Diversification
Père et fils se lancent dans la culture de framboises à grande échelle
Face à une difficulté croissante à valoriser la production de céréales, Philippe Dinais s’oriente vers des cultures mieux adaptées à ses terres et à son climat, dans la plaine thouarsaise.
Face à une difficulté croissante à valoriser la production de céréales, Philippe Dinais s’oriente vers des cultures mieux adaptées à ses terres et à son climat, dans la plaine thouarsaise.
Sous le soleil matinal, encore doux, d’un mois d’août tirant sur sa fin, les petites mains saisonnières cueillent avec délicatesse les framboises. Les plus belles ont l’honneur d’être déposées dans des barquettes, tandis que les moins jolies finissent sur un plateau, destination la transformation. Cette parcelle de fruits rouges se situe à Plaines-et-Vallées, sur l’exploitation agricole de Philippe Dinais, céréalier proactif.
Dans un contexte de plus en plus tendu pour produire des céréales, l’agriculteur planche depuis plusieurs années sur des productions d’avenir. La question redondante de l’irrigation, dans un secteur historiquement sec, l’interroge sur sa manière de gérer l’eau. L’installation future de son fils, Pierre Dinais, bouscule aussi ses références : « Il amène une vision complètement différente. À mon époque, à l’école, on nous apprenait à produire pour nourrir. Lui a appris à prendre en compte le changement climatique, à s'occuper de la nature et plus seulement de la production », nuance-t-il.
Si nous comparons nos rendements avec les moyennes régionales ou nationales, nous constatons que nous sommes toujours en-dessous"
Cette différence par rapport au système céréalier classique, Philippe a commencé à la mettre en pratique par la conversion en agriculture biologique de l’exploitation, il y a quatre ans. L’arrivée de la loi Egalim l’a conforté dans cette transition. « Il y a une tradition céréalière ici. Nous avons tous les interlocuteurs autour de nous. Mais si nous comparons nos rendements avec les moyennes régionales ou nationales, nous constatons que nous sommes toujours en-dessous. La céréale n'est donc pas la production la plus appropriée à ce terroir ».
S’adapter au contexte pédoclimatique
Après les 60 ha de betterave fourragère, les 11 ha de légumes de plein champ, l’agriculteur s’est tourné du côté des petits fruits, sous la suggestion de son gendre, pâtissier de profession : « Il m’a appris que la framboise était très recherchée dans le secteur de la pâtisserie. En local et en bio, on en trouve peu. La France est dépendante de l’étranger ».
Pour confirmer son choix, Philippe s’est avant tout posé la question : « Qu’est-ce qui peut pousser dans mes terres, avec ce climat ?» Des sols argilo-calcaires ou sablo-limoneux selon les parcelles et un climat sec, sans embruns. Les arbres à petits fruits aiment les sols avec peu de calcaire et ne sont pas gourmands en eau. « Ils préfèrent chercher l’eau dans le sol plutôt que de la recevoir du ciel, car la pluie pénalise la conservation des fruits », explique le cultivateur.
On souhaite se démarquer par rapport à la qualité gustative des fruits."
Pour « se faire la main », il a planté un hectare de framboises, mûres et groseilles, dans sa parcelle consacrée aux tests de nouvelles cultures. La première "vraie" récolte a eu lieu cette année, deux ans après la plantation. « De mai à juillet, ce sont les framboises annuelles qui sont récoltées. D’une meilleure qualité gustative que les framboises remontantes, elles poussent en palisse et nécessitent une taille. Les remontantes se récoltent dès la fin du mois d’août et jusqu’aux premières gelées. On les broie à la fin et elles repoussent », décrit Philippe, qui laisse la main à son fils sur l’itinéraire cultural. « Je m’intéresse aux différentes variétés, témoigne Pierre. On souhaite se démarquer par rapport à la qualité gustative des fruits ».
Bientôt 30 hectares de framboises
La petite parcelle dédiée à la culture va s’agrandir à partir de l’hiver prochain. Les Dinais ont trouvé un marché avec Fruits Rouges & Co, un grossiste national implanté dans l’Aisne. Forts de ce partenariat, ils se lancent dans la plantation de 30 hectares de framboise. « Une telle surface est nécessaire pour récolter avec une machine. Notre ambition n'est pas de produire en quantité, mais en qualité. Pour cinquante ares, il y a besoin de douze personnes pour récolter manuellement, c’est très long ».
Le besoin en main-d’œuvre sera tout de même présent. « Je sais qu’il est difficile de recruter. Je ne m’arrête pas à ce frein », lance l’agriculteur, qui a déjà économisé des bras en fabriquant lui-même une planteuse. Il aimerait obtenir une subvention pour la plantation, comme les viticulteurs.
Fruits Rouges & Co accompagne les novices en framboises, seuls dans le secteur à faire cette production. Le grossiste récupérera 75 % de la récolte et les 25 % restants seront commercialisés en circuit court.
S’il a sous-traité la fabrication des premiers pots de confitures et de gelées, Philippe ambitionne de monter une usine de transformation avec la marque Au’B'io. Les plus belles framboises se retrouveront sur les pâtisseries haut de gamme et les desserts des restaurants gastronomiques. Celles présentant des défauts seront orientées vers l’usine. Pour tous ces débouchés, le local sera la norme, souhaitent les agriculteurs.