Le dangereux déclin de la nature
150 scientifiques réunis à Paris du 29 avril au 4 mai ont tiré la sonnette d’alarme sur le taux d’extinction « sans précédent » des espèces animales et végétales dans le monde.
La Terre n’en est pas à sa première extinction. Dans l’histoire de la planète, les scientifiques ont retrouvé les traces de plusieurs phases de dépeuplement animal et végétal, dont cinq ‘‘grandes extinctions’’ où plus de la 75 % de la vie a disparu à l’échelle de la planète. Le phénomène n’est donc inédit en soi ; mais il l’est pour ses causes. Cette fois, il ne s’agit pas de volcans ou de météorites, mais bien de l’action d’une espèce de cette même planète : l’homme.
Lors de sa 7ème réunion plénière qui s’est tenue du 29 avril au 4 mai à Paris, l’IPBES (Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les systèmes écosystémiques) a alerté sur cette ‘‘sixième extinction de masse’’. « La santé des écosystèmes dont nous dépendons, ainsi que toutes les espèces, se dégrade plus vite que jamais », a averti le président de l’IPBES, Sir Robert Watson. « Nous sommes en train d’éroder les fondements mêmes de nos économies, de nos moyens de subsistance, la sécurité alimentaire, la santé et la qualité de vie dans le monde entier. »
20 % de baisse en un siècle
La réunion a permis la présentation d’un nouveau rapport sur ces changements de l’écosystème, évaluant le changement au cours des cinq dernières décennies avec des perspectives pour celles à venir. « Depuis 1900, l’abondance moyenne des espèces locales dans la plupart des grands habitats terrestres a diminué d’au moins 20 % en moyenne, indique l’IPBES. Plus de 40 % des espèces d’amphibiens, près de 33 % des récifs coralliens et plus d’un tiers de tous les mammifères marins sont menacés. La situation est moins claire pour les espèces d’insectes, mais les données disponibles conduisent à une estimation provisoire de 10 % d’espèces menacées. Au moins 680 espèces de vertébrés ont disparu depuis le XVIème siècle et plus de 9 % de toutes les races domestiquées de mammifères utilisées pour l’alimentation et l’agriculture avaient disparu en 2016, et 1 000 races de plus sont menacées. » Selon le professeur Josef Settele, « le tissu vivant de la Terre, essentiel et interconnecté, se réduit et s’effiloche de plus en plus. Cette perte est la conséquence directe de l’activité humaine et constitue une menace directe pour le bien-être de l’humanité dans toutes les régions du monde. »En tout, un million d’espèces animales et végétales seraient menacées d’extinction, pour certaines dès les prochaines décennies. Un taux jamais atteint dans l’histoire de l’humanité. Parmi les facteurs expliquant cette perte de biodiversité, la dégratation des sols, qui a réduit de 23 % la productivité de l’ensemble de la surface terrestre mondiale. Le rapport estime également qu’une partie de la production agricole annuelle mondiale est confrontée au risque de disparition des pollinisateurs. La valeur avancée par les scientifiques dépasse les 500 milliards de dollars (US).
Revoir les systèmes économiques
Pour Sir Robert Watson, « il n’est pas trop tard pour agir, mais seulement si nous commençons à le faire maintenant à tous les niveaux, du local au mondial. » L’IPBES évoque donc la nécessité d’un « changement transformateur », un concept portant à la fois sur les aspects technologiques, économiques et sociaux. Pour l’organisation intergouvernementale, il faut agir sur les productions alimentaires et d’énergie, « les infrastructures, la gestion de l’eau douce et des zones côtières, ainsi que la conservation de la biodiversité ». Reste un dernier facteur, de taille : l’évolution des « systèmes financiers et économiques mondiaux », identifiée comme « un élément-clé des politiques futures plus durables », à conditoon qu’elle « s’éloigne du paradigme actuel trop limité de la croissance économique ».