Plantes compagnes du colza : des intérêts peu valorisés
En France, entre 10 et 15 % des surfaces de colza sont conduites en association. Si l'intérêt environnemental de cette technique est prouvé, la rentabilité n'est pas encore suffisante pour massifier la pratique.
À force de restreindre les outils phytosanitaires pour lutter contre les ravageurs et les adventices, les adaptations culturales vont devenir les seuls leviers d'action. L'association de plantes à un colza en est une.
Sur les 70 producteurs (principalement du grand Ouest) interrogés dans le cadre du projet Assoprotect (2024-2025, 11 chambres d'agriculture, Fdgeda, Terres Inovia...), 69 % d'entre eux y voient un levier efficace contre les ravageurs plus que contre les adventices (39 %), d'où le choix de sélectionner des parcelles à faible pression. Ces colzas sont produits en majorité par des céréaliers conventionnels, en travail du sol simplifié, qui se sont lancés dans la pratique depuis quelques années seulement (74 % depuis moins de 6 ans).
Un impact sur la pression des ravageurs
Les associations sont généralement composées d'une ou deux variétés (58 % des interrogés). Le fenugrec et la féverole sont plébiscités mais il n'est pas rare de trouver du trèfle, de la lentille ou encore des mélanges hybrides (légumineuses associées à la cameline, lin, sarrasin). 30 % des répondants sèment plus tôt pour améliorer la robustesse face aux altises. Si certains réalisent un passage de semoir supplémentaire, les autres investissent dans un matériel spécifique (double caisse).
Au vu des retours, le colza associé permet une meilleure gestion des altises d'hiver (petites altises, larves et adultes) alors que les performances sont similaires sur les pucerons, les charançons ou les noctuelles. Elle se révèle en revanche plus complexe pour les dicotylédones et surtout les vivaces. Ainsi, si 60 % des agriculteurs du projet estiment réduire leur utilisation d'insecticides, ils ne sont que 27 % en ce qui concerne les herbicides (la grande majorité ne voit pas de différence). De plus, les études menées jusque-là ne mentionnent jamais l'effet de l'association sur la gestion des maladies. " C'est l'angle mort de ce type d'associations ", déplore Guillaume Houivet, le directeur de la Fdgeda du Cher.
Pas de hausse de rendement
Mais la limite de cette technique est le manque d'impact sur le rendement de la culture principale. Charles Tassel est céréalier dans le Cher. Son assolement est composé entre 25 et 35 % de colza, " la seule tête de rotation qui tient encore la route ", selon lui. Il associe son colza avec de la féverole et de la lentille depuis 2017 et s'il a observé une différence en termes de traitement, sans pouvoir la chiffrer, il constate surtout le manque de rentabilité de la technique. " Mettre en place des associations a un coût et nécessite une technicité plus importante pour le désherbage mais il n'y a pas de gain économique derrière ".
Mise en œuvre et conditions de réussite
Le colza associé est le résultat d'un subtil dosage pour assurer l'installation du peuplement de colza sans lui faire concurrence. En règle générale, le colza a besoin de 400°J pour débuter sa croissance, contre 500 à 700 pour le couvert. En termes de densité, la croissance des couverts se situe idéalement entre 300 et 500 g/m2. " Au-delà de 200, la réduction du nombre de larves et d'insectes d'automne est quasi systématique ", atteste Matthieu Loos, chargé de développement en agronomie et implantation de cultures chez Terres Inovia.
Les apports en azote sont également enrichis par rapport au colza seul. Soit quelques raisons de se lancer, tout de même, dans cette conduite culturale.