Santé
Face à l'antibiorésistance, la piste des médecines alternatives
Le problème de l’antibiorésistance conduit de plus en plus d’éleveurs à se tourner vers les médecines alternatives. Leur recours n’annonce cependant pas la fin des vétérinaires dans les élevages. Accompagnement et formation sont préconisés.
Le problème de l’antibiorésistance conduit de plus en plus d’éleveurs à se tourner vers les médecines alternatives. Leur recours n’annonce cependant pas la fin des vétérinaires dans les élevages. Accompagnement et formation sont préconisés.
Aromathérapie, compléments alimentaires, argile ou encore ostéopathie, les médecines complémentaires et alternatives (MCA) se font une place dans les élevages. Dans une étude de l’Institut de l’élevage (Idele), parue le 20 octobre dernier, quelque 56% des éleveurs, ici de veaux, déclarent les utiliser. Leur première motivation est de réduire l’utilisation des antibiotiques (60%), avant de réduire les coûts vétérinaires (49%). Le premier plan ÉcoAntibio a permis une réduction drastique des antibiotiques, de l’ordre de -45% en huit ans (2012-2020). Le recul de l’antibiorésistance atteint désormais un plateau. Pour aller plus loin, le second plan EcoAntibio porte notamment un volet sur les traitements alternatifs.
En pommade…
L’aromathérapie est une des pratiques les plus prisées par les éleveurs (42% d’après l’étude de l’Idele). Pierre Besnard, vétérinaire rural à la clinique Eva à Chiché, s’est formé à la faculté de pharmacie de Rennes, quatre ans après avoir obtenu son diplôme de vétérinaire. « Des éleveurs utilisaient des huiles essentielles (HE), c’était efficace et je ne connaissais pas », explique-t-il ainsi son besoin de formation. Il recommande le plus souvent l’aromathérapie dans la prise en charge de la douleur, pour l’écornage ou une boiterie. « Au lieu de faire une injection, on applique une pommade. C’est moins invasif », observe le vétérinaire.
Les problèmes respiratoires sont souvent traités par ce moyen : « Les HE sont très efficaces contre les pneumonies, à condition d’agir tôt », préconise-t-il. Tous les animaux peuvent en bénéficier, mais dans un cadre réglementaire très strict. Seule une vingtaine d’HE sont autorisées et uniquement sous ordonnance. Cette nouvelle pratique ne va pas chasser le vétérinaire hors de l’étable, pour Pierre Besnard, mais induit une autre forme de collaboration avec les éleveurs qui sont davantage impliqués dans le soin.
…ou dans l’assiette
La ration alimentaire peut être un moyen de prévention santé à part entière. Le fabricant de compléments diététiques Natual, du groupe Techna, propose des bolus à la carte, élaboré à partir d’une analyse des fourrages et des objectifs de l’éleveur. Olivier Guilloteau, technicien Natual en charge d’une trentaine d’élevages dans le sud Deux-Sèvres, en explique le principe : « On part du projet d’une ration et, en fonction de l’analyse des fourrages, on compense les carences en oligo-éléments et en minéraux ». Un lot de plantes est ajouté à la composition et varie chaque semaine pour soutenir une fonction de l’animal : reproduction, digestion, filtres (pancréas, reins), système respiratoire.
Cette démarche cherche, en plus de valoriser le fourrage, à contribuer à la santé des animaux de manière préventive. Pour faire passer son coût plutôt élevé (2000€/t), le fabricant mise sur la réduction des charges vétérinaires. Cet argument a séduit Terry Boulay, polyculteur éleveur de Parthenaises à Prin Deyrançon : « L’éleveur avant moi travaillait déjà avec Natual et j’ai continué parce que je suis satisfait. Je fais très rarement venir le vétérinaire. Je préfère recourir à des produits naturels, c’est mieux pour la santé animale mais aussi humaine ». Proche de l’autonomie, sa ration alimentaire se maintient à un coût raisonnable : « La cantine est à 1,20€/jour chez moi ! »*
Besoin de se former
L’étude menée par l’Idele révèle que 76 % des éleveurs de veaux considèrent que les produits proposés par les médecines alternatives « ne peuvent qu’être bénéfiques pour la santé du veau » ; une affirmation contestée par 58 % des vétérinaires. « Ce sont des produits qui peuvent être dangereux, rappelle Pierre Besnard en référence aux HE, pour les animaux comme pour les hommes. Certaines HE sont cancérigènes, allergisantes… ». Pour sécuriser la pratique, le vétérinaire dispense des formations aux éleveurs. Modes d’administration, précautions et études de cas cliniques ont été abordés le 26 novembre, lors d’une formation organisée par le Civam. « On se réapproprie la médecine de son troupeau. Ça apporte une meilleure compréhension globale de ce qu’on donne aux animaux et des effets sur leur métabolisme », témoigne un jeune éleveur caprin présent.
*Un UGB moyen est compris entre 1,50€ et 2€ selon les fourrages.