Grand Poitiers veut une interdiction des pesticides
Il va falloir s'habituer à écrire ce mot, car le chlorothalonil R471811 va certainement faire parler de lui un moment. Pourtant, ce fongicide n'est plus autorisé ni utilisé en France depuis 2020. Mais depuis l'année dernière, sa molécule est recherchée dans les eaux potables de la Vienne, et a été identifié dans de très nombreuses unités de distribution, sous la forme de métabolites. "Les ressources les plus profondes semblent plus protégées, certainement grâce à la présence d'argile" explique Céline Lelard, responsable du pôle eau potable de Grand Poitiers.
Au-delà de la limite
Le souci, c'est que la limite de qualité (qui est de 0,1 mg/litre) a été très souvent dépassée, sans atteindre le seuil sanitaire de 3 mg/litre. Début septembre, le Préfet a pris un arrêté dérogatoire, autorisant les fournisseurs d'eau (Grand Poitiers et Eaux de Vienne) à la distribuer en respectant la limite de 0,9 mg/litre (avec des exceptions pour les unités de distribution de Vendeuvre 1 et de celle du Cuhon/Massognes, où les limites ont été respectivement fixées à 1,5 et 2,5 mg/litre*). Les opérateurs ont trois ans pour mettre en place les actions qui permettront de revenir en dessous du seuil de 0,1 mg/L.
À Poitiers, un travail est réalisé sur l'amélioration des filtres, notamment au charbon, en lien avec plusieurs laboratoires de l'Université, mais aussi des protocoles de mélanges des différentes eaux. "Mais il n'y a pas de solution à court terme, car nous sommes sur un territoire très calcaire" ajoute la responsable. "Nous avons déjà 3 programmes Re-Sources sur les périmètres de captage de Fleury, La Varenne et Verneuil, et nous travaillons sur la mise en place d'un dispositif des Zones Soumises à Contraintes Environnementales, mais ça prend trop de temps !" regrette Laurent Lucaud, élu en charge de l'eau à Grand Poitiers, qui aimerait "un contrôle annuel pour l'ensemble des produits épandus".
La collectivité veut même aller plus loin et évoque une interdiction totale d'utilisation des produits phytosanitaires sur les 4 captages prioritaires : Verneuil, Fleury, Sarzec et La Varrenne. "Florence Jardin (NDLR : la présidente de Grand Poitiers) a envoyé une demande au Préfet, qui a le pouvoir de police de l'eau, pour faire cette demande". Un courrier a également été envoyé à l'agence de l'eau Loire Bretagne pour qu'elle redirige des crédits vers des changements de pratiques agricoles. "Nous devons éviter que la même chose arrive avec une autre molécule" conclue Laurent Lucaud.
* lire notre article sur la réaction d'Eaux de Vienne
Dans la mesure où ce fongicide n'est plus utilisé, on peut raisonnablement se demander s'il ne va pas de lui même disparaître. Une hypothèse difficile à vérifier, puisque sa concentration avant 2022 dans les eaux de la Vienne n'est pas connue, et que l'on ne peut pas dire si sa présence diminue. Le fait que la molécule mère ne soit pas retrouvée, mais un métabolite, semble indiquer que le chlorothalonil est en train de se décomposer. "Cela peut signifier que la molécule tend à disparaître" convient Laurent Lucaud.