Le parc d'attraction agricole
La ville a rencontré la campagne, pendant trois jours. On échange, on regarde, on touche, on goûte, on sent, on prend des photos, des vidéos, histoire de garder un souvenir.
Que viennent-ils chercher ? Qu’espèrent ces citadins, le temps d’une matinée, d’un après-midi en fin de semaine, en couple ou en famille, bambins en poussettes ? Un saut temporel dans l’agriculture, renouer avec quelques ancestraux liens avec ce monde-là. Un monde pas si éloigné, simplement de quelques kilomètres. Viennent-ils voir des vaches, alors qu’il suffit d’une balade en voiture pour les voir sur pied dans la campagne ? Assurément. Balade à la ferme fait un peu zoo : des volailles, des lapins, de mignons petits cochons, des grosses vaches, de beaux chevaux. Pas seulement. Quel attrait avait la balade en tracteur, des minutes d’attente pour un selfie à bord ! Comme si être pris pour agriculteur était un must. Un clic et l’on fait le buzz sur le réseau social. Viennent-ils chercher des produits «authentiques»dans l’immense marché fermier entre safran, pineaux, sels, asperges, fromages, yaourts ou pâtes ?
Trois halls pour trois univers différents : animaux ; petits fermiers ; marché fermier, pour trois ambiances singulières. Les éleveurs sont heureux de se retrouver, de partager ces instants ensemble. Éleveurs ovins, caprins, vaches laitières, viande, qu’importe, ils forment une unité. « Nous n’avons plus le salon de Surgères pour tous nous retrouver. Là, c’est l’occasion », peut-on entendre dans les travées.
Les visiteurs se baladent. Sans but précis, regardent, touchent parfois du bout de doigts la croupe d’une Normande, s’approche d’une poule peu récalcitrante, caresse le chanfrein d’un cheval de trait, font des papouilles aux chèvres. Ils goûtent un bout de viande, un morceau de pain, quelques préparations culinaires d’un stand à l’autre. Ils répondent au quiz pour ramener un chapeau siglé d’une banque, un sac arborant le nom d’un négociant en bestiaux, un jeton de caddie des éleveurs engagés, un sachet de pop-corn ou un crayon.
En face, les agriculteurs proposent, tentent d’engager le dialogue, de « caser une ou deux idées » Plus faciles avec des « supports » comme la viande, le lait, les farines ou le greffage. L’instant est fugace. À l’image de la première édition, le monde agricole s’attendait à devoir « répondre », être à même « de se justifier de ses pratiques ». Les arguments étaient prêts. Mais il n’en a été rien. Ou très peu. Les visiteurs ne viennent pas là pour « dire leurs attentes sociales ». Ils sont voyeurs. Les images qu’ils garderont sont celle d’une agriculture dynamique, « moderne », inventive, parfois surprenante, d’agriculteurs et agricultrices souriants, conviviaux. Ils rentrent quelques minutes dans « leur monde », sentiment mêlé de retrouver quelques vieilles connaissances d’origine familiale, de se rassurer sur la qualité de leurs produits. Le temps d’un salon, ils oublient tout ce qu’ils entendent à longueur de médias : glyphosate, OGM, eau, abattoirs… Deux mondes. Une parenthèse dans leur vie d’urbains : environ
15 000 personnes sont allés se balader à la campagne le temps d’un samedi ou d’un dimanche.
Sur le stand du Département, on a organisé notamment un jeu de dégustation, à l’aveugle de vins de pays charentais. Le Domaine Poncereau de Haut et le Domaine des Princes invitent les visiteurs à une dégustation. Les deux viticulteurs expliquent ce qu’est le syndicat de vins de pays charentais, donne le nombre d’adhérents. Une bonne vitrine pour se faire connaître. « Les gens connaissent peu vos vins. Les restaurateurs davantage », explique Cécile Bernard du Domaine des Princes. Quelques curieux s’approchent, un peu intimidés. « Vous allez déguster dans des verres noirs afin que la couleur n’influence pas sur votre appréciation de dégustation », lancent les viticulteurs tout sourire, micro à la main. Reconnaître s’il s’agit de vin rouge, vin blanc ou vin rosé, n’est pas être pas si facile que cela. Entre blanc et rosé, on hésite. Pendant le temps de dégustation, on parle d’arômes, de couleur, de cépages. En peu de temps, il faut aller à l’essentiel, séduire, mettre en avant le savoir-faire. Et espérer que le message transmis se traduise d’ici quelque temps par un achat.