Un département sous contrainte budgétaire, mais pas assomé
Cette semaine, Alain Pichon est l'invité de la rédaction. Le président du Conseil départemental revient sur ses 3 années de présidence et ses visions sur l'avenir de l'assemblée départementale.
Élu en novembre 2020 à la suite du retrait de Buno Belin qui devenait sénateur, Alain Pichon a été conforté et réélu à son poste de président du Conseil départemental en juillet 2021, lors des élections départementales. S'il dresse un "bilan contrasté" de ces 4 années de mandat, c'est avant tout lié aux contraintes budgétaires. Sur le fond de l'action de sa majorité, l'élu se félicite des nombreuses actions menées. "Notre ambition, c'est d'être toujours présent sur la solidarité. Les actions pour les enfants qu'il faut préserver, les personnes en invalidité ou les personnes âgées, cela représente 300 millions d'euros. C'est 2/3 de notre budget". Alain Pichon se félicite de cet "échelon de proximité" dans lequel il pense avoir "travaillé pour l'égalité des territoires". Et d'évoquer les concerts organisés dans le cadre des Heures Vagabondes ou l'accompagnement des associations. Lui qui a été maire de sa commune d'Antran de 1995 à 2020 et conseiller départemental depuis 2015 connaît bien les institutions locales. "Mon engagement n'est pas politique, mais pour la Vienne et ses habitants". Une implication qui se fait désormais quasiment à temps plein, puisqu'Alain Pichon a pris sa retraite agricole. "Je garde quand même un pied sur l'exploitation que j'ai transmise à mon neveu. J'y suis en général une journée par semaine".
Aéroport Poitiers-Biard: "Il faut être pragmatique"
Avec l'absence de majorité absolue à l'Assemblée nationale pour aucun parti ou bloc politique, c'est tout le paysage politique français qui a été rendu instable après les résultats des élections législatives de début juillet. "C'est affligeant de voir un pays aussi puissant que la France, se mettre en grande difficulté. Il y a de nombreux pays en Europe où des consensus sont trouvés entre personnes d'horizons différents mais qui veulent faire fonctionner leur pays. En France, on n'a pas cette envie. Quand on voit le comportement de certains députés à l'Assemblée nationale, où peu de gens se respectent, c'est triste."
Alain Pichon observe qu'à l'échelle locale, les relations avec les élus d'autres horizons politiques que la majorité départementale, restent respectueuses, "malgré les divergences de vue". "Les débats sont constructifs même si, après, les votes le sont parfois moins, mais c'est normal, il faut se différencier."
Le président estime que les relations avec les autres collectivités sont "courtoises".
Mais des points d'achoppement existent malgré tout. "On n'a pas toujours de visions partagées sur certains dossiers, comme celui de l'aéroport. Ce sujet nous oppose à Grand Poitiers. On va réussir à trouver certains compromis. Mais à un moment, on ne peut pas être à côté de la vie. Quand on ouvre un vol Poitiers-Barcelone, qui est rempli à 98 %, quand on ouvre un vol Poitiers-Edimbourg, avec un taux de remplissage à peu près identique, on voit que les personnes ont besoin de s'évader à des prix abordables. Il ne faut pas se voiler la face. En plus, on a un aéroport très en avance sur le développement durable : on y installe une dizaine d'hectares de panneaux photovoltaïques sur les délaissés extérieurs. On a une végétation sur les parties herbagères extrêmement intéressante. Des semences y sont récoltées tous les ans, pour les intégrer à des prairies naturelles bio. Cet aéroport permet aussi des vols sanitaires permettant le transport d'organes, des avions, en cas de problème, peuvent y être déroutés… Il faut être pragmatique, tout en étant attentif à notre environnement."
Le président du Département signale que le syndicat mixte de l'aéroport Poitiers-Biard travaille en parallèle à la mise en place d'avions-taxis, tout en rappelant que la liaison aérienne Poitiers-Lyon s'est arrêtée. "On a relancé une opération temporaire, pour maintenir cette liaison, avec un avion de 19 places, mais ça n'a pas bien marché. L'État nous oblige à avoir 11 allers-retours par semaine : on marche sur la tête ! Le besoin n'est plus là. Il faut qu'il y en ait 3 ou 4, ou peut-être seulement 2. Il faut s'adapter aux nouvelles pratiques avec des entreprises qui se déplacent moins."
Alain Pichon doit rencontrer le nouveau ministre des Transports sur ce sujet prochainement.
Une situation agricole terrible
L'année 2024 aura vraiment été une période de calamités pour les agriculteurs, en particulier liées à des précipitations qui ont débuté il y a un an et ont perduré les cultures, depuis les semis et jusqu'à la récolte. "La situation agricole est terrible", déplore Alain Pichon. "Il y a toujours eu en agriculture des hauts et des bas. Mais ça fait un moment qu'il n'y a pas eu de hauts. Le niveau du coût des intrants est resté élevé, alors que les cours sont redescendus. L'an dernier, les trésoreries étaient déjà affaiblies. Et cette année, c'est catastrophique. Sans plan d'action gouvernemental très fort, on va perdre 30 % à 40 % de nos exploitations. Et si on n'arrive pas à avoir des exploitations avec une bonne rentabilité, si on n'arrive pas à installer des jeunes, le métier est perdu." Le président du Département a bien conscience que le secteur de l'élevage traverse aussi des moments difficiles. "Dans le sud Vienne on voit que quand la rentabilité en ovin, en bovin n'est pas là, les exploitants passent à autre chose, comme les céréales, mais sur des terres pas adaptées. Je ne leur jette pas la pierre. Sauf qu'aujourd'hui il n'y a pas de réelle solution en terme de rémunération". Dans ce contexte, des mobilisations d'agriculteurs pourraient s'organiser prochainement. "Quand l'espoir manque, c'est là qu'il peut y avoir des mouvements, mais la violence n'est pas acceptable."
Concernant l'épineux dossier de l'eau dans la Vienne, Alain Pichon se veut réconciliateur en disant qu' "il faut de l'eau pour tous". "Quand l'Établissement public territorial du bassin de la Vienne (EPTB) ne veut pas, pour l'étude Hmuc, faire d'étude socio-économique, alors qu'elle était prévue dans le cahier des charges, on s'étonne. On va le faire dans le cadre du Projet de territoire pour la gestion de l'eau. (PTGE) que nous portons. On est une des collectivités les plus à même de le faire, avec la recherche du plus grand équilibre possible. C'est jouable pour que ce soit fait en juin. Travailler sur ce dossier-là, c'est ne pas vouloir opposer ni les usages, ni les activités. On est les premiers à défendre la biodiversité. Chacun peut trouver sa place". Pour l'élu, "irriguer n'est pas un gros mot. Étant donné le contexte climatique, l'irrigation est nécessaire, et il faut produire. En sachant qu'irriguer coûte et coûtera cher, en particulier avec les réserves de substitution, ça devra être associé à la production de cultures à forte valeur ajoutée comme le maraîchage, les semences… Sinon il n'y aura pas de capacité à financer."
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