Débat autour des Néonicotinoïdes
National ou local : le sujet divise
L’Assemblée nationale a adopté le « projet de loi relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières », lors d’un vote solennel par 313 voix pour, 158 contre et 56 abstentions. Toutefois, seuls 175 des 271 membres du groupe macroniste ont dit oui au texte : 32 députés LREM ont voté contre et 36 se sont abstenus. L’ensemble de la gauche s’est exprimé contre, une majorité des LR et MoDem pour, mais la plupart des groupes sont partagés sur la question.
Afin de lutter contre la jaunisse de la betterave, le projet de loi rouvre la possibilité de dérogation pour l’emploi de néonicotinoïdes jusqu’en 2023. Il prévoit des garde-fous, comme la création d’un conseil de surveillance et l’interdiction, sur des parcelles où ont été utilisés ces insecticides, d’implanter des cultures mellifères. Dénoncé comme « un renoncement » ou une faute par la gauche et les écologistes, le retour des néonicotinoïdes est la seule « alternative », selon Julien Denormandie. Le projet de loi sera être examiné au Sénat en première lecture.
Au niveau local, le sujet divise autant qu’au niveau national. Pour Grégory Nivelle, de la Fnsea 79, ce vote tient compte de la réalité du terrain. « On ne peut interdire sans proposer de solutions », insiste le responsable syndical, s’offusquant par ailleurs que l’interdiction imposée aux producteurs français ne le soit pas au-delà des frontières. « Si la molécule est dangereuse, arrêtons d’importer des produits sur lesquels elle a été utilisée. C’est une concurrence déloyale qui affaiblit la Ferme France ».
À la Coordination rurale, Michel Germond est sur la même ligne : « Cultiver sans chimie est probablement possible. Mais vivre de cette activité est, compte tenu du peu d’alternatives offertes sur cette culture, beaucoup plus difficile ».
La Confédération paysanne, quant à elle, voit dans ce vote une nouvelle application des recettes de l’ancien monde. « La libéralisation du marché dans les années 90 a fait chuter les prix. Pour faire face, les agriculteurs ont produit plus. On a créé un déséquilibre dans la nature. Plutôt que travailler la construction d’un cadre économique de production qui, sécurisant l’activité, permettrait la déconcentration, on ré-autorise un produit qui laisse des traces sur la biodiversité », se désole Benoît Jaunet.