Le Mothais sur feuille rejoint le club des AOC fromages de chèvre
Après un quart de siècle, le Mothais sur feuille a vu son AOC (appellation d'origine contrôlée) validée le 21 novembre. Le fruit d'un travail de longue haleine d'une poignée "d'irréductibles" qui croient en ce fromage savoureux du Poitou méridional.
Après un quart de siècle, le Mothais sur feuille a vu son AOC (appellation d'origine contrôlée) validée le 21 novembre. Le fruit d'un travail de longue haleine d'une poignée "d'irréductibles" qui croient en ce fromage savoureux du Poitou méridional.
Des applaudissements et de l'émotion ont accueilli la prise de parole de Paul Georgelet, ce mercredi 27 novembre, à la mairie de La Mothe-Saint-Héray.
Quelle autre commune pouvait être choisie pour célébrer la validation de l'appellation d'origine contrôlée du Mothais sur feuille ?
"C'est magnifique", a sobrement souri le producteur de Villemain, ardent défenseur du petit fromage au lait cru, à la croûte vermiculée, affiné sur feuille de châtaignier. Avant de rappeler l'historique de ce fromage de chèvre, qui prit de l'ampleur après la crise du phylloxéra, à la fin du XIXe siècle.
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Technique, tradition, persévérance
Après 24 ans de procédures avec l'Inao, le Mothais sur feuille a obtenu l'AOC le 21 novembre, la reconnaissance française avant celle, européenne, de l'AOP, qui interviendra "sous deux ans". Il rejoint ainsi la famille des AOC chèvre de France aux côtés des Valençay, Sainte-Maure-de-Touraine ou encore son cousin le Chabichou du Poitou.
L'essentiel de ceux qui ont cru au dossier et l'ont soutenu des décennies entières était présent ce 27 novembre pour célébrer cette reconnaissance. "Une poignée d'irréductibles qui croient à ce fromage de tradition, dont la recette vient de nos grands-mères", souligne encore Paul Georgelet.
Éleveurs à Messé, Philippe Massé et Christophe Bourbon se réjouissent de la naissance de la 16e AOC française de fromage de chèvre.
Le Mothais sur feuille, qui représente 20 % de leur production, valorise toute la technicité de leur métier de fromager fermier : "La feuille amène ses levures qui rendent le fromage véritablement vivant. Il y a des échanges entre le végétal et le fromage, qu'il faut surveiller. L'aspect crémeux doit être aussi maîtrisé de près".
Une poignée d'irréductibles ont cru à ce fromage de tradition, dont la recette vient de nos grands-mères
Un cahier des chances et trois logos
Successeur de Paul Georgelet à la présidence de l'organisme de défense du Mothais sur feuille, Laurent Bonneau, éleveur à Aigondigné, évoque un "cahier des chances" plus qu'un cahier des charges pour l'AOC.
"Il s'inscrit dans une dynamique d'agriculture durable avec un prérequis de 85 % d'autonomie alimentaire minimum et 120 jours de sortie des animaux par an".
En outre, la ration est sans OGM, l'ensilage et l'enrubannage sont interdits et la part des fourrages doit être supérieure à 60 %. Sont limitées la fertilisation azotée des prairies et la productivité des chèvres (1 000 l/chèvre/an maximum).
Trois étiquettes coexistent désormais : le Mothais sur feuille, le fermier et le fermier avec une chèvre Poitevine dessinée dessus.
La feuille aux mille saveurs
Le maintien de la feuille pour le Mothais a fait l'objet de "deux ans d'analyses pour prouver son innocuité sur le fromage et son rôle pour le goût", rappelle Paul Georgelet. La feuille doit être de châtaignier, et cueillie jaune-marron directement sur l'arbre. "Elle apporte la nature sur un plateau de fromage", évoquent les producteurs, qui attestent aussi que les clients la repèrent et l'apprécient sur les étals.
Certains producteurs cueillent leurs propres feuilles ou font appel à des associations (Ensemble Pays mellois par exemple). Le syndicat de défense du Mothais sur feuille travaille pour sa part avec le lycée agricole Jacques Bujault. Chaque année, ce sont 400 trochées (sorte de long pic) de 1 000 feuilles qui sont garnies par les jeunes apprenants des filières agricoles.
Émilie Wimmer-Bonneau, professeure du CS caprin à Melle, cueillait des feuilles cette semaine avec ses élèves, un travail de deux à quatre semaines au début de l'hiver, qui permet de financer des projets pédagogiques. "Mais au-delà, cette mission crée du lien entre eux et le terroir, ils sont acteurs d'un produit local", souligne-t-elle.
Jusqu'à Parthenay
Le bassin de production comprend tout le sud du Poitou (148 communes en Deux-Sèvres, 35 en Vienne, 33 en Charente, quelques-unes dans les départements 17 et 85).
"Il remonte jusqu'aux portes de Parthenay, conformément aux recherches effectuées, qui ont mis en valeur une même unité de sols argilo-calcaires et des traces de commercialisation sur les marchés très anciennes, relate Paul Georgelet. C'est le territoire qui a fait l'identité de ce fromage".