Renouvellement des générations
Pour l’avenir du métier : anticiper la reprise
La MFR Saint-Loup-sur-Thouet et la chambre d’agriculture des Deux-Sèvres ont noué un partenariat depuis deux ans pour améliorer la reprise d’exploitations, en mettant en lien des jeunes en formation avec des agriculteurs proches de la retraite.
La MFR Saint-Loup-sur-Thouet et la chambre d’agriculture des Deux-Sèvres ont noué un partenariat depuis deux ans pour améliorer la reprise d’exploitations, en mettant en lien des jeunes en formation avec des agriculteurs proches de la retraite.
L’avenir des exploitations agricoles est incertain, ce n’est plus une surprise. Les Deux-Sèvres comptent aujourd’hui 4200 exploitations. Au vu du nombre de reprises, ce chiffre devrait tomber à 2300 en 2030. Face à ce constat, l’équipe de la MFR Saint-Loup-sur-Thouet s’est demandé comment elle pouvait changer la tendance. Pour Rémi Douat, son directeur, il est possible de maintenir 200 installations par an, ce qui permettrait d’avoir 3200 exploitations dans dix ans. Seule, il sera difficile pour la MFR d’agir. A la Chambre d’agriculture des Deux-Sèvres, Dominique Varrin, conseillère en installation transmission, cherchait justement à mettre en place un dispositif avec un centre de formation. L’objectif de leur partenariat est simple : croiser le fichier des élèves en recherche de stages et d’apprentissages avec celui des futurs cédants. Il s’appuie sur un constat : la transmission est toujours une question de relation. En permettant l’établissement d’une relation de confiance sur plusieurs années, ils espèrent que jeunes et anciens s’entendent sur un projet commun.
Accorder futur installé et futur cédant
Aujourd’hui, 60% des candidats à l’installation portent un projet hors cadre familial. D’après Dominique Varrin, leur parcours à l’installation est plus long par rapport à ceux qui se lancent dans le cadre familial. L’obtention des financements n’est pas facile pour ce public, explique Rémi Douat, directeur de la MFR Saint-Loup : « Entre un père et son fils, il est courant que le premier fasse un geste pour la vente des parts sociales. Hors cadre familial, le cédant veut vendre au meilleur prix et à ce moment-là, ce sont les banques qui ne suivent plus. »
Il est donc impératif de s’y prendre le plus tôt possible et de réfléchir la reprise autrement. La MFR a d’abord travaillé sur le ciblage de l’apprentissage, en tenant compte de la production et du type de société recherché par le jeune. La ferme sur laquelle il fera son apprentissage sera choisie en fonction de ces critères.
Cette année, le travail porte sur les stagiaires. Sur 31 élèves, la MFR en a repéré onze qui ont le profil pour devenir de futurs chefs d’entreprise. Sur les onze, sept ont donné suite en répondant à un questionnaire détaillé sur leur situation actuelle et ce qu’ils envisagent pour leur avenir professionnel et social (engagement politique, syndical, associatif). Après un entretien avec chaque élève, Dominique Varrin va croiser les profils avec l’annuaire des futurs cédants, qu’elle rencontre tout au long de l’année. Les agriculteurs choisis sont au moins à cinq ans de la retraite et commencent à réfléchir à la transmission.
Une rencontre est prévue à la fin de l’année scolaire pour lancer les stages dès la rentrée prochaine.
Etablir un nouveau parcours à l’installation
La MFR Saint-Loup-Sur-Thouet et la Chambre d’agriculture misent sur l’idée que le jeune en stage poursuivra en apprentissage, puis en BTS après son bac. Diplômé, il peut ainsi devenir salarié et commencer à racheter les parts sociales. Le cédant approche alors de la soixantaine et le jeune finit par racheter l’exploitation. « Ils se choisissent à un moment donné, observe Dominique Varrin, même si le jeune voyage ou travaille comme salarié après ses études, il y a un lien qui s’est établi. »
Si ce partenariat s’étendait au niveau départemental, il pourrait impliquer entre trente et quarante jeunes par an. Des réflexions sont menées sur des aides financières et des parrainages pour aider les agriculteurs à embaucher les futurs installés comme salariés. Autre frein à lever : la mobilité des jeunes. A dix-sept ans, beaucoup n’ont pas leur propre moyen de déplacement, ou sont réticents à l’idée de vivre loin de leur famille la majeure partie de l’année.
Apprendre à se connaître, un enjeu de l’apprentissage
Alex Mondon est actuellement en 1èrebac pro CGEA à la MFR Saint-Loup. Après une année de seconde pendant laquelle il a multiplié les stages dans différentes productions (bovin, ovin, viticole), il a trouvé un apprentissage en juillet 2019 chez un engraisseur bovin, Philippe Brottier. Situé à Oroux, ce dernier engraisse 600 vaches à l’année. En 2019, il comptait transmettre l’exploitation à son fils, la banque avait donné son accord, mais celui-ci est finalement parti s’installer en Charente avec sa compagne.
À 55 ans, Philippe Brottier estime qu’il prendra sa retraite dans sept ans environ, ce qui lui laisse le temps de « trouver un jeune et l’installer ». Hors de question pour lui que ses terres partent à l’agrandissement. Dans l’optique d’une transmission, il ne fait plus de vêlage et a renoncé à s’agrandir, pour éviter des investissements qui retomberaient sur le jeune installé. Les huit premiers mois d’apprentissage d’Alex se sont bien passés, mais il est encore trop tôt pour parler d’une potentielle transmission.
Après son bac, Alex veut s’orienter vers un BTS ACSE, et poursuivre son apprentissage chez Philippe Brottier, « pour qu’on se connaisse mieux ». Pour l’agriculteur, c’est une bonne expérience. « Je ne me vois pas faire une transmission en six mois », confie-t-il. Il a à cœur de transmettre son savoir-faire et sa vision de l’agriculture. Il possède une patente de marchand de bétail, préférant vendre ses bêtes en dehors d’un groupement. Alex apprécie ce fonctionnement, lui qui a longtemps voulu devenir marchand de bêtes. Son grand-père lui a transmis la passion de l’élevage, depuis « rien ne peut m’enlever cette idée de la tête ». Il pense à s’installer, mais il n’oublie pas que la priorité pour le moment est d’avoir son bac.