L'eau, un sujet mobilisateur, que la profession agricole aimerait voir devenir fédérateur
Dimanche 2 septembre, la Fête de la terre aura lieu sur la commune d'Echiré. La manifestation sera l'occasion de revenir sur le sujet de l'eau. Shayna Darak et Jean-Marc Renaudeau, respectivement présidents de Jeunes Agriculteurs 79 et de la chambre d'agriculture, font le point.
Il n'est pas de coutume que de donner un thème à la Fête de la terre. Cette année, pourquoi l'eau s'invite-elle à la table des festivités annuelles ?
Shayna Darak, président de JA79 : L'eau est nécessaire à la vie. Citoyens, consommateurs, agriculteurs se sentent concernés par la disponibilité et la qualité de celle-ci. Ce thème mobilise. Nous aimerions qu'il soit fédérateur. Boire, se laver, arroser son jardin, laver sa voiture, arroser ses cultures, alimenter et abreuver les animaux ; quel que soit l'usage que l'on en fait, parce que nous savons que sans elle, demain, rien est possible, de gré ou de force, nous devons en prendre soin.
De la même manière que les particuliers sont invités à faire attention à ce qu'ils rejettent dans la nature, les agriculteurs sont contraints dans leurs pratiques. Pour que le sujet soit fédérateur et qu'ensemble, nous puissions agir pour que les choses s'améliorent, il est nécessaire de connaître les pratiques et les contraintes de chacun. Stigmatiser ne permet pas d'avancer. Parce que la Fête de la terre fédère au-delà du monde agricole, nous pensons qu'elle est un lieu intéressant pour échanger.
Nous souhaitons, à cette occasion, faire découvrir aux visiteurs les règles qui s'imposent à l'agriculture. Ceux qui pensent que les agriculteurs font ce qu'ils veulent, comme ils veulent, se trompent. Nous composons avec les caprices de la nature et avec les attentes sociétales. Nos entreprises, pour trouver l'équilibre économique, doivent s'adapter en permanence.
Jean-Marc Renaudeau, président de la chambre d'agriculture : Organisée à la sortie de Niort, route de Parthenay, la Fête de la terre aura lieu au coeur d'un territoire qui se trouve au confluent de deux zones de captage d'eau potable. L'une, au nord, suivie par le syndicat des eaux du Centre-Ouest (Seco), l'autre par le syndicat des eaux du Vivier (SEV). Si l'ensemble du département est contraint par les règles visant, via la directive nitrates, à protéger les eaux superficielles ou souterraines, ici, les exigences sont encore plus fortes.
Les agriculteurs protègent les cours d'eau en implantant et entretenant, en périphérie de ceux-ci, des bandes en herbe de 10 mètres de large ; afin de limiter les rejets d'azote, les exploitants font des analyses de reliquats post-récolte. Cette donnée permet d'ajuster la conduite de la culture suivante ; l'épandage d'engrais sous forme de fumier ou d'engrais minéral, est contraint. Les plans de fumure permettent de suivre les besoins de la plante avec des outils d'aides à la décision.
Pour ajuster les apports, plus que jamais, les agriculteurs oeuvrent pour limiter l'impact de la production sur le milieu naturel. Produire, parce qu'en fonction de ce paramètre, nous gagnons ou non notre vie, tout en préservant l'environnement sans lequel nous ne pourrions exercer notre activité, est la finalité de la technique agronomique que développent les agriculteurs au quotidien.
Shayna Darak, vous représentez la jeune génération des agriculteurs, quelles pratiques plébiscitez-vous ? Et vous Jean-Marc Renaudeau ?
S.D : Nous, agriculteurs et nos familles, sommes des membres actifs des communautés qui animent les territoires. Nous entendons et participons aux débats qui font évoluer notre société. Nous argumentons lorsque, à cause de raccourcis, notre profession est l'objet de jugements infondés ; nous évoluons dans notre manière de penser et d'agir lorsque des attentes, légitimes, nous y poussent.
Le travail du sol revient en force ces dernières années, tout comme l'allongement de la rotation des cultures (*). Compte tenu du regard de la société sur la chimie, les agriculteurs délaissent le pulvérisateur quand c'est possible. Quand ça ne l'est pas, ils oeuvrent avec des outils d'aide à la décision. Une intervention doit être faite à la bonne dose et au bon moment. Si c'est le cas, le milieu est préservé.
Mais la société doit aussi comprendre que notre activité est soumise au hasard de la nature. Sans revenu, nous n'existerons plus demain. Pour nous inscrire dans la durée, nous devons sécuriser un certain nombre de points. L'irrigation nous le permet : la constitution de stocks fourragers pour assurer l'alimentation des animaux toute l'année nous y aide ; la lutte contre une attaque de parasites pour protéger une culture peut également s'avérer nécessaire.
J-M.R : Le paramètre économique pèse au quotidien sur nos exploitations. Qui accepterait de travailler sans espoir de vivre de son activité ? La technique nous aide à trouver les meilleurs compromis. L'impact de notre activité sur le milieu, sans lequel nous ne pourrons travailler demain, compte parmi les éléments qui influencent nos choix. Le marché également. Le consommateur, par son acte d'achat, influence indirectement nos mises en cultures, nos productions, également nos pratiques. C'est comme ça que ces dernières années, l'agriculture biologique ou encore la vente directe, se sont développées pour répondre aux besoins. Aux côtés de ces filières différenciées, l'agriculture conventionnelle continue de satisfaire un marché qui, en volume, reste majoritaire. Quand c'est justifié, les agriculteurs adaptent leurs pratiques.
Lorsqu'il est question d'eau, il est question de qualité et de quantité. Vous défendez le projet de création de réserves de substitution sur le bassin de la Sèvre niortaise. Pourquoi ?
J-M.R : L'eau est nécessaire à la vie. Pouvoir l'apporter lorsque la plante en a besoin permet de sécuriser la production. Lorsqu'on connaît des périodes de sécheresse comme les quelques semaines que l'on vient de vivre et qu'au cours de l'hiver précédent, nous enregistrons une pluviométrie aussi forte que celle que l'on a connue de décembre à mai, se doter de stockage, c'est faire preuve de bon sens. Le jardinier stocke l'eau de pluie l'hiver pour arroser ses tomates l'été. Nous sommes dans le même cas de figure. L'eau qui tombe en fin et début d'année s'infiltre dans le milieu. Alors qu'elle est en grande quantité, le projet défend d'idée d'en puiser une partie pour la stocker. Cette partie représente 8,4 millions de mètres cubes pour les besoins agricoles du territoire en question. Entre janvier et juin, sur ce même périmètre, 1 milliard de m3 d'eau est tombé. Je laisse le soin à chacun de juger, selon ces chiffres, de la raison ou de la folie du projet.
S.D : L'installation des jeunes est l'une des lignes syndicales de JA. Il y a des sous-sols qui ont besoin d'être aidés pour produire, il y a des productions - à l'image de l'élevage - qui ont besoin d'être sécurisées pour que des agriculteurs acceptent d'y investir du temps et de l'argent. L'agriculture est un métier de passion. Néanmoins, quel parent laissera son enfant s'engager dans cette voie si aucune perspective économique n'existe ? L'irrigation n'est pas une fin en soi, c'est un moyen. Un moyen de créer de la valeur ajoutée sur des exploitations de taille maîtrisée. En Deux-Sèvres, en moyenne, un agriculteur vit de 72 ha.
(*) Multiplication du nombre d'espèces cultivées sur une période donnée d'une même parcelle.