Réserves de substition
« Nous faisons un pari collectif, au lieu de camper sur nos positions »
Malgré un recours en justice qui ralentit son avancée, le projet des seize réserves sur le bassin Sèvre-Mignon prend peu à peu corps à travers son volet biodiversité. Rassemblés le 7 mars à Mauzé-sur-le-Mignon, ses acteurs ont planté 220 m de haies.
Malgré un recours en justice qui ralentit son avancée, le projet des seize réserves sur le bassin Sèvre-Mignon prend peu à peu corps à travers son volet biodiversité. Rassemblés le 7 mars à Mauzé-sur-le-Mignon, ses acteurs ont planté 220 m de haies.
Un amandier ici, un prunellier à côté, un peu plus loin, un pommier : la grosse trentaine de planteurs rassemblés en cette matinée du 7 mars sur la parcelle de Basile et Samuel Baudouin, à Mauzé-sur-le-Mignon, mettent du cœur à l’ouvrage. Cette action, qui sera suivie d’un chapelet d’autres (plantation de haies mais aussi création de zones humides, bandes enherbées...) dans les prochains mois prend place dans les schémas directeurs de biodiversité intégrés au protocole d’accord de décembre 2018. Même si ce premier schéma est encore à l’état de test – dans l’attente de sa validation par le comité d’évaluation et de surveillance qui chapeaute l’ensemble du projet de réserves –, ses actions de terrain constituent déjà un signe positif pour Yanik Maufras, président de Deux- Sèvres Nature Environnement. « Ces haies sont une façon de recréer une chaîne de biodiversité et une trame paysagère, à partir de l’existant, pour protéger ou faire revenir les espèces “parapluies”, qui sont gages de qualité et de préservation d’un biotope. Les schémas directeurs laissent en outre de la latitude aux agriculteurs pour choisir leurs actions environnementales. Cela se joue dans la confiance. L’idée est de garder là aussi une diversité, d’agriculture et d’agriculteurs ».
L’irrigation, une nécessité
Parmi les 200 à 220 irrigants adhérents à la Coop de l’eau, ces contreparties environnementales ne rencontrent pas toujours une pleine adhésion. Néanmoins, elles offrent l’avantage de moments d’échanges entre agriculteurs. « Nous ne nous rencontrerions pas forcément autrement », avoue Basile Baudouin. La plantation du jour, qui se déroule sur ses terres, représente pour lui un moment convivial, une économie financière et de main-d’œuvre (Prom’Haies fournit les arbres, le parc régional du Marais poitevin les finance*) et une action qui rejoint ses convictions. « Je pratique l’agriculture de conservation des sols et lorsque je me suis installé, je ne souhaitais pas irriguer, souligne le jeune agriculteur. Mais je me suis rendu compte des différences de rendements : je sortais 7 t/ha de luzerne pour nourrir nos 400 chèvres au lieu de 14 t, ce qui m’obligeais à acheter des granulés de soja. Je me suis alors rapproché de la Coop de l’eau pour irriguer. Le projet des réserves me grignotera 1,5 ha de surface mais me permettra de faire près de 30 000 € d’économies, et de préserver nos emplois à mon frère et moi ». Si Basile reconnaît que certains irrigants demeurent réticents au projet, les rencontres répétées entre tous les acteurs sont à ses yeux constructives et peuvent faire bouger les mentalités.
En phase transitoire
Du côté de la Coop de l’eau, on se réjouit de cette mise en œuvre du protocole, une première en France, assortie de mesures environnementales accompagnées dans la durée. Mais la gestion de l’eau demeure un sujet sensible qui génère de vives réactions comme celle, exprimée dans un communiqué du 9 mars, d’Europe écologie les verts, fustigeant des « subventions publiques qui favoriseront encore 80 % d’agriculture conventionnelle. Alors que dans ce secteur de nombreux agriculteurs ont su s’adapter aux conditions du territoire, sans ou avec peu d’irrigation, dans le respect de conditions agronomiques adaptées aux sols ».
Le recours déposé en mai contre l’autorisation unique de prélèvement illustre lui aussi les tensions qui subsistent. L’appel déposé en juillet par le ministère de la transition écologique et solidaire n’a pas encore été jugé. La demande de sursis à exécution, déposée en même temps, a quant à elle été rejetée. Dès cette année et jusqu’en 2021 (à moins que l’appel n’aboutisse), les volumes attribués devraient baisser de 42 % (moyenne du volume consommé sur les dix dernières années). La commission de prélèvement de l’Établissement public du Marais poitevin, réunie lundi dernier, a voté à l’unanimité syndicale contre l’application du plan annuel de répartition. Il en sera de nouveau question lundi 16 mars lors du conseil d’administration de l’EPMP, qui devrait être animé.
(*) Dans le cadre de trame verte et bleue. Pour les communes du projet situées hors du parc, le Conseil départemental assurera en partie le financement.