La viande de chevreau à l’honneur
Promouvoir une viande « festive, jeune et toute en finesse » : c’est l’objectif que s’est donné l’opération Goatober, organisée par la Fédération régionale des syndicats caprins et Interbev.
En France, quand on évoque les chèvres, on pense d’abord à leur lait et aux produits qui en sont issus : buchettes, crottins et autres fromages, dont le fameux Chabichou du Poitou. La viande, elle, est devenue marginale, alors qu’elle reste un produit de première importance en Asie ou en Afrique. Ce désamour des consommateurs français a fait par ricochet de l’Hexagone le premier exportateur européen, avec 55 % de la production nationale vendue à l’étranger, notamment dans les pays proches (Italie, Portugal ou encore Suisse).
C’est donc pour valoriser ce « coproduit » de l’élevage caprin que la Fédération régionale des syndicats caprins s’est associée à Interbev pour lancer l’opération Goatober afin de relancer la consommation. « Ce n’est pas dans nos coutumes, nos mœurs, mais pour l’éleveur c’est un débouché », explique Mathilde Garçonnet (animatrice en charge du développement et de la valorisation de la viande caprine à la FRCap). Ce message est aussi celui que veut faire passer Laurent Poupard, qui élève 400 chèvres à Longèves. Si sa production est orientée vers le lait (destiné à la laiterie), il connaît évidemment la viande caprine, qui fait partie des traditions locales. « C’était un produit qu’on faisait pour les fêtes », explique-t-il. Dans l’ex-région Poitou-Charentes, ce produit a mieux résisté qu’ailleurs en raison de l’importance de l’élevage caprin (premier secteur de production au niveau national, surtout dans les Deux-Sèvres). Quatre abattoirs sont agréés, à Chalais (16), Dampierre-sur-Boutonne, Thouars (79) et Lusignan (86).
Une viande maigre de bonne qualité protéique
La rencontre Goatober pour la Charente-Maritime s’est tenue chez un de ses partenaires de travail : Mickaël Martius, qui lui achète des chevreaux depuis une dizaine d’années. Il n’est pas restaurateur, mais charcutier-traiteur, installé dans le quartier du Mail à La Rochelle. Entre les deux hommes, une relation de confiance s’est nouée, chacun connaissant les méthodes de travail et les attentes de l’autre. Mickaël Martius préfère ainsi travailler avec des chevreaux lourds (15 à 20 kilos environ, contre 9 – 11 pour les vifs), qui « sont plus gros, mieux finis ». « C’est une bonne viande, avec de la finesse », commente-t-il en découpant un morceau tout juste sorti du four après cinq heures de cuisson. Une caractéristique que met aussi en avant la Fédération régionale caprine, vantant « une viande de bonne qualité protéique, et maigre comparativement aux plus courantes ».Présentant sa viande avec un clafoutis de butternut et des palourdes (pour associer « produits de la terre et produits de la mer »), Mickaël Martius évoque les difficultés de commercialisation, les préjugés que le chevreau suscite encore chez les consommateurs, et que Goatober cherche justement à combattre. Dans son magasin, la chute des ventes, au lendemain de Pâques, est drastique. Pourtant, la viande aurait aussi sa place à la saison estivale ; la FRCap diffuse ainsi diverses recettes, à base de transformations du produit ou de la viande elle-même (en brochettes par exemple) pour étendre la période de consommation. Autre difficulté rencontrée par les professionnels, l’abattage, qui n’est réalisé que par une poignée de spécialistes.
Alors que le lait de chèvre a les faveurs des nutritionnistes et que ses produits dérivés (notamment pour l’apéritif) se vendent bien, la plupart des cabris partent toujours pour l’engraissage. Les producteurs sont rémunérés à hauteur de 3 € le kilo pour ce débouché, contre 12 à 14 €/kg en vente directe. L’enjeu pour la filière caprine est donc d’offrir, à travers la vente de viande de chevreau, une activité intéressante pour les éleveurs caprins, plus valorisante et plus rémunératrice.