’à des doses d’engrais élevées (150- 200 unités d’azote à l’hectare) en orge de printemps, modère Damien Brun, ingénieur machinisme d’Arvalis, mais on peut supposer qu’elle est aussi valable pour la plupart des cultures.» Une autre solution assez plébiscitée consiste à enfouir l’engrais au milieu des rangs, quelques centimètres plus profonds que la graine. Relativement comparable, d’autres constructeurs proposent un positionnement en léger décalage, à 5-7 centimètres sur le côté et 5 centimètres en profondeur par rapport à la graine. Cette dernière solution convient mieux aux cultures à inter-rang assez élevé, puisque l’engrais est plus rapidement disponible. Quelques fabricants proposent de mélanger l’engrais dans le lit de semences de chaque côté de la graine, plus en profondeur. Enfin, d’autres appareils comme l’Easydrill de Sky se distinguent avec un mélange terre-engrais au-dessus de la graine. Ce système peut également montrer des problèmes de toxicité à fortes doses d’urée.