Maladie de Lyme : « La grande imitatrice » est en Deux-Sèvres
La présence de tiques et de la maladie de Lyme, dont les tiques peuvent porter les bactéries, est attestée en Deux-Sèvres. L’éleveur de chèvres Olivier Danel, de Villiers, sur la commune de Mauzé-Thouarsais, est atteint depuis 2006. Il témoigne.
Olivier Danel, 39 ans, est éleveur caprin (320 chèvres alpines en hors-sol) depuis décembre 2006. Il a repris un atelier existant après avoir officié trois ans et demi en tant que conseiller caprin au contrôle laitier de l’Indre.
Il a hésité à témoigner car « il ne veut pas passer pour quelqu’un qui se plaint ». Sa maladie de Lyme est reconnue comme maladie professionnelle depuis 2006. En 2016, il a dû lutter pour que cette reconnaissance soit renouvelée, alors que les maux dont il souffrait, les mêmes que dix ans auparavant, étaient plus prononcés. La persistance du syndrome n’est pas encore admise par tous les infectiologues, ni donc par tous les médecins, en France.
« Je me faisais piquer régulièrement par des tiques. Je rentrais régulièrement avec plusieurs tiques, que je retirais sans trop en faire de cas, ne connaissant pas la maladie de Lyme, avant 2006. Je n’ai jamais eu d’érythème migrant (le premier symptôme recherché, NDLR) après une morsure de tique », débute Olivier Danel.
Fatigue, suées et migraines
C’est lors de la visite annuelle de contrôle de la médecine du travail, en 2006, que le médecin remarque qu’Olivier a perdu beaucoup de poids. Olivier cumule différents symptômes qui font penser au docteur à une maladie de Lyme : il est très fatigué, il transpire régulièrement intensément la nuit « à en tremper le matelas », il a de la fièvre, de violentes migraines.
Le médecin prescrit à Olivier une prise de sang pour un test ELISA et un western blot (permettant la détection et l’identification d’anticorps et de protéines spécifiques) qui s’avèrent tous deux positifs mais qui ne permettent pas de dater le moment de l’infection… « qui n’était pas récente, pour sûr, ajoute Olivier. L’erreur que j’ai faite est de ne pas avoir consulté lors des premiers symptômes ».
Olivier prend un premier traitement à l’amoxicilline (un antibiotique) pendant trois semaines mais son état se dégrade encore (ce qui est « normal », selon des médecins spécialistes de la maladie de Lyme, dont le célèbre Christian Perronne, de Paris-Garches). « Je commençais à souffrir de plus en plus des jambes – brûlures aux articulations et douleurs lancinantes, les coups de suées étaient de plus en plus fréquents et la fatigue intense s’accentuait ainsi que les migraines : à en vomir », détaille Olivier. Suite aux trois semaines de traitement, le médecin prescrit un arrêt de travail à Olivier : « les douleurs ne se limitaient plus aux jambes, je commençais à me paralyser du côté droit : bras, main et jambe ». Le traitement prescrit alors est de la Rocéphine (un antibiotique) en injection quotidienne pendant trois, quatre semaines. « Au bout de ce traitement, les douleurs étaient moins fortes mais je n’avais pas récupéré totalement. C’est à ce moment-là que je me suis installé dans les Deux-Sèvres, mon projet déjà lancé avant qu’on découvre que j’étais atteint de la maladie de Lyme », précise Olivier.
À terre
De 2007 à 2016, Olivier Danel passe par des périodes de fatigue et de migraines moins notables qu’en 2006 : « il faut apprendre à vivre avec », dit-il. Mais, en juin 2016, c’est la rechute. « Ça a commencé par un état de fatigue intense puis des douleurs aux jambes. Les articulations – chevilles, genoux, hanches – brûlaient, surtout la nuit », se souvient-il. Son sommeil n’est pas réparateur : impossible de se reposer correctement. « À la chèvrerie, je commençais à tomber car ma jambe droite ne me tenait plus, par moment », atteste-t-il. Il s’arrête de travailler. « Je n’arrivais plus à marcher ou très difficilement », témoigne Olivier. Son médecin traitant lui prescrit des antidouleurs et des antiinflammatoires. À l’hôpital de Tours où il est envoyé, en maladies infectieuses, un interne lui dit qu’il « invente ses symptômes ». Olivier est dégoûté. Après trois mois d’arrêt, durant lesquels deux salariés le remplacent, il va un peu mieux et reprend. « Depuis, physiquement, ça reste compliqué : les périodes plus difficiles avec des douleurs aux jambes sont cycliques, j’ai une sensation de fatigue continue, parfois elle se fait intense, des migraines de temps à autres », décrit le chevrier. La canicule ne l’aide pas.
L’éleveur cherche qui pourra le soigner. Le docteur Christian Perronne, débordé de patients, conseille aux malades de contacter l’association France Lyme. Près de 300 médecins sur le territoire considèrent que les symptômes de la maladie peuvent être persistants et que, si la maladie de Lyme est due à la bactérie Borrelia, d’autres bactéries affectant les animaux (Babesia, Anaplasma, par exemple) pourraient aggraver sur l’homme le syndrome. Dans l’Indre, certains appellent la maladie de Lyme, « la grande imitatrice », d’où le titre de cet article, parce que les symptômes ressemblent à ceux d’autres maladies : « elle s’attaque à nos faiblesses », résume Jonathan Crogiez, chevrier à Lignac.
La maladie de Lyme divise
Sujet complexe que celui de la maladie de Lyme. En France, les débats autour de celui-ci créent bien souvent la polémique. Ce début août, d’ailleurs, l’association France Lyme, association de lutte contre les maladies vectorielles à tiques, portait plainte contre la Spilf, la Société de pathologie infectieuse de langue française. Cette dernière, refuse de faire évoluer la prise en charge de la maladie transmise par les tiques au motif que beaucoup de patients soignés pour Lyme sont aussi atteints d'autres pathologies, ce qui, juge la Spilf, retarde un traitement adapté. Ainsi, ce printemps, elle publiait un document qui va à l’encontre des recommandations de la Haute Autorité de la Santé. « Elle nie toute forme chronique et persistante de la maladie de Lyme et co-infections éventuelles », juge France Lyme qui en empruntant la voie juridique veut « pousser un vrai coup de gueule pour que l’état de santé de nombreux patients soit pris au sérieux ».