Festival
À Regards noirs, « personne n’est innocent »
L’engouement pour le polar ne faiblit pas, comme le démontre chaque année le festival de Niort, Regards noirs. Retour sur cette sixième édition, qui s’est tenue du 13 au 16 février, avec Marin Ledun, auteur de roman noir.
L’engouement pour le polar ne faiblit pas, comme le démontre chaque année le festival de Niort, Regards noirs. Retour sur cette sixième édition, qui s’est tenue du 13 au 16 février, avec Marin Ledun, auteur de roman noir.
Le festival Regards noirs, point d’orgue d’un travail mené toute l’année avec des associations niortaises, fait la part belle au polar. Initié en 2010 par le service culturel de la ville de Niort, le festival monte en gamme depuis 2015, passant de deux à quatorze auteurs accueillis, sur quatre jours au lieu d’un. Même si la littérature reste l’héroïne de l’événement, celui-ci s’est élargi à la musique, au cinéma, au théâtre et jusqu’aux arts plastiques, grâce à des partenariats avec l’État et la région Nouvelle-Aquitaine.
Pour Christelle Chassagne, adjointe à la culture, cette diversité offre un plus par rapport à la traditionnelle rencontre-dédicace. Conférences, concerts et spectacles ont émaillé ces journées haletantes autour d’histoires criminelles. Des frissons et réflexions pour tous les âges, avec la même ambition depuis le départ : amener la lecture à ceux qui ne viennent pas à elle.
Le festival s’ouvre depuis 2018 sur la remise du prix Clouzot, en hommage au cinéaste niortais Henri-Georges Clouzot. Le jury récompense l’adaptation d’un roman noir en BD. Cette année, Gaël Henry a reçu le prix pour sa BD Tropique de la violence, adaptée du roman de Natacha Appanah.
« Écrire est un acte politique »
C’est la troisième fois que l’écrivain de roman noir Marin Ledun participe au festival, l’aboutissement de plusieurs mois de compagnonnage littéraire. Installé à Niort, il a mené une série de projets : création d’une pièce radiophonique au centre hospitalier, lecture à voix haute au quartier du Clou-Bouchet, ateliers d’écriture avec des élèves de 4ème à Saint-Maixent-l’École. Ce dernier a fait l’objet d’une restitution lors du Festival : les élèves du collège Denfert-Rochereau sont montés sur scène le 14 février, pour lire leur texte face au public. Pour y parvenir, il a fallu persuader ces élèves « qu’ils pouvaient tous écrire une histoire, raconte Marin Ledun. Ils ne sont pas écrivains, ils n’aiment pas le français pour certains. Ils ont réussi à lire devant le public parce qu’ils étaient convaincus que leur texte était digne d’intérêt », affirme-t-il.
Pour l’auteur, mener un atelier d’écriture est une démarche politique car « lire et écrire sont des actes subversifs ». Que ce soient des fictions qui permettent de s’échapper du monde réel, ou des romans noirs porteurs d’une critique de ce monde, les livres posent un acte politique.
À l’orée du festival, le 13 février, l’université populaire de Niort a organisé une conférence « Pourquoi lisons-nous des polars ? ». Marin Ledun y est revenu sur son essai Mon ennemi intérieur, paru en 2019 aux éditions Le petit écart, qui tente de répondre à la question « Pourquoi écrire des romans noirs ? »
La règle n°1 du roman noir, c'est qu'il n'y a pas de règle", Marin Ledun
Polar ou roman noir ?
Point vocabulaire : le terme polar recouvre toutes les littératures policières, avec deux grandes catégories, le roman policier et le roman noir. Tous les deux se basent sur le crime, mais dans le roman policier, le crime perturbe l’ordre établi, alors que dans le roman noir, le crime est inhérent aux rapports entre les individus au sein de la société. Il porte une critique sociale sur le monde, en partant du principe que "personne n’est innocent".
Apparu dans les années 1920 aux États-Unis, les ventes de roman noir explosent lors de crises sociales et économiques. En utilisant les codes du divertissement, l’écrivain vulgarise des thèmes complexes, comme le mécanisme de contrôle social (Les visages écrasés, Marin Ledun), ou la financiarisation du secteur pétrolier (Or noir, Dominique Manotti). À la fin, tout ne rentre pas dans l’ordre : ce sont les méchants qui gagnent. « Les privilégiés sortent vite de prison, pas les pauvres », souligne Marin Ledun, avant de nuancer « La règle numéro 1 du roman noir, c’est qu’il n’y a pas de règle ».
Les auteurs de polar, pro de l’impro