Le sarrasin est le meilleur candidat
Les cultures intermédiaires obligatoires (CIPAN) peuvent représenter une véritable contrainte de travail et de charges, sur le court terme, pour les agriculteurs. Des solutions existent pour rentabiliser plus rapidement cette pratique, notamment avec le projet « 3 cultures en 2 ans ».
Les couverts sont un débat toujours présent au sein du monde agricole, et les expériences sont nombreuses pour savoir comment en tirer profit. Celles présentées lundi 25 mars à Saint-Jean-d’Angély par le conseiller technique de la Chambre d’agriculture régionale Nicolas Ferrand visent à déterminer les meilleures conditions pour produire trois cultures sur deux campagnes, pour « transformer une ‘‘contrainte’’ en opportunité ».
Par rapport à des couverts ‘‘biomax’’, le choix d’une culture à récolter peut sembler moins avantageux pour l’impact sur la qualité agronomique des sols, avec en plus un travail accru. Mais le produit des récoltes peut rendre l’opération financièrement intéressante. Les conclusions présentées par Nicolas Ferrand sont issues de résultats recensés chez les agriculteurs depuis le début de la décennie. Une tendance se dégage : le choix du sarrasin comme culture dérobée. Une décision qui n’est pas due au hasard, selon le conseiller technique. « Sans irrigation, si avec le sarrasin ce n’est pas faisable, ça ne le sera avec aucune autre culture », explique-t-il. En cause, notamment, le besoin en eau moindre de cette pseudo-céréale. Près de 80 % des semences utilisées pour l’expérience sont des semences de ferme, plus facilement rentabilisées que celles de firme. « Pour les trois quarts des expériences, il n’y a pas eu de travail du sol, indique Nicolas Ferrand. C’était surtout du semis direct, avec quelques expériences à la volée. » Les deux-tiers des expériences ont été effectuées sans herbicides (le seul autorisé pour le sarrasin étant le Fusilade Max).
Les résultats ont beaucoup varié selon les années, avec de très bons rendements en 2013 et 2015 (10 à 18 q/ha), des récoltes moyennes en 2011, 2014 et 2017 (5 à 6 q/ha) et très basses (0 à 4 q/ha) en 2010, 2012 et 2016. L’année 2018 n’aurait pas brillé non plus. « La plupart du temps, la récolte était en direct, précise Nicolas Ferrand. Il y a eu du pré-fauchage, mais pas beaucoup. » Des frais de séchage étaient aussi à prévoir. Aucune différence de rendement n’a été notée selon la culture précédant le sarrasin.
Un choix adapté dans le sud du Poitou-Charentes
Ce qui est ressorti des études, en revanche, c’est l’impact des températures et de la pluviométrie sur la réussite de ces cultures dérobées. La quantité d’eau disponible lors du semis (à la date recommandée variable selon les secteurs, mais qui s’établit généralement autour du 1er au 5 juillet à Saintes) et de la floraison en été joue notamment un rôle important. « C’est le critère primordial pour la réussite de la culture dérobée », a révélé Nicolas Ferrand. Les données recueillies (moyennes annuelles de référence sur la période du 21 juin au 20 octobre, entre 1990 et 2017) témoignent d’une sécheresse bien plus prononcée sur les secteurs de Thouars ou de Poitiers. Si en cumul de degrés-jours le sarrasin a atteint son quota pendant les dix dernières années, ce n’est pas le cas pour toutes les cultures testées. Les maïs 1560 et surtout 1600 DJ, par exemple, ont rarement atteint les seuils requis, surtout dans le nord du département.L’association de ces conditions aboutit sur des rendements seuils pluriannuels, à atteindre les bonnes années comme 2015, très variables selon les secteurs. Si pour le sarrasin les 7,5 q/ha de Saintes ou Lusignan semblent relativement atteignables, les 10 q/ha de Thouars ou Poitiers seront sans doute plus difficilement acquis. Et encore faut-il que les prix du marché suivent ; l’idéal étant un prix à partir de 400 €/t pour le sarrasin, ce qui n’est pas toujours le cas. Pour les autres cultures, l’intérêt économique semble encore plus difficile à atteindre. Pour le tournesol, les seuils de rendement pluriannuels vont ainsi de 11 q/ha dans le secteur de Saintes à... 44 q/ha, près de Thouars.
Pas sûr, au final, que ces cultures intermédiaires céréalières ou assimilées, à la rentabilité aléatoire, soient la meilleure piste pour tous les agriculteurs. Selon Nicolas Ferrand, la solution est valable « dans les régions du sud Poitou-Charentes, où il y a des degrés-jours et une pluviométrie suffisante. Ça peut remplacer une culture intermédiaire avec possibilité de récolter. Mais il ne faut pas espérer de rendement régulier. » Le développement des CIVEs (Cultures intermédiaires à vocation énergétique) pourrait, à terme, apparaître comme étant une autre solution pour valoriser le travail de l’intersaison.