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Les utilisateurs jugent urgent de faire avancer la politique de l’eau

De nombreux projets de stockage restent en souffrance, d’après la filière semencière et Irrigants de France. Une instruction de Ségolène Royal en juin dernier change les règles du jeu. Elle reçoit un accueil mitigé.

Ll faut une réelle politique de stockage », a déclaré Jean-Luc Capes, président du groupe Eau de la Fnsea, en marge du colloque “Eau et semences : des ressources pour l’avenir”, du 30 septembre. « Ça ne bouge plus depuis huit ans » concernant la création de ressources en eau. Pour preuve, seule 10 % des enveloppes de financement sont consommées dans son bassin Adour-Garonne, d’après lui.
« Une diabolisation de l’agriculture, de la recherche et l’innovation, de l’irrigation est apparue en dix ans », s’est-il exprimé avec sa casquette de président de Maïsadour Semences lors d’une table ronde. « C’est un peu comme les OGM, victimes d’une guerre de religion animée par des sectes », a lancé Jean-Luc Capes, déclenchant les applaudissements de la salle.

Des projets devenus rares
Céline Imart, vice-présidente des Jeunes Agriculteurs, a déploré une « résignation » des agriculteurs, leurs projets sur l’eau se heurtant à des difficultés financières, administratives, sociétales. Exemple : pour une exploitation comme la sienne, l’étude préalable coûte 20 000 à 30 000 euros. « Irriguer est devenu une grosse galère », a-t-elle relevé. « Ça passe très mal sur le plan sociétal, l’irrigation étant associée à l’agriculture intensive, au maïs. [...] Un gros blocage idéologique » sévit d’après elle dans « les instances, où il n’est pas de bon ton de parler ouvrage, retenue d’eau. » Résultat : les projets sont de plus en plus rares. « Au sein du comité de bassin (Rhône-Méditerranée), le débat sur l’usage agricole de l’eau s’est durci », a noté son président Michel Dantin, également député européen. Le collège des élus se montre « plutôt rétif vis-à-vis de l’irrigation », ayant « une culture plus urbaine » et « une moins grande compréhension à l’égard des agriculteurs ». Ce n’est guère mieux dans le collège des usagers : « L’agriculture n’a plus dans l’opinion la même perception ».

Un accès à l’eau stratégique
Dans un communiqué, les organisateurs du colloque soulignent l’enjeu stratégique de l’accès à l’eau pour l’agriculture française. « La profession travaille à une gestion de l’eau responsable et respectueuse des milieux aquatiques permettant à chaque usage et à chaque utilisateur d’en bénéficier ». Si l’irrigation concerne en France 5,8 % de la surface agricole utile, elle couvre 37 % des superficies consacrées aux semences. « L’eau est un des moyens les plus importants d’assurer la qualité de germination, a souligné Benoît Faucheux, représentant de la Fnams (Fédération nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences). Pour une production à haute valeur ajoutée comme la semence, on ne peut pas se permettre de prendre de risque » sur la ressource hydrique.

Levée de moratoire
La fin du moratoire de 2012 sur le stockage de l’eau ouvre de nouvelles perspectives aux projets d’irrigation. Une instruction de juin dernier signée par Ségolène Royal rend de nouveau possible leur financement par les agences de bassin, dans le cadre de projet de territoire. « La situation n’est pas facile mais peut commencer à évoluer », a estimé Laurent Roy, directeur général de l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse, dont le projet de Sdage (Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux) fixe « une nouvelle règle du jeu qui n’est pas anti-irrigation ». « On est favorable au concept de projet territorial », a déclaré Jean-Luc Capes. Avant d’afficher quelques réserves sur l’instruction de Ségolène Royal : « Pour les premières pages, ça va… les annexes sont elles sujettes à interprétation ». Même sentiment chez Céline Imart. « Il faut être économe en eau, donc on nous parle de baisser la grosseur de gâteau, a-t-elle dénoncé. J’y vois de la décroissance ». 
François Mitteault, le tout nouveau directeur de l’eau et de la biodiversité au ministère de l’Ecologie, a déploré « un mode de fonctionnement insatisfaisant avec le monde agricole » car basé « sur une gestion de crise », « un rapport de force ». « Mon objectif à court terme, c’est comment instaurer un nouveau type de fonctionnement », a-t-il dit, appelant à « s’entendre sur des objectifs partagés ». « Chiche », lui a répondu le président de la Fnsea Xavier Beulin.

En Poitou-Charentes, «on a envie d’espérer»

Parmi les intervenants de ce colloque, Luc Servant est venu faire part de l’expérience du Poitou-Charentes. Président de la chambre d’agriculture de Charente-Maritime et de celle du Poitou-Charentes, il regrette que « les choses n’avancent pas en région » en matière de retenues de substitution. Après avoir écouté les retours d’expériences notamment, dans le Tarn et Garonne, il est convaincu que « quand il y a un engagement politique local, les choses peuvent évoluer dans le bon sens. Malheureusement, en Poitou-Charentes, on part avec un retard important ». L’agriculteur ajoute que la décision de Ségolène Royal, prise en juin dernier, d’autoriser les financements des retenues de substitution par les agences de bassin, va évidemment dans le bon sens. « On a le sentiment que les choses commencent à bouger, et on a envie d’espérer ». En région, plusieurs dossiers arrivent d’ailleurs en fin d’instruction en Charente-Maritime et Deux-Sèvres. Sur la Boutonne, une vingtaine de retenues, soit un peu plus de 3 millions de m3 sont en projet. « Nous arrivons au stade de l’enquête publique. Nous allons voir comment se passe la suite ». Si tout se passe bien, les premiers coups de pioche pourraient intervenir dès 2016. Même s’il se veut optimiste, impossible pour le président de la chambre régionale d’agriculture de ne pas rester prudent. « Les Sdage, qui devraient être validés d’ici la fin de l’année laissent planer quelques inquiétudes » explique Luc Servant, avant d’évoquer des freins aux remplissages hivernaux pour le Sdage Loire Bretagne.
Des retenues de substitution qui restent pourtant primordiales pour l’irrigation, et donc la production de semences. « On ne peut pas espérer garder nos contrats de production de semences avec des régimes dérogatoires d’irrigation. Il faut des solutions pérennes pour que les semenciers ne se désengagent pas ». Et l’agriculteur de rappeler l’intérêt de la production de semences pour les agriculteurs. « C’est une valeur ajoutée importante, et donc une valorisation importante de l’irrigation ».

Élisabeth Hersand

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