International
Géopolitique du blé : la France souffre à l'exportation
La campagne 2024 de blé tendre s'annonce assez mal. Chez Océalia, 80 % des surfaces prévues sont semées mais les pluies abondantes font baisser le potentiel de récolte entre -20 et -30 %. En Gâtine et en Bocage, on parle même d'un tiers des surfaces semées début avril.
Toutefois, il reste du blé dans les silos français. Les représentants des coops et négoces de la région Nouvelle-Aquitaine estiment les volumes non vendus de la collecte 2023 de blé tendre entre 20 et 40 %, la faute à deux concurrents qui ne respectent pas les règles du marché : la Russie, qui a mis sur cette campagne 50Mt de blé sur le marché mondial à des prix défiant toute concurrence, et l'Ukraine, qui bénéficie de la suppression des droits de douane vers l'UE pour écouler plus de 7Mt sur ce marché (contre 500 000 t avant la guerre).
Avec ses 10 Mt à écouler, la France a bien du mal à tirer son épingle du jeu. Le Maroc est un de ses plus gros clients fidèles, alors que l'Algérie s'éloigne d'année en année. " Au Maroc, ce sont des meuniers professionnels qui achètent, explique Philippe Heusele, le vice-président de l'AGPB. Ils sont sensibles à la qualité française. En revanche, en Algérie, les achats passent par des appels d'offres publics qui ne se basent que sur un seul critère : le prix. Depuis que le pays a modifié son cahier des charges pour accepter jusqu'à 1 % de blé punaisé, la Russie s'est engouffrée dans la brèche ".
Ce n'est pas forcément vers l'UE que la France va se rattraper, alors que la baisse des élevages dans le nord de l'UE et en Espagne en fait un marché déclinant, le blé étant destiné principalement à l'alimentation du bétail. Un constat couplé à la politique de prix agressive de l'Ukraine. L'ambition d'exporter 6,8 Mt vers l'UE paraît alors démesurée. "Pour ces pays-là, il faut être présents toute l'année pour les fidéliser", pense le vice-président de l'AGPB.
Reste alors un acteur qui vient de surgir et a déjà commandé 2 Mt, devenant notre meilleur client de la campagne 2023-2024 : la Chine. Difficile cependant de capitaliser sur ce pays, qui reste un marché d'opportunités et dont la politique publique reste fluctuante.