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Vins du Thouarsais
Les traditions bien enracinées des vignes du Thouarsais

La confrérie de la Canette des vins du Nord Deux-Sèvres, promouvant les vins du Thouarsais, fêtait récemment ses 60 ans. L’occasion de mettre en avant une production confidentielle élaborée par des passionnés.

620 ha sont cultivés en vigne dans le Thouarsais.
620 ha sont cultivés en vigne dans le Thouarsais.
© H. B.

À l’ombre des coteaux d’Anjou et de Saumur poussent des grappes sœurs de nectar de leurs voisines du Maine-et-Loire. En bout de département, au nord des plaines céréalières du Thouarsais, se perpétue une agriculture marginale dans les Deux-Sèvres. 620 hectares cultivés sur les 460 000 de terre agricole que compte l’ensemble du département par une quarantaine d’exploitants pour une production de 36 000 hectolitres. Les vignerons du nord Deux-Sèvres sont à la fois d’ici et d’ailleurs. D’Anjou lorsque l’on qualifie ou appelle, au sens identitaire du mot, leur production et Deux-Sévriens lorsqu’on les localise.

Agriculteurs de profession mais vignerons de passion

Ils sont garants de leur tradition séculaire. Ils tiennent farouchement à leur assemblage de Deux-Sévriens nourris au sein de l’Anjou. Attachés à ces limites géographiques qui leur ont été imposées par faute de pertinence des territoires et en même temps agrippés à leur identité définie par les limites de leurs vignes, la province de l’Anjou. Une grande partie d’entre-eux a repris l’exploitation de ses aïeux. Pierre Lacroix, aujourd’hui président du Syndicat viticole intercommunal des coteaux du Thouet et de l’Argenton, a transmis son vignoble à son fils, perpétuant ainsi une lignée de quatre générations. Et d’exposer comment il s’est mobilisé avec ses voisins vignerons pour éviter que les terres locales ne tombent en mains « étrangères » ou même pire, que ces repreneurs potentiels de « ses » cépages Nord Deux-Sévriens ne déplacent les vignes.

Trois générations enracinées à Tourtenay pour les Pichot, seuls exploitants possédant l’appellation Saumur du département, qui forment actuellement la relève, descendant de leur arbre généalogique en forme de cépage. Quatre pour les jumeaux Lemoine à Saint-Pierre-à-Champs qui se partagent les tâches. Alain en cave et Gilles dans les vignes. Et le premier tient à préciser que «  sans bon raisin, on n’a pas de bon vin. Et moi je fais du bon vin parce que Gilles s’occupe bien de la vigne ». La dernière des cuvées du domaine porte le patronyme de la plus jeune fille de Gilles, Alexia, née le même jour, le 24 avril, que son père et son oncle.

Tous ou presque vivent leur passion, leur métier, en famille. Du département mais sans considération pour ces frontières qui leur enlèvent leur filiation avec l’histoire des vignobles. Angevins par le nectar mais deux-sévriens d’identité. Agriculteurs mais soudés dans leur domaine. Un peu « à part », résume Pierre Lacroix.

L’appellation plus forte que la localité

Ce qui ne les empêche pas de savoir vers où orienter leur boussole : toujours au Nord. Ils tiennent plus à leur appellation qu’à leur localisation ou plus précisément leur immatriculation. « L’appellation prend le pas sur la localité », tranche Brigitte Pichot. « Nous sommes très attachés à l’Anjou, abonde M. Lacroix. Nous sommes bigames : amoureux de l’Anjou et du Poitou. Nous sommes plus attachés à la notion d’appellation que de département et naturellement tournés vers l’Anjou et le Saumurois ». Cri d’amour pour les contrées du Maine-et-Loire immédiatement suivi d’un laïus sur l’incohérence du département, éternel débat de ces bouts de territoires arrachés à l’Anjou et au Poitou avant d’être assemblés qui ne formeront jamais qu’une entité administrative formelle.

Et pourtant il y a cet attachement viscéral à cette terre, les Deux-Sèvres, qui reste chevillé au corps des vignerons locaux. Ils sont des petits producteurs dans l’Anjou, des petits exploitants dans les Deux-Sèvres. Vivre avec ce double passeport est le difficile jonglage auquel ils doivent s’exercer. Ce qu’Alain Lemoine, dont une partie de l’exploitation mord du côté Maine-et-Loire, résume en une phrase : « On fait d’abord de l’Anjou mais c’est à nous d’appuyer que nous sommes des Deux-Sèvres ». Une idée pas toujours facile à faire passer. « Les gens pensent que les produits ne viennent pas des Deux-Sèvres car nous avons l’appellation Anjou », poursuit Élie Bourdeau, Prieur de la Canette des vins du Nord Deux-Sèvres, une confrérie défendant bec et ongles le nectar départemental.

De l’accord de tous, le vin du Thouarsais est un des meilleurs rapports qualité/prix que l’on puisse trouver sur le marché. Conséquence : la production atterrit directement sur les bonnes tables du département et chez les fins connaisseurs du nectar des dieux.

Même attachement au terroir pour l’ancien député Dominique Paillé, aujourd’hui conseiller à l’Elysée, qui a consacré un excellent ouvrage aux vins deux-sévriens (*) : « Je ne pouvais pas laisser les vins du Thouarsais demeurés inconnus. Je veux prouver que le domaine est de qualité. On ne vit pas heureux lorsque l’on vit caché ». Lutter pour exister pourrait être le credo des vignerons du Nord Deux-Sèvres, leur leitmotiv. Comme ce fut le cas lors des délimitations des domaines d’appellation au début du siècle dernier. Une appellation VDQS Vins du Thouarsais existe bien mais elle n’a pas la renommée des AOC.

La bataille AOC

D’abord rejetés du domaine de l’Anjou par les organismes d’appellation, les viticulteurs thouarsais, rassemblés sous la bannière du Syndicat viticole de Bouillé-Loretz, obtenaient leur précieux sésame AOC en 1930, devant le tribunal d’Angers.
Des luttes similaires furent menées une vingtaine d’années plus tard, lors de la remise en cause de leur appartenance à l’AOC Anjou. Les viticulteurs avaient bien compris que leur survie tenait à la conservation du label, avant que la cartographie définitive des AOC ne soit entérinée par décret en 1954. Les contrôles de l’INAO sont là pour se porter garants et veiller à ce que les vins du Thouarsais soient dignes de l’appellation qui leur est confiée. Des contrôles drastiques auxquels ils semblent plus soumis que leurs voisins, du fait de leur petit nombre, confie Alain Lemoine.

Une attention toute particulière à cette obligation de qualité a conduit les exploitants du Thouarsais à optimiser leur production et à toujours avancer vers le meilleur. « On fait en sorte que le grain de raisin soit de plus en plus sain », glisse le vigneron de Saint-Pierre-à-Champs. « Les viticulteurs ont fait beaucoup de progrès pour faire plus de qualité que de quantité », atteste Élie Bourdeau.

Résultat, de l’accord de tous, le vin du Thouarsais est un des meilleurs rapports qualité/prix que l’on puisse trouver sur le marché. Conséquence : la production atterrit directement sur les bonnes tables du département et chez les fins connaisseurs du nectar des dieux. Chaque litre écoulé est une bataille gagnée. Chaque bouteille frappée de l’étiquette d’un domaine des Deux-Sèvres qui passe les frontières est une conquête. Ainsi va la vie de ces passionnés, qui se battent pour exister en tendant vers la qualité pour un jour se faire une place au soleil.

(*) « Les Deux-Sèvres, l’autre pays du vin », paru chez Geste éditions en 2006

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