Pesticides : les médecins lanceurs d'alerte font salle comble à Cognac
Plus de 200 personnes se sont déplacées à La Salamandre à Cognac pour entendre l’exposé des docteurs Périnaud et Mazé. Ils tirent la sonnette d’alarme et remettent en cause le système d’autorisation de mise en marché des pesticides, notamment à propos des perturbateurs endocriniens.
Le collectif Vigilance OGM et Pesticides 16 a frappé un grand coup en invitant les docteurs Jean-Michel Périnaud et Joseph Mazé le 3 novembre 2015 à la Salamandre à Cognac. Après être venus à Soyaux, l’an dernier, les deux médecins ont présenté leur analyse et les idées portées par leur association "Alerte des médecins sur les pesticides" au cœur même du vignoble de l’illustre eau-de-vie. Le pari est réussi avec la présence de plus de 200 personnes pour écouter les conclusions et le cri d’alerte des deux protagonistes. La preuve que même si le sujet demeure éminemment scientifique et complexe, il intéresse, interroge… et inquiète de larges pans de la population.
Perturbateurs endocriniens
Tout au long de leur présentation, les deux médecins n’ont pas manqué de rappeler que la France est le troisième consommateur mondial de pesticides, et le premier en Europe avec un tiers des tonnages utilisés. Ils ont parlé de l’échec retentissant des objectifs du Grenelle de l’environnement et du premier plan Ecophyto qui voulait réduire de 50 % l’utilisation de pesticides. Un lien fort est désormais établi entre les pesticides et certaines maladies comme le cancer de la prostate, la maladie de Parkinson, le myélome, le lymphome non hodgkinien et les glioblastomes. « Avec une sur-mortalité significative dans les territoires de vignes », selon Jean-Michel Perinaud. Ils ont aussi évoqué la dissémination dans l’air, les sols et les eaux de produits tels que le glyphosate ou l’atrazine, pourtant interdite depuis 2003 pour cette dernière molécule. Sur les 73 produits utilisables dans le vignoble plus d’une vingtaine est suspectée CMR, Cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques et 15 sont des perturbateurs endocriniens. Ces derniers préoccupent particulièrement l’association car ils sont soupçonnés d’être l’une des causes de recrudescence de plusieurs troubles comme l’infertilité, les cancers hormonodépendants, l’obésité ou les pubertés précoces. Leurs effets ne dépendraient pas de la dose mais de la période d’exposition et ils ne sont pas linéaires mais s’ajoutent à d’autres substances, avec un effet cocktail qui n’est pas pris en compte dans l’évaluation pour la mise en marché des produits. Par ailleurs, les conséquences seraient transgénérationnelles avec des effets sur les enfants des femmes enceintes.
Jean-Michel Périnaud a critiqué le « discours dominant de maîtrise des risques » et le problème de la mise en marché de substances toxiques parlant de « conflits d’intérêt » à propos des études réalisées, ajoutant que « la recherche publique était peu prise en compte ». Depuis cette année, l’autorisation de mise en marché a été transférée du ministère de l’Agriculture à l’Anses, Agence nationale de sécurité alimentaire. Pour le médecin, la question de l’expertise est posée, notamment celle de la place dominante de l’épidémiologie dans la méthode d’évaluation.