Viticulture
La ministre de l'Agriculture au chevet de la filière cognac
Annie Genevard était en Charente-Maritime ce jeudi 20 mars au matin pour une rencontre avec les élus, membres de l'interprofession et syndicats agricoles sur le sujet brûlant des taxes que les États-Unis et la Chine prévoient d'infliger à la filière cognac.
Annie Genevard était en Charente-Maritime ce jeudi 20 mars au matin pour une rencontre avec les élus, membres de l'interprofession et syndicats agricoles sur le sujet brûlant des taxes que les États-Unis et la Chine prévoient d'infliger à la filière cognac.

Les sujets qui font consensus sont rares en politique, mais le danger qui pèse sur la filière cognac en fait partie. Députés, sénateurs et élus de toutes les couleurs du spectre politique étaient présents aux côtés des représentants du monde agricole et viticole, ce jeudi matin à Jarnac-Champagne, pour accueillir la ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Annie Genevard.
L'élue du Doubs, en poste à l'hôtel de Varenne depuis quelques mois à peine, n'avait pas encore eu l'occasion de venir découvrir les productions du bassin viticole charentais, et c'est donc par une visite du château Montifaud, hôte du jour, que le déplacement a débuté. Le propriétaire de cette exploitation familiale, Laurent Vallet, lui a fait découvrir les chais, la chaîne d'embouteillage, la distillerie... Tout en glissant ici et là des informations témoignant des difficultés qu'entraînent les menaces de taxes proférées par Donald Trump d'un côté, et par le gouvernement chinois de l'autre.
Le château Montifaud est une exploitation atypique dans la région délimitée ; sans contrat avec les grandes maisons, elle a pour premier marché la Norvège, suivie par les États-Unis et les Pays-Bas. "Les États-Unis, c'est 20 % de notre chiffre d'affaires, la Chine, 5 %", précise Laurent Vallet. Pour ce débouché asiatique, l'entreprise risque d'être ciblée à hauteur de 34,8 %. "Pour l'instant, c'est une caution, mais si c'est mis en place, on ne vendra plus du tout en Chine..." Aux États-Unis, les menaces se font également ressentir.
"Nous avions une commande qui devait partir mardi 25 mars. Elle est prête, et le client a payé d'avance ; mais il nous a appelés lundi pour nous dire de la mettre en stand-by. Il veut attendre le 3 avril, suivant les annonces. Il ne prendra peut-être pas la marchandise et il faudra que je le rembourse."
Selon ses estimations, si les taxes américaines et chinoises sont mises en place, Laurent Vallet pourrait devoir licencier huit à dix salariés sur les quarante que compte l'entreprise. Chez ses collègues viticulteurs qui dépendent davantage de ces marchés, la situation risque d'être encore pire. "J'ai entendu parler de cataclysme, c'est exactement ça : des viticulteurs qui ne vendent plus, vont déposer le bilan, des négociants qui vont licencier énormément. Et derrière, il va y avoir toute la filière : des chaudronniers, des pépiniéristes, des tonneliers, des vendeurs de matières sèches, bouteilles, bouchons, capsules, etc."
Deux stratégies distinctes
En somme, "la pérennité" de la filière cognac "pourrait être compromise par les projets d'augmentation des droits de douane de la Chine et des États-Unis", a résumé Annie Genevard face aux micros de la presse. Une situation grave dont le gouvernement a pris la mesure, a-t-elle assuré. Son déplacement - poursuivi dans le Bordelais l'après-midi - devait témoigner "physiquement" du soutien à la filière de la part de l'État, mais également rassurer sur la stratégie adoptée vis-à-vis des deux puissances économiques.
Sur le dossier chinois, après la fermeté incarnée par l'Union européenne, la France joue la carte de la diplomatie, a expliqué la ministre.
Le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, partira le 26 mars à Pékin pour un déplacement de plusieurs jours avec deux objectifs : le report de la fin de l'enquête antidumping du 5 avril au 5 juillet, et le retour du cognac dans les zones 'duty free', "un débouché extrêmement important", a rappelé Annie Genevard. "Si on sent qu'il y a un réchauffement des relations, cela pourrait conduire à une rencontre à un niveau supérieur." Comprendre que le Premier ministre, François Bayrou, ne fera le voyage en Chine que s'il y a bon espoir de sortir par le haut de ce conflit commercial.
Avec les États-Unis, la situation est différente. "C'est toute la viticulture qui est concernée", a souligné la ministre de l'Agriculture. "On parle d'un préjudice qui pourrait avoisiner les 12 milliards d'euros pour les exportations européennes vers les États-Unis, et, évidemment, la France en prend une très large part." Si le diptyque fermeté et diplomatie sera là aussi de mise, c'est d'abord l'Union européenne qui conduira les négociations, a annoncé Annie Genevard.
"Et nous avons demandé à l'Union européenne à ce qu'on soit très vigilants au niveau de la liste des sanctions, pour que ça ne porte pas préjudice aux filières qui seraient particulièrement exposées, comme celle du cognac."
Une façon pour la ministre d'approuver à demi-mot les représentants de la filière viticole locale, qui dénoncent les mesures ciblant le bourbon américain, à l'origine de l'ire de Donald Trump. Plus généralement, la ministre appelle sur ces dossiers à l'apaisement : "Nous ne voulons pas d'une guerre commerciale qui ne fait que des perdants. Il faut que chacun revienne à une position qui soit raisonnable."