Le temps des doléances
Suivant la demande d'Emmanuel Macron, le Préfet de la Vienne a rencontré samedi dernier les représentants de la FNSEA, des JA et de la Coordination Rurale de la Vienne.
Suivant la demande d'Emmanuel Macron, le Préfet de la Vienne a rencontré samedi dernier les représentants de la FNSEA, des JA et de la Coordination Rurale de la Vienne.
L'objectif était sûrement de "déminer" le terrain agricole, et éviter que les blocages entamés dans le sud de la France ne s'étendent. C'est visiblement raté, mais les rencontres qui se sont tenues samedi dernier dans la Vienne (et dans la plupart des départements) entre les préfets et les syndicats agricoles ont eu le mérite de permettre de pointer l'intégralité des difficultés que rencontrent actuellement les agriculteurs.
Pac
Les paiements échelonnés de la Pac ont été évoqués. "Ça a été le bordel. Certains agriculteurs ont eu des soucis avec leur banque" explique Valérie Leau. Cette éleveuse installée à Orches (et également maire de la commune) accueillait la rencontre entre le Préfet et les représentants de la FNSEA, JA et Adiv. Toujours concernant la Pac, la diminution des montants des éco-régimes a aussi été évoquée. "Tout le monde a joué le jeu d'évoluer dans le sens demandé par la Pac, et au final, il y a 20 € de moins par hectare" rappelle Sébastien Berger, président de la FNSEA de la Vienne. "Je suis passé de 7 à 14ha de jachères, sur les 140 de mon exploitation. J'ai donc retiré du maïs et du tournesol, et perdu en production" lance quant à lui François Turpeau. Le président de la Coordination Rurale de la Vienne a reçu le Préfet à son domicile, samedi matin.
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MAEC
L'enveloppe MAEC pour le Poitou-Charentes, initialement prévu à 50 millions d'euros et réduite finalement à 33 millions d'euros a fait d'autant diminuer les aides touchées par les agriculteurs.
Egalim et prix
Les prix de ventes des productions agricoles sont rapidement arrivés. "On n'a aucune visibilité" regrette François Turpeau. "Et Egalim 2, on n'est pas vraiment dedans". Sébastien Berger évoque carrément cette loi comme "le mot qui fâche. Notre coût de production n'est pas pris en compte. On est la seule coopération à envoyer nos produits sans savoir combien ils seront payés".
GNR
"Quand on vend ses céréales à 270€, l'augmentation du GNR pourrait être vivable mais là, tout se cumule" explique Bertrand Lamarche, président de Réseau-Clain, qui participait à la rencontre à Orches.
Contrôles
"J'ai été auditionné par les douanes pour mon activité de viticulteur. J'ai cru qu'on allait me passer les menottes" déplore François Turpeau pour dénoncer la pression que peuvent mettre les agents de l'OFB. "Pour les radars de vitesse, il y a une tolérance de quelques km/h... Mais pas pour nous !" regrette Éric Ménanteau, de la CR. Une pression également dénoncée par Sébastien Berger. "Voir débarquer des gens avec un pétard à la ceinture, il faut que ça cesse !".
Eau
Le sujet qui est le plus revenu, et qui a fait l'objet de plus de commentaires, c'est celui de l'eau. "C'est le point de rupture. On a de l'eau partout dans nos champs actuellement, et quand on parle d'irrigation, on entend des "oui, mais..." La corde est en train de casser" estime Sébastien Berger. Dès cette année, les seuils de l'étude Hmuc pour le bassin de la Creuse vont s'appliquer. "J'ai l'exemple d'un jeune qui veut s'installer dans un élevage dans ce bassin, qui irrigue pour les animaux. Il a découvert en décembre que Hmuc allait s'appliquer. On lui dit quoi ? D'arrêter ?" questionne François Turpeau. "Les filières semences, mais aussi l'élevage, le maraîchage, l'arboriculture et les céréales vont être largement impactées" lance Sébastien Berger. "Il y a 27 producteurs de semences dans la Vienne, si on applique Hmuc sur la Clain, il n'en restera que 5. Et l'usine fermera. Sur le bassin du Clain, l'irrigation, c'est 1 200 emplois". François Turpeau a également rappelé que "développer le maraîchage est souvent une priorité dans les communes, comme dans la mienne. Mais comment faire sans eau ?". Jean-Marie Girier, le préfet, espère quant à lui que "l'eau arrête d'opposer tout le monde", et défend la ligne suivante: "il n'y a pas de radicalité en agriculture, et les modèles ne se changent pas en un clin d'œil. Je sais qu'un agriculteur, c'est une entreprise, et que lorsque les règles changent sans capacité d'adaptation, c'est compliqué. Comme actuellement pour ceux qui ont déjà semé et qui sont concernés par l'application de Hmuc". À François Turpeau qui suggère la réserve d'une réserve en tête de bassin comme à la Grimaudière, il répond par l'affirmative. "Effectivement, en Charente, avec les 2 barrages, il y a régulièrement des lâchers d'eau, et les problèmes sont moindres".
Mais aussi...
Des problèmes d'augmentation d'assurance, des demandes incompréhensibles comme "un chemin carrossable" dans un champ qui va accueillir de l'agrivoltaisme. Une accumulation de problèmes qui aboutit à des déconversions des bio, des arrêts d'activités, de moins en moins d'installations, mais aussi à des suicides. "C'est le même type de situation qu'en 2010-2011, mais en plus fort. Les trésoreries sont à plat" ajoute Nicolas Turquois. Le député participait aussi à la réunion à Orches, tout comme deux autres députés de la Vienne: Sacha Houlié et Pascal Lecamp. À plusieurs reprises, les agriculteurs ont évoqué des trésoreries de plus en plus tendues, et des bilans comptables dans le rouge. Médéric Gourbeau, président de Cerfrance fait le même constat. "Les revenus sont clairement à la baisse, surtout pour les céréales. Les charges sont multipliées par 6 et le revenu divisé par deux". Il ajoute que selon les secteurs, les situations sont tout de même très hétérogènes. "Les dossiers MAEC posent problème, car il manque du financement à beaucoup, qui vont se retourner vers les banques" estime-t-il, avant d'ajouter que les contraintes administratives s'ajoutent à ces préoccupations. Une tendance confirmée par le Préfet. "En 2023, les chiffres d'affaires des entreprises sont à la hausse, en raison de l'inflation. Sauf pour le secteur agricole, où ce chiffre est en baisse de 5%". Des éléments que le Préfet a transmis dès dimanche 21 janvier au ministère de l'agriculture.
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