Analyse
La filière viande bovine répond aux enjeux environnementaux
La consommation de viande se maintient, mais la décapitalisation inquiète la filière. L’élevage a de nombreux atouts qui sont en adéquation avec les attentes des consommateurs.
La consommation de viande se maintient, mais la décapitalisation inquiète la filière. L’élevage a de nombreux atouts qui sont en adéquation avec les attentes des consommateurs.
Sur 2022, le Cerfrance Poitou-Charentes note un maintien de la consommation de viande bovine des ménages. La reprise économique suite au Covid, un retour vers la RHD (restauration hors domicile) ont permis aussi de bénéficier de cette stabilité… « mais en parallèle, on a noté une décapitalisation avec un recul du cheptel encore plus important qu’en 2021, recul du cheptel bovin de 2.5 %, entraînant une hausse des importations de 26 % en 2022 contre 21 % l’année précédente. Il manquait 70 000 tonnes », précise Eugénie Soullard, conseillère d’entreprise, référente viande bovine.
Au niveau des élevages, 2022 était une bonne année, avec « une demande porteuse, des prix assez élevés. Sur les réformes laitières et les taureaux, le prix était de l’ordre de + 30 % par rapport à d’habitude. On était à + 20 % sur les JB et +15 % sur les autres catégories, vaches allaitantes notamment. »
Sur l’aspect comptable, « les chiffres sont plutôt bons sur nos clôtures 2022 mais ces augmentations de prix sont à relativiser avec l’augmentation des charges. »
Pour les systèmes mixtes (atelier bovin allaitant - cultures de vente), l’analyse sur 2022 est plus difficile. « Les résultats sont bons, mais ils sont liés à des performances économiques rarement atteintes, liées au cours des céréales. » En raison du prix des aliments, le report s’est fait sur le fourrage. Sur le système bovin viande spécialisé, beaucoup d’éleveurs ont fait l’impasse des intrants au profit du fumier. « Malgré cela et grâce à l’augmentation des prix, le revenu disponible est plus important par unité de main-d’œuvre. La marge brute par vache s’est améliorée par rapport à l’année dernière, avec un gain de plus de 600 euros par vache par rapport à 2021, sur nos échantillons, pour une exploitation moyenne », souligne Eugénie Soullard. Côté investissement, la prudence a été de mise. « Ils n’ont pas forcément investi. Ils sont restés sur une annuité modérée et un taux d’endettement qui a tendance à diminuer ou stagner. »
2023 : décapitalisation importante
Sur l’année en cours, la décapitalisation du cheptel est toujours présente, notamment en raison de la pyramide des âges et du manque d’attractivité du métier. « Ce cheptel reproducteur va forcément induire un nombre de naissances en recul. Sur le 1er trimestre 2023, on est à - 2,2 % par rapport à avril 2022. » Le schéma 2022 semble se reproduire avec une consommation stable, voire en hausse et « potentiellement, une dépendance à l’importation assez forte. » Mais quelques interrogations subsistent face au niveau des charges toujours assez élevées, à un pouvoir d’achat moindre et une poursuite de l’inflation. Est-ce que cela va permettre de faire perdurer la stabilité de la consommation de viande bovine ? La récente intervention de la Cour des Comptes sur la réduction du cheptel bovin français perturbe la filière.
Des raisons d’y croire
Depuis le 1er juin, la DNJA (dotation nouveaux jeunes agriculteurs) va dans le bon sens pour le système d’élevage herbivore. L’obligation de contractualiser est aussi un bon atout pour la pérennité des éleveurs.
« Le renversement offre-demande est plutôt favorable aux éleveurs. Cela met plus de poids sur la contractualisation aujourd’hui », estime la conseillère d’entreprise.
Sur certains territoires, les surfaces en herbe sont légion, et l’élevage est une façon de les valoriser. Avec la PAC et les enjeux environnementaux, les systèmes herbes sont des systèmes vertueux, « climato-compatibles », selon le Cerfrance, et en adéquation avec les attentes de l’Europe et de l’État français.
Aux jeunes qui souhaitent s’installer, Eugénie Soullard évoque les évolutions environnementales, « il faut en avoir conscience ». Elle cite la prise en compte du carbone, avec un diagnostic. Il convient d’avoir une réflexion en amont : si on est en système tout herbe, peut-on introduire des légumineuses ? Qu’est-ce que cela peut apporter aux rations ? Quels sont les impacts sur la réduction des coûts ? Le futur installé doit aussi penser « santé » à l’heure où l’on martèle qu’il faut manger moins de viande. Quelle est ma volonté ? Quel est mon marché ? Quid de la valorisation, de la commercialisation ? « C’est aussi prendre en compte l’agri-bashing » : sont-ils capables d’entendre toutes ces critiques ?