Sans réserve, des acteurs de l’eau répondent à une pluie de questions
Responsables professionnels agricoles, mais également hydrogéologues et techniciens agricoles, répondent aux questions que se posent les habitants des territoires. Quantité et qualité de l’eau doivent être préservées. Dans leurs projets, les agriculteurs disent tenir compte de ces exigences légitimes.
Pourquoi les agriculteurs irriguent-ils ?
Jean-Marc Renaudeau, président de la chambre d’agriculture : Pour se développer, une plante a besoin d’eau, de lumière, de chaleur, et d’une matrice, la terre. Depuis que les hommes cultivent pour se nourrir, ils utilisent cette technique pour assurer le développement des végétaux et une production à la hauteur de leurs attentes. De la même manière que l’agriculteur, le jardinier amateur, pour assurer la production de ses tomates, arrose l’été. Le cas échéant, via un puits, l’adduction d’eau ou le stockage des eaux de pluie, il apporte, en complément des précipitations estivales, les quantités permettant d’éviter le stress hydrique. Cette technique, lorsque les conditions météo sont défavorables, permet de garantir une production. La frustration du jardinier privé de légumes faute de pluie, peut se transformer, pour ceux qui vivent des fruits de la terre, en réelle catastrophe économique.
Pourquoi certains agriculteurs produisent sans eau quand d’autres disent ne pas pouvoir s’en passer ?
Thierry Boudaud, vice-président de la Coop de l’eau : Le type de sol qui caractérise l’exploitation, mais également le système développé par l’agriculteur, sont des paramètres qui vont rendre plus ou moins essentielle la sécurisation de la production par l’accès à l’eau. Effectivement, les sols ne présentent pas tous les mêmes qualités agronomiques. Selon que l’exploitation est située au cœur des terres rouges du Mellois ou en groies superficielles dans la plaine calcaire d’Usseau, les cultures seront conduites différemment. Les sols du premier secteur présentent, de par leur texture, leur teneur en éléments grossiers (silex, calcaires…) et leur profondeur, un réservoir en eau utilisable par les plantes trois fois supérieur à celui des terres du second secteur.
Chacun comprendra alors que le potentiel de production, sans intervention de la part des agriculteurs, n’est pas le même. Pour sécuriser son niveau de production de fourrages ou de grains, l’exploitant du secteur d’Usseau ressentira davantage que son confrère le besoin d’irriguer alors que les pluies se feront rares.
Outre la zone géographique, le système de production de l’exploitation rend plus ou moins supportable par l’agriculteur les risques liés au manque d’eau. Les animaux, les contrats de production quels qu’ils soient également, obligent les exploitants à un certain niveau de récolte.
Cette sécurité est un socle sur lequel les filières peuvent appuyer leur développement. De nombreux emplois dans les territoires ruraux en découlent.
Avec quelle eau irrigue-t-on ?
Fabrice Moreau, hydrogéologue du cabinet Hygéo : L’eau de pluie ruisselle, s’évapore, alimente les réserves du sol puis le surplus s’infiltre dans le sous-sol jusqu’à alimenter les nappes. Lorsque celles-ci sont hautes, elles vont alimenter les rivières par débordement. Entre le moment où l’eau tombe et le moment où la nappe, par débordement, va alimenter la rivière, il se passe selon la géologie quelques semaines à quelques mois. Cette inertie des eaux souterraines est importante. Elle offre un décalage entre la météo et son incidence à l’instant T sur l’état du milieu. La substitution, via les réserves en projet, envisagée par les agences de l’eau, permet de préserver ce fonctionnement. Le prélèvement d’une partie du surplus l’hiver – ce qui par débordement de la nappe dans les rivières prend le chemin de la mer – n’affectera pas cette inertie des eaux souterraines si les seuils sont justement appréciés.
Sur la Sèvre niortaise, la Coop de l’eau a prévu un suivi des remplissages pendant les trois premières années. En fonction des précipitations réelles, les indicateurs de coupures seront ou non réajustés.
Pourquoi les irrigants veulent-ils des réserves de substitution ?
Thierry Boudaud, vice-président de la Coop de l’eau : Les réserves sont des outils pour limiter l’impact des prélèvements d’irrigation sur le milieu en période estivale. Pompée l’hiver, lorsque la ressource le permet, l’eau pourra alors être utilisée l’été, lorsque les cultures souffrent de stress hydrique. Le projet des 19 réserves de substitution de la Sèvre niortaise repose sur un objectif de stockage de 8,4 millions de m3. Un volume que les irrigants proposent de juger au regard des précipitations tombées de janvier à juin sur ce même territoire : 1 milliard de m3.
Pourquoi les agriculteurs font-ils appel aux fonds publics pour financer ces outils ?
Pierre Trouvat, président de la Coop de l’eau : Les retenues de substitution en projet sont des infrastructures lourdes. Ces ouvrages, au même titre qu’un barrage géré par un syndicat mixte, servent les intérêts d’un territoire sur plusieurs générations. L’eau prélevée l’hiver sera disponible l’été pour sécuriser la production agricole sans nuire au milieu. L’État, via l’Établissement Public du Marais Poitevin (EPMP), gère les volumes stockés. Ils sont attribués aux agriculteurs adhérents de la Coop de l’eau selon un ordre arrêté dans le règlement de l’EPMP : installation, élevage, culture à valeur ajoutée, maraîchage, production biologique.
Projet collectif et d’intérêt général, le programme de construction de réserves répond aux exigences de l’Agence de l’eau Loire-Bretagne, qui voit dans la substitution un moyen pour rétablir les équilibres du milieu naturel. À ce titre, le comité de bassin de cet établissement public a validé les financements. Constitué de toutes les composantes structurées de la société, il a validé le schéma financier qui implique également les agriculteurs à hauteur de 30 %.
Je ne peux pas irriguer mon jardin. Pourquoi les agriculteurs peuvent-ils irriguer leurs cultures ?
Marie-Claude Gauthier, responsable du pôle eau quantité à la chambre d’agriculture : Tous les prélèvements d’irrigation sont encadrés par un arrêté préfectoral. Cet arrêté prévoit, en fonction des niveaux d’eau dans le milieu, de limiter ou de stopper les prélèvements. Les usages prioritaires (eau potable, abreuvement des animaux et lutte contre les incendies) ne sont pas concernés par cet arrêté.
En situation exceptionnelle, le préfet a toute latitude pour prendre des mesures exceptionnelles. La réduction ou l’interdiction des prélèvements des particuliers comptent parmi ces mesures exceptionnelles. Hors dérogation, les prélèvements des exploitants sont limités, voire suspendus, avant que les particuliers ne soient contraints dans leurs pratiques. Le remplissage des piscines ou le lavage des voitures sont affectés avant que l’arrosage des potagers ne soit réduit.