" On rationne une denrée qui ne manque pas "
Lors de l'AG de COC, Louis Bodin, ingénieur en météorologie a indiqué que la France allait continuer à recevoir la même quantité d'eau qu'actuellement, avec néanmoins une répartition sensiblement différente. Ce qui milite en faveur de la création de retenues de stockage pour produire de quoi nourrir les quelque 9,5 milliards d'habitants d'ici à 2050.
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Bien connu pour ses prestations médiatiques, c'est en professionnel de la météorologie que Louis Bodin est intervenu le 6 décembre dernier à l'AG de COC, au Palais des congrès du Futuroscope. Cet ingénieur météorologiste qui a officié à Météo France durant 15 ans, est intervenu sur le thème de l'impact de l'évolution du climat sur l'agriculture. Un rendez-vous bloqué sur l'agenda de la coopérative depuis plus d'un an qui tombait particulièrement à point nommé en cette année calamiteuse.
Un cadre précis
Il a rappelé que cette science est relativement récente, précisant que les prémices ont réellement débuté vers 1870 avant de se développer au cours du XXe siècle. Ce qui l'amène à inviter à faire preuve de sagesse quand on assène que "c'était mieux avant". Les données relatives à la variabilité du climat reposent sur l'état des connaissances accumulées sur cinq siècles, essentiellement à partir de reconstitutions issues de témoignages. Témoignages, soit dit en passant, qui font état d'une année extrêmement arrosée sous le règne de Louis XIV, se traduisant par l'absence de récolte et une famine telle qu'elle a entraîné la mort d'1 million de personnes " ce qui proportionnellement représenterait 3 millions aujourd'hui ", contextualise Louis Bodin.
Actuellement, les prévisions météo sont fiables à un horizon de 7 jours maximum. " Au-delà, vous oubliez. Ce n'est pas honnête de faire des prévisions à 10-15 jours ou 3 semaines ", estime Louis Bodin. Il souligne d'ailleurs que " la fiabilité ne progresse pas énormément depuis 4 ou 5 ans. C'est frustrant. Il y a une autre limite aux prévisions, c'est qu'on ne sait pas faire par petite région, par département. Il faut fonctionner avec ce cadre-là ", poursuit-il. Quant aux prévisions saisonnières, " on ne sait rien. On a autant de chance au doigt mouillé ", ironise-t-il. " C'est la même chose avec El Nino. Méfiez-vous de tout ça ! ", met-il en garde.
500 milliards de m3/an en France
Passé ces préliminaires, l'ingénieur souligne que " sauf à s'appeler Trump ", lequel à l'issue d'un hiver froid aux USA remettait en cause le fait qu'on fait face au réchauffement climatique. " Les évènements climatiques sont plus ou moins marqués et c'est la moyenne qui doit nous fait réagir ", indique-t-il, pas des éléments isolés. " Il y a une catastrophe tous les jours sur notre planète. Cela a toujours existé, cela fait partie du cycle naturel ", ajoute-t-il. L'ampleur de ces phénomènes est notamment boostée par l'augmentation de la population et surtout sa concentration dans les zones les plus exposées. " La démographie est un élément qu'on a oublié. Plus d'hommes dans un même endroit fait que plus de monde est touché lors d'une calamité. On ne s'est pas installés au bon endroit ", étaye-t-il à l'aide de cartes. " L'accroissement de la population mondiale, c'est 200 000 personnes de plus par jour. Soit autant de bouches supplémentaires à nourrir ", observe-t-il, ajoutant que " la climatologie est totalement inégale et que c'est sous les températures moyennes de 13 à19 °C que se trouvent les pays développés. Demain quand on se projettera avec 9,5 milliards d'habitants, il faudra s'en souvenir. " Autrement dit, produire suffisamment, ce qui nécessite un accès à l'eau régulier.
Pour la France, il écarte globalement tout problème d'eau. " Chaque année, on reçoit 500 milliards de m3 d'eau dont 300 milliards s'évaporent. Il en reste 200 milliards ", déclare-t-il, jugeant que cette quantité ne va pas changer, contrairement à sa répartition. L'arc méditerranéen souffre déjà de sécheresses récurrentes et nous avons dans notre région cumulé des excès d'eau conséquents depuis 14 mois. Ce qui milite en faveur de la mise en place de retenues de stockage, " cela ne change en rien le cycle de l'eau, avance Louis Bodin. On rationne une denrée dont on ne manque pas. C'est à l'État de faire preuve de courage et d'autorité. " De quoi apporter de l'eau au moulin des adhérents de la coopérative COC, qui apprécieraient qu'un tel discours soit partagé avec les élus et gouvernements successifs...